<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Inflation :  l’impasse budgétaire

27 septembre 2022

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Photo : Emmanuel Macron assiste au défilé du 14 juillet 2022 sur la place de la Concorde. Crédits: JP Pariente/SIPA

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Inflation : l’impasse budgétaire

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Si les inquiétudes ne manquent pas en ce début de second quinquennat Macron, celle suscitée par une Assemblée nationale éclatée façon puzzle l’emporte entre toutes, en ce qu’elle préfigure l’impasse dans laquelle nous nous engageons presque inexorablement. Au vu des innombrables défis qui sont devant lui, le pays avait besoin d’un gouvernement qui gouverne, et qui gouverne courageusement, sans les compromissions et les demi-mesures qui sont le lot des pouvoirs exécutifs à la merci des partis.

Certes, il y avait déjà fort à parier qu’un gouvernement majoritaire au Parlement eût été difficilement enclin à mener une politique un tant soit peu rigoureuse. Le premier quinquennat ne l’a que trop montré (et ce, indépendamment du Covid-19). Désormais, il est certain néanmoins, pour des raisons politiciennes, que l’on s’efforcera de présenter comme « sociales », que le pays ne reviendra pas à une politique de rigueur. Des artifices de procédure à disposition du gouvernement sont prévus par la Constitution, en particulier dans le domaine des lois de finances, mais y recourir ne ferait qu’aggraver la crise de légitimité qui frappe le pouvoir en place.

L’impératif d’assainissement des comptes publics semble d’autant plus inatteignable que le virus est passé par là, renforçant la coûteuse illusion d’un État divin, bienfaiteur omniscient, nécessairement supérieur aux mécanismes de marché, car prétendument « gratuit ». Depuis le « quoi qu’il en coûte », les demandes de crédits budgétaires supplémentaires abondent, tantôt pour renforcer le système hospitalier et revaloriser la condition des personnels soignants, tantôt pour renforcer le système éducatif et revaloriser le métier d’enseignant. Sans que l’on se demande, dans un cas comme dans l’autre, si le problème ne viendrait pas d’abord de l’insuffisante complémentarité entre la sphère publique et la sphère privée, ou plus prosaïquement de la mauvaise allocation des crédits pléthoriques existants…

Parallèlement pourtant, le goulot financier ne va faire que se resserrer, précipitant la France dans un chaos multiforme dont on peine encore à mesurer la brutalité des conséquences. Jamais, depuis les chocs pétroliers de 1973 et 1979, la situation économique n’avait été aussi lourde de menaces.

Il ne fallait pas être grand clerc pour déceler les conséquences d’une politique démesurée faite de contraintes administratives et d’argent public branché sur arrosage automatique : la constitution d’une épargne forcée d’un montant voisin des sommes injectées ex nihilo dans l’économie (au total, plus de 1 000 milliards d’euros en Europe !), une reprise rapide de l’activité économique favorisant une désépargne massive, conséquemment le retour en force de l’inflation. Le tout à grand renfort de déficits budgétaires et au prix d’un accroissement spectaculaire de la dette publique.

Conséquence : les taux d’intérêt à dix ans, qui sont restés négatifs et à peu près stables depuis 2019, sont revenus en territoire positif (1,6 % début mai, 2,2 % fin juin) pour l’obligation assimilable du Trésor (OAT). Or, d’après les estimations de la Banque de France, chaque hausse d’un point des taux d’intérêt entraîne au bout de dix ans un coût annuel supplémentaire de 40 milliards d’euros pour le budget de l’État, soit l’équivalent environ du budget actuel de la défense.

Dans ces conditions, la France, comme d’autres États de l’Union européenne soucieux de contenir leurs charges d’intérêt, n’encouragera guère la Banque centrale européenne à relever ses taux nominaux. Plus tardives, plus lentes et plus homéopathiques que ceux de la Fed outre-Atlantique, compte tenu de la forte hétérogénéité de la zone euro, les hausses de taux de la BCE ne permettront pas de réduire suffisamment l’inflation, le risque étant alors que s’enclenche durablement la boucle prix-salaires, c’est-à-dire une augmentation des rémunérations supérieure aux gains de productivité de l’économie.

À la manière des hausses d’impôts, les hausses de prix seront diffusément répercutées : les « travailleurs » exigeront une augmentation de leur salaire pour compenser leur perte de pouvoir d’achat, les « capitalistes » une augmentation des taux d’intérêt pour compenser l’érosion de leur épargne. À leur tour, les entreprises relèveront leurs prix de vente pour amortir la hausse des coûts. Laissé en héritage aux générations futures, le fardeau de la dette publique risque fort d’être supporté en large part par la génération présente…

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À propos de l’auteur
Victor Fouquet

Victor Fouquet

Doctorant en droit fiscal. Chargé d’enseignement à Paris I Panthéon-Sorbonne. Il travaille sur la fiscalité et les politiques fiscales en France et en Europe.

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