Livre – Charles roi d’Angleterre

3 mai 2021

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Photo : Charles, roi d’Angleterre. Michel Faure. Crédit photo : Unsplash

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Livre – Charles roi d’Angleterre

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Difficile d’être le prince chargé de succéder à un règne qui fut le plus long de l’histoire de l’Angleterre et durant lequel le pays a connu tant de transformations. Tout en vivant dans l’ombre de sa mère, Charles a dû se créer sa propre vie et accepter son destin de futur roi.

 

Charles est l’aîné de la reine Elizabeth et du prince Philip, héritier premier de la famille Windsor. Cette famille est une pure création de 1917. Depuis 1840, la famille royale porte le nom germanique de Saxe-Cobourg et Gotha, car Victoria épousa Albert de Saxe-Cobourg-Gotha. La famille est elle-même allemande, car la branche Hanovre monte sur le trône anglais en 1714. Le sentiment anti-allemand au lendemain de la Première Guerre mondiale au Royaume-Uni force le roi Georges V à rebaptiser sa famille du nom de « Windsor », nom emprunté à l’un de ses châteaux. Voilà donc Charles héritier de cette famille royale née au XXe siècle et qui a épousé la destinée du Royaume-Uni. Sa mère, très occupée par sa charge, fut pour lui une mère détachée plus qu’indifférente. Son devoir prime sur tout, y compris sur l’amour maternel. C’est donc Philip qui s’occupa de son fils. Attentif, mais surtout autoritaire, le prince guerrier, sportif, séducteur, ne comprend pas le penchant rêveur perdu de son fils. Ayant peur des chevaux, il parvient à se dominer pour impressionner son père et devient un bon joueur de polo. Il n’est pas passionné de mer, mais puisque Philip veut qu’il soit un bon marin, comme tout Anglais, il se met à la voile avec assiduité. Il déteste son collège, car son tempérament réservé et son physique ingrat lui valent des moqueries. Il dira plus tard avoir vécu une « enfance misérable ».

Le plus long prince de Galles

Il est intronisé prince de Galles en 1958, comme tous les héritiers au trône, et découvre sa principauté, qui sera l’ébauche de ses projets royaux futurs. Comme tout prince, il doit servir dans l’armée et commence ainsi sa carrière dans l’aviation en 1971 malgré ses réticences. Pilote mais aussi parachutiste, la presse anglaise est friande des photos du prince en casque et treillis. Il intègre ensuite la Royal Navy et s’il ne s’avère pas très doué dans les manœuvres, il est remarqué pour ses talents d’orientation grâce aux étoiles. Après sa formation militaire, un voyage au Kenya détermine définitivement sa pensée. Il est invité par un intellectuel, Van der Post, qui considère que « l’Homme a perdu la magie du monde en remplaçant la superstition du cœur par celle de l’esprit ». Pour lui, arbres, animaux et insectes sont « prêtres et professeurs de ce monde ». Il découvre lors de ce voyage la pensée de Carl Jung pionnier de la « psychologie des profondeurs » et inventeur du concept « d’inconscient collectif ». Il existerait des images collectives dont les Hommes auraient hérité tous ensemble, et que les sciences occultes permettent de comprendre. Cette pensée New Age le pousse à voir les religions et les institutions comme une sagesse millénaire de l’Homme, mais il déplore la modernité qui les a enfermées dans un cadre.

