<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> L’exploitation des ressources spatiales, enjeu d’avenir majeur

23 juillet 2024

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L’exploitation des ressources spatiales, enjeu d’avenir majeur

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Riche en minéraux, en eau et en énergie, l’espace est l’objet de convoitises étatiques pour assurer le contrôle de ses ressources. Cela ne relève pas de la science-fiction : plusieurs projets sont d’ores et déjà menés. 

Article paru dans la Revue Conflits n°52, dont le dossier est consacré à l’espace.

Chacun a aujourd’hui bien conscience que l’accès aux ressources – eau, métaux, minéraux – constitue un enjeu d’avenir majeur. Mais c’est presque toujours sous l’angle des ressources terrestres que la problématique est posée. Rares sont encore ceux qui considèrent son prolongement spatial. Et pourtant « l’exploitation des ressources spatiales n’est plus de la science-fiction ». Cette phrase ouvre le rapport que la délégation à la prospective du Sénat a consacré au sujet en juin 2023. Une phrase performative : le simple fait que le Sénat, institution peu connue pour sa fantaisie débridée et son imagination débordante, consacre un très sérieux (et qualitatif) rapport d’information à l’enjeu des ressources spatiales prouve bien qu’il ne relève plus exclusivement de la littérature d’anticipation. 

Quels types de ressources ? 

Encore faut-il savoir de quoi l’on parle. Pour ce faire, il peut être tentant de commencer par établir une typologie des ressources spatiales potentiellement exploitables. En distinguant par exemple les ressources énergétiques et les ressources matérielles. Au premier rang des premières figure l’énergie solaire. Il est question d’aller demain chercher cette énergie directement dans l’espace. Car, dans l’espace, l’énergie solaire n’est plus intermittente, pour peu que des panneaux soient en permanence positionnés en vue du Soleil. Dans ces conditions, plus de nuages ni même d’alternance jour/nuit. Autre ressource énergétique spatiale, l’hélium-3, qui constituerait un carburant idéal pour des centrales à fusion nucléaire. Quasiment inexistant sur Terre, il se trouve en relative abondance sur la Lune. Côté ressources matérielles, il convient de citer les métaux, composant certains astéroïdes en variétés et quantités considérables, et les minéraux de tous les corps célestes exploitables pour un large panel d’usages. Enfin, l’eau, présente sur la Lune, Mars et certains astéroïdes, est une ressource hybride. À la fois directement consommable en tant que telle, elle est aussi susceptible de générer de l’hydrogène par électrolyse, donc une source d’énergie. 

Pour instructive que soit cette typologie en première intention, elle ne dit rien de la maturité de ces différentes perspectives d’exploitation. Elle ne permet donc pas de savoir précisément en quoi l’exploitation des ressources spatiales ne relève plus de la science-fiction. Pour éclairer cela, une autre distinction s’impose entre, d’une part, des ressources d’usage spatial et, d’autre part, d’éventuelles ressources spatiales d’usage terrestre. La distinction est fondamentale. Elle repose sur l’idée que l’homme ne pourra plus revenir physiquement dans l’espace sans exploitation des ressources locales. En effet, depuis l’arrêt du programme américain Apollo, l’espace profond (s’étendant au-delà de l’orbite basse terrestre) n’a plus été exploré que par des machines. Le retour physique de l’homme dans l’espace profond implique de remarcher sur la Lune, d’y établir une présence durable, avant de marcher sur Mars. Or, pas de présence durable sans exploitation d’un certain nombre de ressources locales pour subvenir aux besoins mêmes de la mission. Ce que l’on désigne par l’acronyme ISRU pour In Situ Resource Utilization. Pas de base lunaire sans exploitation des dépôts de glace d’eau présents au fond des cratères de son pôle Sud. L’eau est évidemment la ressource clef pour satisfaire les besoins vitaux des astronautes. À la fois pour leur hydratation, mais aussi leur respiration étant donné que, par électrolyse, l’eau peut être séparée en oxygène et hydrogène. Or, ce dernier élément serait le carburant du vol retour. Le régolithe lunaire, à savoir la couche de poussière qui recouvre la surface de notre satellite, sera aussi un élément de première nécessité pour de nouvelles missions habitées sur la Lune. Non seulement, encore une fois, pour en extraire de l’oxygène (45 % de la masse du régolithe), mais aussi pour s’en servir comme matériau de construction.

Grâce à l’impression 3D, il pourrait contribuer à protéger les habitats lunaires des radiations spatiales. 

