Guerre d’Algérie, violence, guerres, histoire de l’eau et Antiquité. Aperçu des livres de la semaine.
Mécanique de la violence
Myriam Benraad, Mécanique des conflits, cycles de violence et résolution, Le Cavalier Bleu, 21€.
Les ouvrages de vulgarisation qui ont esquissé une théorie des conflits sont légion. Mais l’essai de la politiste Myriam Benraad, spécialiste du Moyen-Orient, tente d’une analyse comparatiste en empruntant des chemins de traverse. Objectif : comprendre et faire comprendre les ressorts et le sens des conflits contemporains à la lumière de l’Histoire et des sciences humaines. C’est là le défi de cette synthèse didactique que de proposer un décryptage de la complexité de conflits qui répondent à leur propre logique, voire leur propre rationalité. Le livre se divise en trois axes : avant le conflit, durant le conflit et après le conflit. Chaque partie entend tordre le cou à des idées reçues comme c’est le cas par exemple des causes qui produisent toujours les mêmes effets, le facteur religieux, l’élément déclencheur pour la première partie. Pour ce qui est du déroulement d’une guerre, l’auteure s’attache à répondre aux questions suivantes : « les acteurs du conflit poursuivent des buts rationnels », « il est illusoire de vouloir estimer la durée d’un conflit » ou encore « l’escalade aurait pu être évitée » ; etc. Les conflits récents font-ils moins de victimes ? Les alliances sont-elles plus fluctuantes ? Lorsqu’il est résolu, le conflit devient dormant ? La reconstruction est-elle une condition pour surmonter un conflit ? De tout cela il est question dans ce remarquable ouvrage appelé à devenir un précieux support pour les enseignants de premier cycle. On signalera également la parution en poche, de l’excellente Géopolitique de la colère chez le même éditeur.
Tigrane Yégavian
Une histoire de l’eau
Agathe Euzen, Claire Marc, Tout comprendre (ou presque) sur l’eau, Éditions du CNRS, 19 €.
Lorsque l’on parle de l’eau, j’ai toujours en mémoire ce film de Marcel Pagnol, Manon des sources, dans sa version 1952, mais aussi sa version plus moderne (1986) avec Emmanuelle Béart, Daniel Auteuil et Yves Montand. Il est difficile aussi, quand on est issu du monde méditerranéen de ne pas ressentir physiquement l’impact de l’eau, source de vie qu’il faut aussi savoir dompter.
Les publications sur le sujet sont évidemment très nombreuses, et elles permettent d’aborder cette question sous différents angles. La question environnementale est évidemment importante, d’autant plus que la disponibilité en eau douce directement accessible est de plus en plus difficile. Ce qui se raréfie suscite des convoitises, au point que depuis maintenant plusieurs décennies, notamment lorsque l’on traite du proche et du Moyen-Orient de guerre de l’eau.
Cet ouvrage se présente sous une forme très originale, en associant dans le corps du texte de très nombreuses illustrations, de très nombreux schémas, qui en rendent le contenu parfaitement accessible. Claire Marc qui est la co-autrice avec Agathe Euzen de ces 130 pages est présentée comme médiatrice scientifique et facilitatrice graphique. De ce point de vue son action dans cet ouvrage se révèle particulièrement éclairante. Le sujet sur l’eau est décliné en 20 questions, présentées de façon très didactique en abordant, par exemple, le cycle de l’eau avec les interactions humaines, la question de la marchandisation de la ressource, mais aussi les guerres de l’eau.
La performance des deux auteurs se vérifie aussi lorsque l’on aborde des questions complexes, comme les technologies de l’eau ou sa gestion. Si l’on devait émettre une réserve, peut-être aurait-il fallu aborder dans les guerres de l’eau, son usage comme arme, ce que la guerre en Ukraine a pu montrer, lors des différentes actions menées sur les barrages. Effet de génération sans doute, mais l’auteur de ces lignes a toujours en mémoire les actions de bombardement des digues menées par l’aviation américaine pendant la guerre du Vietnam. L’eau était déjà bel et bien une arme de guerre.
Pour autant, cet ouvrage se révèle particulièrement utile pour différents publics. Son accès facile grâce aux illustrations le destine incontestablement un jeune public. Il devrait être recommandé à l’achat par les centres de documentation des collèges et lycées. Il sera également très précieux dans une médiathèque. Mais au-delà, et parce que la quasi-totalité des questions touchant à l’eau sont abordées, il peut permettre aux candidats préparant les options sciences humaines des concours de l’armée de terre d’avoir très rapidement des informations précises et surtout contextualisées de ce sujet.
Bruno Modica
Ukraine
Pierre Lellouche, Engrenages – La Guerre d’Ukraine et le basculement du monde, Éditions Odile Jacob, 23,90 €.
Affirmant ses convictions avec force dès les premières pages, Pierre Lellouche, ancien secrétaire d’État aux affaires européennes et président de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, cherche à percer l’épais brouillard qui couvre depuis 2022 le ciel ukrainien. Les gouvernements, dans un camp comme dans l’autre, ont menti, continuent de mentir, et finissent eux-mêmes par croire à leurs mensonges. Dans un engrenage infernal, ils forment notre perception du conflit et transforment sa propre nature. Les conséquences sur la stabilité internationale pourraient être désastreuses, alors qu’un bouleversement du monde est à l’œuvre, dont la Chine pourrait bien sortir grande gagnante.
Sparte contre Athènes
Manuel Rodrigues de Oliveira, Sparte contre Athènes – 510-354, Éditions Passés composés, 23 €.
On connaît l’opposition de Sparte et d’Athènes et leur affrontement dans la guerre du Péloponnèse. Mais quelle image a-t-on de ces deux puissances ? L’histoire retient d’Athènes le siècle de Périclès et la naissance de la démocratie. Quant à Sparte, elle serait une nation guerrière, conservatrice et impérialiste. Dans un travail sérieux et original, l’auteur prend le contrepied de l’historiographie française et des mythes qu’elle a créés. On notera le titre, qui renverse le piège de Thucydide : Sparte contre Athènes, et non Athènes contre Sparte.
Atlas Algérie
Guy Pervillé, Atlas de la guerre d’Algérie – De la conquête à l’indépendance, Éditions Autrement, 24 €.
Des cartes éclairantes pour comprendre l’Algérie à travers l’hétérogénéité frappante de son territoire, physique comme humaine. L’histoire a beaucoup à apprendre de la géographie, car elle est son terrain d’action. On apprendra dans cet atlas à distinguer villes et campagnes, montagnes et plaines, littoral et intérieur des terres, pour mieux s’imprégner du décor et comprendre les dynamiques à l’œuvre dans le conflit qui a mis fin à la colonisation de l’Algérie.