Les pays pronucléaires doivent-ils payer pour les pays antinucléaires ?

7 décembre 2022

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : Vue de la centrale nucléaire de Dampierre en Burly GELYPATRICK_Sipa.0940/2208121706/Credit:PATRICK GELY/SIPA/2208121710

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Les pays pronucléaires doivent-ils payer pour les pays antinucléaires ?

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Serait-il normal que les pays pronucléaires (comme la France) prennent en charge les surcoûts des productions d’électricité des pays antinucléaires (comme l’Allemagne par exemple) ?

Par Jean Fluchère et Michel Gay 

Il y a 20 ans, la production électrique française était en monopole de production-transport et distribution sur le territoire national, tout comme les électriciens du monde entier étaient en monopole sur une zone géographique déterminée, qu’ils soient à capitaux publics ou privés.

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C’était mieux avant…

Ce modèle économique et industriel s’était naturellement imposé parce qu’il convenait le mieux à ce produit non stockable (ou si peu), ce qui le différencie des autres.

Il permettait les échanges d’électricité adaptés par des procédures entre électriciens. Le réseau synchrone Européen, le plus robuste au monde, s’est construit peu à peu bien avant l’ouverture à la concurrence.

Les pointes de consommation ne se situant pas au même moment en Europe, les interconnexions entre tous les pays (y compris la Turquie) stabilisent le réseau. Elles apportent un secours instantané au réglage de fréquence et permettent de diminuer le dimensionnement du parc de production de chaque pays.

L’ancien PDG d’EDF Marcel Boiteux (1967 – 1987) avait déclaré que ces échanges diminuaient de 10 % le parc installé pour faire face à la pointe d’électricité appelée.

Ces économies d’investissement permettent de réduire les coûts de production car le poids des amortissements des installations de production électrique est important.

Un prix parmi les plus faibles d’Europe

EDF facturait le coût de kWh en prenant en compte l’ensemble des moyens de production. Jusqu’aux années 2000, EDF ajoutait au coût moyen de production, le coût du transport et de distribution. Elle ajoutait également des provisions pour financer le renouvellement du parc de production au fur et à mesure de l’obsolescence ce certains outils, les moyens à construire pour faire face à l’augmentation des besoins électriques, et également les provisions de déconstruction en fin de vie.

Les clients n’avaient certes pas le choix de leur fournisseur mais, en échange, ce dernier s’engageait à fournir une électricité de qualité (stable et décarbonée), suffisante à tout moment de l’année, et au meilleur coût pour la collectivité en fonction des moyens de production que l’Etat lui permettait de construire.

Aujourd’hui, un système de concurrence absurde ne permet pas de faire baisser les prix de l’électricité mais, au contraire, les fait augmenter de façon vertigineuse (y compris avant la guerre en Ukraine), ce qui provoque de plus en plus de délocalisations d’activités industrielles. Les Européens se ruinent sans que la Commission Européenne ne réagisse.

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La France a atteint le comble du grotesque en fabricant des pseudos concurrents alternatifs (à EDF) qui se fournissent auprès… du nucléaire d’EDF (système ARENH) à un prix de production qui était celui de 2010 !

Ils deviennent ainsi des concurrents alors qu’ils ne disposent d’aucuns moyens de production et ne respectent parfois même pas les contrats signés avec leurs clients. Ces producteurs alternatifs sont des coquilles vides ne produisant aucune valeur ajoutée mais vivant bien de leurs rentes.

En outre, les producteurs d’électricité renouvelables intermittentes :

bénéficient des prix garantis sur 15 à 20 ans,

sont prioritaires sur le réseau lorsqu’ils produisent,

et ils n’ont aucune obligation de service (fréquence et tension) vis-à-vis du système électrique.

Toutes ces dispositions de pseudo-concurrence ont fragilisé les véritables opérateurs électriciens. Ils ne sont plus en mesure aujourd’hui d’investir dans de nouveaux moyens de production électrique pour remplacer ceux devenus obsolètes, ni de faire face aux énormes besoins de production d’électricité bas carbone.

En France, si l’électricité est décarbonée à 95% (grâce notamment au nucléaire et aux barrages), les énergies fossiles représentent tout de même encore les 2/3 de notre consommation en énergie finale et 95 % de nos émissions de gaz à effet de serre.

Comment redresser la barre ?

Il faut sortir du marché unique de l’électricité dans une Union européenne où chaque pays à sa propre politique électrique, et revenir à un système national. Cette disposition n’empêcherait en rien les échanges aux frontières comme auparavant. Il faut rétablir un prix moyen pondéré du kWh avec une répartition (par la Commission de régulation de l’énergie) des excédents financiers dégagés par les moyens à bas coûts pour compenser les pertes des moyens les plus onéreux nécessaires.

La production d’électricité bas carbone étant appelée à devenir la part majeure de notre consommation d’énergie finale, l’Etat doit s’en emparer au nom d’un service d’intérêt général, comme c’est même prévu par la Commission européenne.

Les grands électriciens étant aujourd’hui ruinés par les fautes stratégiques commises ces 20 dernières années, il appartient maintenant à l’Etat, garant du service d’intérêt général, d’assurer le financement des nouveaux outils de production électrique bas carbone. Il doit confier la construction, l’exploitation, la maintenance et le démantèlement des moyens de productions d’électricité à des électriciens compétents via des concessions. Ces derniers auraient la charge de rembourser les financements pendant la durée de la concession.

Ces prix de l’électricité dépendraient donc étroitement des taux d’actualisation retenus par l’Etat.

Ainsi, dans l’intérêt général, chaque pays reviendrait comme avant à des politiques différentes sur son marché intérieur… et ses citoyens paieraient un prix de l’électricité représentatif de sa politique électrique.

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L’Allemagne pas d’accord !

Les Allemands qui veulent 100 % d’énergies renouvelables avec des réserves constituées par des stocks d’hydrogène (?!) paieraient certainement des prix beaucoup plus élevés sur leur marché intérieur que les pays ayant fait le choix d’une majorité de production électronucléaire. Et ils ne sont pas d’accord !

La solidarité existerait pourtant toujours via les échanges par les interconnexions qui continueraient selon les règles connues par le passé, et qui fonctionnaient parfaitement. Elle contribuerait comme aujourd’hui à assurer la robustesse en fréquence et tension du réseau synchrone Européen qui va jusqu’à l’extrême Est de la Turquie.

Bien entendu, les pays antinucléaires refusent ce système qui les désavantagerait financièrement. Mais ils paieraient les conséquences de leur refus du nucléaire.

Serait-il normal donc que les pays pronucléaires prennent en charge les surcoûts des pays antinucléaires ?

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À propos de l’auteur
Michel Gay

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