Conquête de Mars

La nécessité de recourir à l’ISRU pour marcher sur Mars est encore plus évidente. Il faut au moins six mois pour atteindre la planète rouge, autant pour en revenir, et y rester un an et demi entre deux fenêtres de tir. On ne peut pas physiquement transporter sur Mars toute l’eau nécessaire à la mission, pas plus que tout son carburant ou tous ses matériaux d’habitat. Une mission martienne implique nécessairement de l’ISRU. L’eau martienne, que nous savons maintenant présente en abondance, y serait exploitée pour les mêmes usages que sur la Lune (hydratation et usage courant, production d’oxygène et d’hydrogène). Elle devrait également servir à une forme d’agriculture martienne, le sol martien contenant tous les nutriments nécessaires aux plantes. Par ailleurs, le sol martien, riche en fer (d’où la couleur rouge de la planète), en carbone, en oxydes métalliques et en argiles peut être exploité pour fabriquer de l’acier, du verre, des plastiques et des céramiques. Ou être transformé en matériau de construction. Enfin, l’atmosphère martienne, composée à 95 % de CO2, constituera une ressource majeure. Primo pour en tirer de l’oxygène. Secundo, le carburant nécessaire au vol retour d’une mission habitée sur Mars, à savoir du méthane et de l’hydrogène, devra impérativement être produit à partir du carbone atmosphérique. 

En un mot, l’exploitation des ressources spatiales ne relève plus de la science-fiction parce que l’ISRU est déjà pleinement intégré aux missions actuellement en préparation.

En revanche, l’exploitation des ressources spatiales destinée à satisfaire des besoins terrestres demeure toujours hautement spéculative. Les hypothétiques centrales solaires orbitales posent d’énormes problèmes techniques de récupération de l’énergie collectée. L’hélium-3 lunaire n’est d’aucune utilité sans maîtrise de la fusion nucléaire. Quant au space mining, consistant à exploiter les ressources minières des comètes et astéroïdes pour les ramener sur Terre, elle se résume encore aujourd’hui à des missions de prospection à caractère essentiellement scientifique. Pourtant, la promesse est grande : Amun, le plus petit astéroïde métallique connu, pourrait valoir 20 trillions de dollars en fer, nickel, cobalt et platine. Mais tout cela demeure virtuel. Nous n’avons pas encore les moyens techniques de réaliser de tels projets. Pour l’heure, les sociétés Planetary Resources et Deep Space Industries qui s’étaient positionnées sur ce marché au début des années 2010 ont abandonné. Et les compagnies minières se tournent plutôt vers les fonds marins. 

Les enjeux de l’ISRU

Ce qui conduit à une dernière typologie, celle des enjeux bien concrets soulevés par la mise en œuvre de l’ISRU. On peut en dénombrer au moins quatre. Premièrement, un enjeu juridique : a-t-on le droit d’exploiter les ressources spatiales ? L’article 2 du traité de l’espace de 1967 dispose qu’aucun corps céleste « ne peut faire l’objet d’appropriation nationale », mais ne dit rien des ressources qui peuvent en être tirées. Le traité sur la Lune de 1979 interdit explicitement l’appropriation des ressources, mais il n’est jamais entré en vigueur. Les États-Unis se sont engouffrés dans ce vide juridique. Leur Space Act de 2015 autorise les citoyens américains à exploiter les ressources spatiales. Les accords Artémis, signés par les États-Unis et, à ce jour, 24 autres pays, étendent cette autorisation aux ressortissants des pays signataires. Le droit sanctionne finalement le fait que nous sommes bel et bien entrés dans l’ère de l’ISRU. 

Le deuxième enjeu est naturellement économique et fait intervenir États et acteurs privés (ces derniers étant souvent commanditaires des premiers). Les puissances et entreprises leaders dans le domaine bénéficieront de ses dividendes. 

Troisièmement, l’ISRU soulève un enjeu écologique. Car la possibilité de fabriquer du carburant sur la Lune permettrait de placer en orbite terrestre de véritables stations-service spatiales pour prolonger la durée de vie des satellites, donc réduire le nombre de lancements et lutter contre l’encombrement spatial. 

Enfin, l’ISRU soulève un enjeu stratégique. Enjeu d’ailleurs consacré par les accords Artémis qui permettent aux pays signataires d’établir une « zone de sécurité » sur un astre, garantissant une occupation exclusive, voire militaire.

La rivalité stratégique entre la Chine et les États-Unis se joue aussi maintenant sur le terrain des ressources lunaires.

Alors que le programme américain prévoit de renvoyer une mission habitée sur la Lune d’ici à 2026, la Chine compte bien en faire autant à l’horizon 2030. Et les deux puissances entendent ensuite y établir une base permanente. Il leur faudra pour cela s’établir au pôle Sud de la Lune où se concentrent les principales réserves d’eau et les sites les plus propices à la production d’énergie solaire. Une zone qui n’est pas plus grande que l’agglomération parisienne… La course aux ressources lunaires est lancée. 

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Antoine Buéno

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