Face à l’inflation des prix des matières premières et à l’arrêt de certaines chaines de production, le monde viticole est confronté à des tensions d’approvisionnement et des pénuries de plus en plus importantes. Entretien avec Stéphane Gradassi, directeur de CAP 10 sur les risques encourus dans le monde viticole.
Propos recueillis par Jean-Baptiste Noé
Stéphane Gradassi est le directeur de Cap 10, une conciergerie en packaging dans le monde viticole.
Quel est l’état des pénuries dans le monde viticole et pourquoi est-ce aussi difficile pour les vignerons de s’approvisionner ?
Le verre est très fortement touché par les pénuries et les vignerons se retrouvent sans bouteille. Beaucoup de vignerons ne savent pas où acheter les matières sèches car ce n’est pas leur métier et ce n’est pas là qu’ils ont une expertise. Si jusqu’à présent ils pouvaient se concentrer sur leur cœur de métier et accéder facilement aux bouteilles et autres cartons, ce n’est plus le cas aujourd’hui tant l’état des pénuries est important, engendrant des tensions sur les prix et sur les approvisionnements. L’enjeu est donc de leur fournir un service pour leur permettre d’accéder aux matières dont ils ont besoin : bouteilles, bouchons, papier pour les étiquettes.
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Beaucoup de fournisseurs ne prennent plus de nouveau client, car ils ont déjà des difficultés à fournir leurs clients actuels. Il est donc essentiel de mutualiser les services. C’est la raison d’être de notre entreprise.
Où en est-on de l’inflation des prix des matières sèches ?
Le verre a pris entre 20% et 25% sur l’année 2022. En 2023, l’augmentation moyenne est de l’ordre de 33%. En Allemagne et en Italie, l’inflation est beaucoup plus forte du fait que ces pays sont très dépendants du gaz russe.
Une bouteille qui se payait 20 centimes (200€ les 1 000) tourne aujourd’hui entre 35 / 38 cts.
Les prix du carton et de l’aluminium ont eux aussi fortement augmenté, d’autant qu’un gros producteur d’aluminium a connu un incendie dans ses usines, ce qui a arrêté sa production et donc davantage tendu la production des autres usines. L’aluminium est utilisé dans les capsules à vis et les capsules de surbouchage, qui sont faites à base d’aluminium ou de complexe d’étain.
Le liège a une fluctuation de 5% à 10%. Il est fortement impacté par l’énergie. Les sécheresses ont séché le liège, ce qui a nuit à la qualité. Mais le bouchon de liège est l’une des matières sèches qui est restée le plus stable.
Les vignerons courent le risque de pouvoir produire leur vin, mais de ne pas pouvoir l’embouteiller !
L’enjeu est en effet que la ligne de production ne soit pas arrêtée : les vignerons doivent pouvoir vendanger et fabriquer leurs vins sans qu’il y ait de rupture de bouteilles ou de cartons.
Beaucoup de domaines font des stocks pour éviter la pénurie, mais cela immobilise un stock et un capital important, ce qui fragilise les domaines. Un camion de bouteilles avec 26 palettes coûte entre 15 et 20 000€ le camion quand c’était avant entre 9 à 12 000€. Un vigneron qui doit prendre 3 camions immobilise ainsi un capital trop important pour l’équilibre de son entreprise.
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L’enjeu est d’anticiper : autrefois les verriers avaient 100 jours de stock, aujourd’hui ils sont à 10 jours. Il y a une grande tension dans le monde viticole, pas seulement en vallée du Rhône, mais dans toute la France. D’où l’ambition de CAP 10 de faciliter les informations et ainsi de répondre aux besoins des vignerons.
Il est urgent d’aider la filière viticole à passer ce cap afin de limiter au maximum les faillites. Compte tenu du poids économique du monde du vin dans l’économie française, il faut pouvoir aider les vignerons pour éviter un effondrement de la filière. C’est en relevant les manches pour la filière que nous continuerons à partager les plaisirs du vin.