Guerres culturelles et nucléaires, guerres mondiales et régionales, sélection des livres parus récemment.
Culture
Hubert Heckmann, Cancel ! De la culture de la censure à l’effacement de la culture, Éditions Intervalles, 9€
En une soixantaine de pages, Hubert Heckmann décrypte le phénomène moderne de la cancel culture, arrivé en France à la fin des années 2010. Il y expose son expression, aujourd’hui exacerbée par les réseaux sociaux et leurs algorithmes « auto-entretenant », et la déconstruction et l’effacement qu’elle engendre à de nombreux niveaux. On y découvre une définition plus complexe qu’il n’y parait des termes cancel et culture tout en étudiant la traduction adoptée en France, décrivant les tenants et aboutissants de ce phénomène, les cibles qu’elle vise, les méthodes employées ainsi que ses évolutions. Hubert Heckmann s’attarde également sur une étude de cas qui a touché certains établissements comme la Sorbonne : le vingtième sonnet des Amours de Ronsard, touché par la cancel culture tout comme bien d’autres œuvres.
Il expose également l’entrée de la cancel culture et de son idéologie au sein du système universitaire français et la censure qu’elle implique. Hubert Heckmann décrypte finalement les oppositions à la cancel culture contre lesquelles il est parfois tout aussi critique, et cherche à donner des clefs de réflexion pour ne pas tomber dans le même fonctionnement qu’elle, mais plutôt chercher la vérité.
Politique
Pierre-André Taguieff, Qui est l’extrémisme ? , Éditions Intervalles, 13€
Dans une société où l’on a tendance à exagérer et à faire perdre leur sens aux mots à force d’exagérations et d’euphémismes, Pierre-André Taguieff nous livre ici un ouvrage reprenant la plupart des termes du vocabulaire désignant ce que l’on appelle les extrêmes, sur le plan politique. Au fil des chapitres, il reprend des distinctions qui aujourd’hui semblent évincées du débat pour en donner une définition approfondie et en rappeler le contexte, afin d’éviter tout « amalgame » ou « raccourci ».
Chaque extrême politique a ensuite droit à son étude, à commencer par l’extrême droite, plus souvent évoquée et présente dans le débat public. Pierre-André nous y expose les différents modes d’affirmation, de lutte, et de légitimation employés par les deux extrêmes politiques. Par ce biais, on retrouve également une analyse de leur transcription et leur réception dans le débat public et politique.
De la même manière que certains aujourd’hui enterrent la distinction droite-gauche, ou la dépassent, la logique veut qu’il en soit de même pour les extrêmes. Cependant, il se trouve que ce n’est pas le cas et qu’au contraire ils attirent ceux déçus par les anciens partis qui ne semblent plus avoir d’identité ni de ligne propre aujourd’hui. Ils seraient donc eux-mêmes le dépassement des anciennes représentations politiques, auquel s’ajoutent les profondes mutations que connaît la démocratie, notamment face à la manipulation des masses via les nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Sociologue
Shmuel Trigano, Petit manuel de postmodernisme illustré, Éditions Intervalles, 9€
Professeur de sociologie, Shmuel Trigano publie ici un essai sur les idéologies et la pensée postmoderne.
Il décrit cette pensée comme un tout articulé qui forme la pensée actuelle et au sein duquel gravitent divers concepts idéologiques reflétant les intérêts de différents groupes sociaux : le décolonialisme, les identités de genres, etc. En clair, des idéologies de rupture avec le monde d’avant que l’on cherche à tout prix à déconstruire et à dépasser pour atteindre l’utopie de l’homme nouveau (déconstruit tant comme sujet humain que biologique aujourd’hui) inspiré selon lui du marxisme, transposé aux mœurs, ayant pour caractéristique de ne plus être défini et d’être fondamentalement relatif, rendant impossible toute étude, classement quel qu’il soit. Ceci remet ainsi en cause les fondements mêmes de la société et donc toute sa structure, érigeant cette postmodernité comme nouvelle religion.
Soulignant un phénomène propre aux démocraties occidentales, laissant supposer que toute autre nation est innocente et exemptée de critiques et accusations, il y dénonce les méthodes revendicatrices par victimisation et même procuration intemporelle.
Les lieux et moyens de transmission de ces idéologies sont décryptés au travers des différents milieux sociaux, de l’université menant indubitablement à la post-démocratie.
Terrorisme
Marc Hecker et Élie Tenenbaum, La guerre de vingt ans, Robert Laffont, 12,50€
Du 11 septembre 2001 avec les attentats du World Trade Center au retrait des Américains d’Afghanistan à la suite de la reprise de Kaboul par les talibans, cet ouvrage retrace l’histoire de la guerre contre le terrorisme menée par les nations occidentales.
D’Al-Qaida à Daech, la France, les États-Unis et leurs alliés n’ont pas réussi à éradiquer cette menace venue du Moyen-Orient qui plane encore aujourd’hui sur les états occidentaux.
Fruit de nombreuses enquêtes de terrain, les auteurs décrivent et analyses les évolutions du terrorisme durant ces vingt années, mais également la réponse et les moyens mis en place pour lui résister dans les pays occidentaux et pourquoi il est si difficile à vaincre.
Ils soulignent que malgré les retraits des troupes occidentales et le moindre intérêt porté à cette menace aujourd’hui, celle-ci n’a pas disparu pour autant et qu’il faut tout de même rester prêts à lutter contre elle malgré l’émergence de nouvelles menaces à l’image de la guerre en Ukraine.
Il s’agit de la réédition de l’ouvrage en format poche.
Nucléaire
Jean-Marc Le Page, La Menace nucléaire, de Hiroshima à la crise ukrainienne, Passés Composés, 22€
Agrégé et docteur en histoire, Jean-Marc Le Page nous livre dans son œuvre un récapitulatif des crises du même ordre que la guerre ukrainienne et la menace nucléaire qu’elle fait planer. De Formose à Cuba en passant par Diên Biên Phu et le Kippour, le monde a plusieurs fois été sous tension extrême sans pour autant que le cap nucléaire ne soit franchi.
Derrière cela, les grands dirigeants de la seconde moitié du XXe siècle : Staline, Truman, Poutine, de Gaulle, Mao… mais également des hommes et des femmes de l’ombre, inconnus du grand public, qui par leur travail ont en secret permis d’éviter la catastrophe.
Bien évidemment, en plus des crises importantes, il y a également eu des crashs, des bugs ou des erreurs humaines impliquant l’arme nucléaire, mais heureusement sans grandes conséquences, que Jean-Marc Le Page n’oublie pas non plus de délivrer.
S’ajoute à cela un éclairage inédit sur cette période, à travers les différentes doctrines nucléaires qui avaient cours et l’ont encore aujourd’hui dans certains pays.
Il s’agit d’une réédition actualisée et complétée de l’ouvrage.