C’est un groupe de 23 historiens dont quelques rares étrangers qui ont contribué à cet ouvrage collectif portant sur un thème tant étudié, tant débattu et même encore nié jusqu’à nos jours.
Même si le titre est un peu surfait (afin d’attirer un nouveau public), il s’agit bien d’une approche stimulante, car elle englobe les massacres de masse, ne concernant pas la seule destruction des communautés juives d’Europe centrale et occidentale. Par exemple 260 000 personnes ont été victimes de la guerre nazie contre les malades. Un lien direct est établi avec le génocide des Juifs perpétré par la suite, et on peut affirmer que c’est principalement l’Aktion T4 – c’est-à-dire le meurtre de masse centralisé par déportation vers un point central pour être gazé immédiatement après- qui a constitué la base pratique et pragmatique du judéocide au sein du Gouvernement général en Pologne. Il en a été de même du génocide et persécutions des Roms et Senti en Europe entre 1933 et 1946 dont les victimes sont évaluées à 100 000 tués. L’essentiel porte donc sur la dynamique assassine, la mise en place de la « Solution finale ». a Des articles variés et fournis revisitent le sujet en apportant quelques faits nouveaux ou un éclairage différent. Puisque bon nombre des contributeurs sont des enseignants qui ont conduit leurs élèves, sur les lieux du génocide, principalement Auschwitz -Birkenau, l’impact de ces visites est évalué, ce qui enrichit le débat récurrent entre Histoire et Mémoire. Rôle des ghettos, Shoah par balles, centres de mise à mort, sauvetage des Juifs dans les territoires soviétiques occupés. Une copieuse partie est consacrée à la Shoah en France qui a touché plus de 78 000 personnes, déportées (74 150) ou exterminées sur place (environ 4 000). Bilan communément appelé « bon « comparé à ceux des pays voisins, notamment les Pays-Bas (104 000 déportés pour 140 000 juifs recensés) et la Belgique (25 000 déportés sur 56 000 Juifs déclarés).
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Bien des Juifs ont rejoint le général de Gaulle à Londres, comme René Cassin, prix Nobel de la paix en 1968 et Raymond Aron, ou dans les mouvements de résistance comme Raymond Aubrac. Une dernière partie, peut-être la plus nouvelle, porte sur les enjeux mémoriels et éducatifs. Que savaient les Alliés ? Quels ont été les rapports entre l’Allemagne, le monde arabo-musulman et la Shoah ? Les articles qui clôturent cet ouvrage collectif sont peut-être les plus stimulants. Yves Ternon, qui a beaucoup écrit sur le premier génocide du siècle (celui des Arméniens), se demande si l’on peut comparer les génocides. Question à laquelle il est bien difficile de répondre. À ne prendre qu’un seul exemple, le massacre des Hereros et des Namas en Afrique allemande du Sud–Ouest, est-il comparable à la Shoah ? Déjà le terme de Vernichtung (anéantissement) avait été employé, comme à la conférence de Wannsee en 1942, qui ajoute « Total ».
Quant à l’histoire du négationnisme et du complotisme, ils représentent hélas une longue et lourde histoire. N’a-t-on pas vu en avril 2020 sur le site d’État iranien francophone Pars Today, un article de l’agence iranienne IRNA intitulé : « Corona, un virus made in Rothschild ? », ainsi qu’une vidéo de Press TV incriminant les banquiers et leurs « plans diaboliques ». Bien entendu, il est impossible de faire le point de toutes les questions et recherches relatives à la Shoah en un peu plus de 400 pages ; mais voici une synthèse solide, claire et stimulante.