<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Liban. Beyrouth sur un volcan

12 mars 2020

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Manifestations à Beyrouth le 27 janvier 2020, Auteurs : Tom Nicholson/LNP/REX/SIPA, Numéro de reportage : Shutterstock40746858_000009.

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Liban. Beyrouth sur un volcan

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Tempête au pays du Cèdre. Entre crise gouvernementale et manifestations populaires, le Liban peine à retrouver le chemin de la stabilité. Le temps de la paix sociale et de la coexistence pacifique appartient-il désormais au passé ?

 

En moins de cinquante ans, le Liban a connu le pire : des guerres imposées de l’extérieur, des occupations étrangères, de féroces luttes fratricides, des attentats et des enlèvements, des massacres et des disparitions. Fracturé, affaibli, au bord de l’éclatement, ce pays-phénix s’est à chaque fois relevé. On a parlé du « miracle libanais ». Alimentées par l’énergie de ses 6 millions d’habitants, la vie et les affaires ont toujours repris, maintenant le Pays du Cèdre au centre des intérêts géopolitiques et financiers du Moyen-Orient.

La crise que traverse le Liban depuis quatre mois semble cette fois autrement plus grave. Née à la mi-octobre 2019, la vague de contestation est profonde, populaire, multidimensionnelle. Elle dépasse les habituels clivages sociaux et confessionnels. Cette crise est systémique, aggravée par l’impact social et économique de la guerre en Syrie : 1 à 2 millions de réfugiés syriens sont arrivés sur le territoire libanais depuis 2011. « L’équilibre politique et confessionnel du Liban vacille », explique Fadi Assaf, politologue, cofondateur du Middle East Strategic Perspectives, l’un des meilleurs think tanks du Moyen-Orient : « Alors que le Liban célèbre le centenaire de la proclamation de l’État du Grand Liban (1920), le modèle politique est bloqué, en surchauffe. Le pays devient ingérable. Toute crise, même banale, devient menaçante pour l’État et sa survie. »

À l’origine, les foules dénonçaient les coupures d’eau et d’électricité, les dépôts sauvages d’ordures, la vie chère, l’impéritie de l’administration et de la justice, les maux économiques et sociaux auxquels aucun responsable politique n’avait osé s’attaquer. Venue de toutes les classes sociales et de toutes les communautés, la contestation rejette désormais tout le « système » : la classe politique, ses réseaux de connivence et de corruption, est directement mise en cause.

Resté trois mois sans gouvernement, le pays s’est finalement doté d’un nouvel exécutif, le 17 janvier, sous la présidence de Hassan Diab, 61 ans, enseignant à l’université américaine de Beyrouth, ancien ministre de l’Éducation. Adoubée par la majorité regroupant le parti chiite Hezbollah et le Mouvement patriotique libre fondé par le général Michel Aoun, l’actuel chef de l’État, la nouvelle équipe respecte le subtil équilibre confessionnel du modèle libanais (19 ministres, dont 10 chrétiens, 7 musulmans, 2 druzes). Mais c’est un succès apparent. La contestation s’est poursuivie. Les manifestants réclamaient des ministres technocrates, sans liens avec les partis. Ils ont découvert des techniciens imposés par les clans, clones de leurs prédécesseurs. 

A lire aussi: François Costantini, Le Liban : Histoire et destin d’une exception

Hassan Diab a d’abord dramatisé la situation. Le 22 janvier, il évoquait la catastrophe économique du pays, sa dette de 90 milliards de dollars (plus de 150 % du PIB), la perte du tiers de la valeur de la livre libanaise face au dollar, le système bancaire aux abois, l’avertissement de la Banque mondiale : sans réforme profonde, la moitié des Libanais pourrait passer sous le seuil de pauvreté (le tiers actuellement). Diab faisait la promesse de mesures rapides aux Libanais « fatigués des promesses et des programmes qui restent lettre morte ». Le rejet de la rue a été immédiat.

« La “révolution” est politique, sociale, économique, géopolitique, culturelle, poursuit Fadi Assaf. Ce mouvement complexe, sans tête ni véritable stratégie, déstabilise la classe politique. Son onde de choc touche les fondements mêmes de l’État. » Les partis ont été pris de court. Le Hezbollah chiite, lui aussi directement mis en cause, semblait avoir le plus à perdre dans sa stratégie de contrôle progressif du pays. Sa réaction a été sèche. Dès le 25 octobre, son chef, Hassan Nasrallah, évoquait le risque d’une nouvelle guerre civile qui « mènerait à l’effondrement du pays ». C’était une mise en garde en bonne et due forme.

Avant-garde occidentale de l’Iran sur la Méditerranée, face à Israël, le Hezbollah est aux ordres de Téhéran. Il a quasiment placé le Liban sous son contrôle direct ou indirect pour en faire un atout stratégique majeur des Iraniens. « Pris dans le bras de fer entre le camp pro-iranien et le camp pro-américain, le pays entre dans une ère de Pax Iranica, via le Hezbollah et ses alliés », soulignait Fadi Assaf. La reprise en main du Liban était clairement programmée.

 

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Photo : Manifestations à Beyrouth le 27 janvier 2020, Auteurs : Tom Nicholson/LNP/REX/SIPA, Numéro de reportage : Shutterstock40746858_000009.

À propos de l’auteur
Frédéric Pons

Frédéric Pons

Journaliste, professeur à l'ESM Saint-Cyr et conférencier.
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