Les livres reçus cette semaine et aimés par la rédaction. Identité, Islamisme, Chine, Allemagne, Asie, combattants pour l’honneur, cinq livres pour découvrir et pour comprendre l’histoire et le monde.
Anne-Clémentine Larroque, Le trou identitaire. Sur la mémoire refoulée des mercenaires de l’Islam, PUF, 2021, 19€.
Mercredi 20 octobre, s’est tenue à la Librairie de Paris, place de Clichy, une conférence-dédicace d’Anne-Clementine Larroque, Chargée de cours à Sciences Po (Questions Internationales), portant sur son nouvel ouvrage, Le Trou identitaire.
Au terme de la conférence, l’auteur, également analyste pour le ministère de la Justice en tant que spécialiste de l’idéologie islamiste, a pu ensuite répondre aux questions du public intéressé par un ouvrage dont l’une des singularités est qu’il se fonde sur des témoignages, des observations de terrain et sur l’analyse historique du phénomène islamiste.
Avant toute chose, il faut comprendre le titre. L’ouvrage aurait pu s’intituler Pourquoi le djihadisme, ou plutôt Pourquoi le djihadiste, tant il cherche à remonter aux sources du mécanisme intérieur amenant certains, souvent jeunes, à devenir des combattants islamistes, alors même qu’ils ne seraient pourtant pas issus de famille également islamiste. Plutôt qu’une question, le titre apporte une réponse. Celle d’une absence, d’une transmission mémorielle et historique incomplète, voire inexistante dans les familles, et à l’échelle collective. Un « trou », un sentiment de manque de racines. Une quête d’identité que des individus tentent de combler par la survalorisation de la religion qui apparaît justement comme un symbole fort d’identité, au risque, à terme, de la transformer en idéologie. Au risque également qu’advienne une identité fabriquée ex-nihilo souvent bien éloignée de leurs origines. Au risque, enfin, d’être entrainé et happé par la réalité d’intérêts géopolitiques complexes. Car in fine, c’est bien de géopolitique dont il est question. Cette quête d’identité est habillement exploitée par divers « entrepreneurs religieux », de fait imbriqués dans de vastes affrontements au Moyen-Orient et au-delà, conséquences de courants et d’axes régionaux opposés. Cet ouvrage se voit ainsi avantageusement complété par un autre, Géopolitique des islamismes (Collection Que sais-je ? aux éditions PUF), du même auteur.
Antoine-Baptiste Filippi
Jean-Pierre Cabestan, Demain la Chine : guerre ou paix ?, Gallimard, NRF, 2021.
Développement économique, passion nationaliste, montée en puissance militaire, la Chine est-elle nécessairement tombée dans le piège de Thucydide, la conduisant à entrer en guerre contre les États-Unis ? Volonté d’envahir Taïwan, de s’étendre en mer de Chine, de conquérir des îles revendiquées, les raisons de la guerre ne manquent pas. Mais Pékin est surtout adepte des « zones grises », un entre-deux, ni en guerre ni en paix. En sommes, une guerre froide d’un nouveau type, où la rationalité peut certes l’emporter, mais où les passions humaines peuvent parfois faire dérailler le cours de l’histoire.
Martin Capistran
Sophie Lorrain, Une histoire de l’Allemagne au fil des textes. De Luther à Helmut Kohl, Perrin, 2021.
Ce recueil de textes originaux, dont la traduction est le plus souvent inédite, rend ainsi moins lointain notre voisin. Les sources en français sur l’histoire de l’Allemagne se trouvent disséminées. Ces textes sont organisés autour de cinq thèmes qui parcourent l’histoire de l’Allemagne : Qu’est-ce qu’être allemand ? ; Guerres et paix ; Reich, révolutions et républiques ; Églises ; Résistances et oppositions. Les textes sont à chaque fois mis en contexte par l’introduction de la thématique générale et celle spécifique à chaque document. Sous ses diverses formes – lettres, discours, souvenirs, documents officiels, tracts, etc. –, chaque document est envisagé comme un « mot de passe », une « unité de compte de la connaissance historique » qui permet de « trouver une information sur le passé, à la lumière d’une hypothèse d’explication et de compréhension. Au-delà d’une traduction qui est toujours trahison, tous font résonner les particularités d’une histoire très allemande si régulièrement convoquée outre-Rhin. Chacun, avec ses sonorités et son timbre – terme que le génie de la langue allemande traduit par Klangfarbe, littéralement « couleur-son » –, apporte sa touche à l’écriture d’une histoire de l’Allemagne. De l’humiliation de l’empereur allemand Henri IV à Canossa à la surprenante lettre de Leonid Brejnev en 1970 au futur dirigeant est-allemand Érick Honecker pour s’inquiéter du sentiment de supériorité de la RDA, c’est l’âme, le destin complexe et les battements d’une grande histoire qui résonnent.
Eugène Berg
Sous la direction de Jean-Christophe Buisson et Jean Sévilla, Le dernier carré. Combattants de l’honneur et soldats perdus. De l’Antiquité à nos jours, Perrin, 2021.
Affronter la mort, faire face à la défaite, ne pas se rendre et combattre jusqu’au bout, tels sont ces derniers carrés qui, à défaut de vaincre leurs adversaires, ont gagné l’honneur de la postérité et de la mémoire. Spartiates, jacobites, Russes blancs, Zouaves pontificaux, résistants anti-communistes, ce sont ainsi 25 épisodes historiques qui sont comptés, où l’honneur compte plus que la mort.
Martin Capistran
Maxime Reynaud, La Première Guerre mondiale dans le Pacifique. De la colonisation à Pearl Harbor, Passé composé, 2021.
En 1914, le monde regarde vers le front français. Mais en Asie, à des milliers de kilomètres de la Marne, le Royaume-Uni, la France et le Japon attaquent les territoires allemands dans le Pacifique et en Chine. Si les combats sont limités, les enjeux sont majeurs pour l’équilibre du XXe siècle. En évinçant l’Allemagne et en prenant ses positions, le Japon s’assure le contrôle des bases stratégiques du Pacifique et de l’Asie, lui permettant de lancer ses grandes offensives dans les années 1930. Pearl Harbor (1941) a été rendu possible par ces manœuvres de 1914.
M.C