Dans cette troisième édition de son ouvrage, Stéphane Rosière, professeur de géographie à l’Université de Reims – Champagne -Ardenne, livre l’expérience de près de vingt ans d’enseignement de cette discipline, désormais largement diffusée.
En tant que géographe, il apporte un éclairage essentiel sur les disciplines éminemment spatiales que sont la géographie politique et la géopolitique, que l’on a trop souvent tendance à confondre. Après avoir présenté les différents auteurs fondateurs de ces disciplines (Friedrich Ratzel, Rudolf Kjellèn, Karl Haushofer, Alfred Mahan, Halford John Mackinder, Nicolas John Spykman), il les présente de manière tout à fait originale comme des savoirs distincts, mais formant ensemble un tout cohérent. S’appuyant sur le triptyque de Raymond Aron selon lequel l’espace peut être considéré successivement comme un milieu, un théâtre ou un enjeu, il propose une distinction opérationnelle entre géographie politique, géopolitique et géostratégie. Il préfère la notion de « cadre » à celle de « milieu », qui renvoie à une notion écologique (environnement naturel) ou sociologique (environnement social ou familial). De ce point de vue, la géographie politique est l’étude du « cadre politique » qui est constitué de territoires de lignes – frontières et réseaux -, et de pôles structurants (capitales d’États et de régions, mais aussi d’autres pôles de décision, comme les sièges des organisations internationales, comme Genève ou New York). Cette discipline, trop marginale en France, est surtout développée dans les pays anglo-saxons. Pourtant, la connaissance du cadre politique est nécessaire à tout raisonnement géopolitique. La géopolitique est l’étude de l’espace considéré comme un » enjeu « . A ce titre, elle implique une connaissance des acteurs, de leurs représentations territoriales, de leurs pratiques de l’espace et de leurs motivations. Enfin, l’espace en tant que théâtre serait l’objet de stratégie ou de géostratégie.
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L’objectif de cet ouvrage est donc de présenter les concepts opérationnels essentiels pour mener à bien des analyses de géographie politique ou de géopolitique. Il se veut ainsi une véritable » grammaire » de l’espace politique en proposant des définitions claires et rigoureuses, et une méthodologie cohérente pour ces deux disciplines. Cette approche semble nécessaire à l’heure où chercheurs et citoyens sont confrontés à une mondialisation non pacifique, à un monde fragmenté et à des tensions. En effet, la compréhension du monde passe aussi par une bonne connaissance des savoirs géographiques. Outre les développements généraux ou théoriques, de nombreux encadrés présentent des cas concrets (langues officielles et langues nationales au Mali, la frontière sino-indienne qui fait l’objet de contestations croisées, la frontière Mexique/États-Unis, la question du Sahara occidental, la bataille de Kosovo Polje : Moyen Âge ou XXe siècle, les phosphates au Maroc ou au Laos, un État tampon, etc.) Aujourd’hui, le rétrécissement territorial met en évidence l’évolution de l’appréciation du territoire. Le rétrécissement territorial est une conséquence du déplacement des facteurs de puissance vers des domaines non territoriaux, le territoire, autrefois source de puissance, devient un poids mort qui coûte plus cher qu’une source de richesse. Néanmoins, les questions territoriales restent une source de conflits, souvent importants (Israël/Palestine, Cachemire, îles Kouriles, îlots de la mer de Chine méridionale, Crimée).