Vient ensuite le temps de trouver une épouse pour assurer la succession de la couronne. Ayant de nombreuses relations, son véritable amour penche vers Camilla Shand qui est déjà séparée de son époux. Un mariage est impossible. Il envisage donc d’épouser Diana Spencer, jolie blonde attentionnée à son côté mélancolique mais pas très intelligente. Lorsqu’il la demande en mariage, Diana répond qu’elle l’aime, lui se contente d’un « whatever in love means », « quoi que veuille dire amoureux ». Le mariage est sublime, mais Diana souffre rapidement de la rigidité du cadre monarchique et sombre peu à peu dans une instabilité qui tourne presque à la folie. Les relations sont de plus en plus tendues, car Charles continue de fréquenter Camilla sous serment d’une simple amitié. Diana, jalouse, provoque la « guerre des Galles ». Puisqu’elle est persuadée des infidélités de son mari, elle va jouer elle aussi. La spirale infernale est telle que la reine elle-même précipite le divorce en 1996. Diana meurt l’année suivante dans un accident. L’émoi fait trembler la monarchie, si bien que Charles tombe à 4% de popularité dans les sondages. Souffrant beaucoup des doutes qui courent sur lui, il se rapproche de Camilla. Il engage même un professionnel de la communication pour redorer son image auprès de son peuple. Le côté « père attentif » fait le reste auprès de la presse people.

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Les lubies du prince

Charles est un prince des provinces. Très attaché au Pays-de-Galles, il l’est aussi à l’Écosse et a même créé son propre tartan. Il fait le tour des petits paysans et des petits artisans, visite des collèges, des bâtiments à l’abandon. Mais il oublie que le Pays-de-Galles doit surtout se moderniser alors que son économie est à la peine et que la région a des difficultés à sortir de l’époque du charbon. Il pense également que le Common Wealth est une entité qu’il faut ressouder, car tout le monde y a un intérêt. Il apprécie la Roumanie et se dit être le descendant de Dracula, en riant. Il a acheté une superbe ferme en Transylvanie où tout le monde peut y louer une chambre pour 100 euros. Il dit également aimer la France et surtout ses fromages, il n’hésite pas à critiquer les normes européennes qui les restreignent.

Le prince Charles est un grand écologiste. Pour lui, l’Homme doit renouer en profondeur avec la Nature, il faut se détacher du monde moderne, créer des villes « bio » et s’il le faut, entamer la décroissance. Il est même de tous les combats, discute avec Greta Thunberg et envoie des Spider Letters[1] aux membres du gouvernement. Il défend avec ardeur l’homéopathie, causant la fureur des médecins. Désireux de réduire l’empreinte carbone pour le bien de l’Humanité, il n’hésite pas à faire un tour d’Europe avec son avion personnel pour le clamer aux différents gouvernements. Il est également à la tête d’environ 500 œuvres de charité qui viennent surtout en aide aux jeunes qui veulent trouver leur voie, se réintégrer, fonder une entreprise.

Il est aussi architecte et a une conception harmonieuse de l’urbanisme. L’ensemble doit être parfaitement harmonieux et il déteste l’architecture contemporaine. Il a donc créé dans le Dorset la ville de Poundbury qui doit répondre aux idéaux écologiques, architecturaux, sociétaux du prince. Il montre là ce qu’est son monde parfait. Le projet a quelques difficultés : les prix sont élevés, les réseaux de transport sont défectueux, les bâtiments font « artificiel ». La récupération des déchets fonctionne en revanche très bien et sert à faire rouler les voitures.

Le prince Charles, à côté de son « look dandy », est un écologiste bizarre, un socialiste bizarre, un conservateur bizarre. Il lutte pour l’écologie, mais voyage en avion privé, respecte profondément l’ordre du monde, mais veut en faire la révolution, lutte contre les inégalités, mais est servi tous les jours par des dizaines de domestiques.

Charles de Galles est donc un prince bien énigmatique. Bien qu’il soit familier des Britanniques, sa montée sur le trône fera de lui une autre personne. La fonction change les hommes. Ce qu’il est comme prince de Galles ne présume pas forcément de ce qu’il sera comme roi d’Angleterre. À côté du plus long règne britannique, il aura au moins eu le temps de se préparer à ses responsabilités finales.

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[1] L’écriture en pointe et le ton direct de Charles dans ses lettres leur valent ce surnom

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À propos de l’auteur
Guy-Alexandre Le Roux

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