Les États à l’ère de l’IA : la France tente de suivre le wagon de tête

18 juin 2024

Temps de lecture : 4 minutes

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Les États à l’ère de l’IA : la France tente de suivre le wagon de tête

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Avec des estimations lui prédisant 14% du PIB mondial en 2030, l’intelligence artificielle dessine les contours d’une révolution technologique majeure et inéluctable. Cette ascension fulgurante conférera à certains acteurs privés un pouvoir considérable, tandis que les États se trouvent face à l’impératif crucial de définir un cadre réglementaire adapté. Pour les nations européennes, le défi réside dans leur capacité à rejoindre le mouvement en marche, alors que les États-Unis et des pays du Golfe, tels que les Émirats arabes unis, ont déjà pris une avance considérable. Un véritable enjeu stratégique se dessine, nécessitant une action rapide pour saisir les opportunités de cette révolution inéluctable.

Par Aliénor Barrière, journaliste économique

Les GAFAM à l’assaut de l’IA

La révolution de l’intelligence artificielle repose sur un nombre restreint d’acteurs privés. De l’autre côté de l’Atlantique, les GAFAM investissent massivement dans ces nouvelles technologies : Google avec son système de recherche photos et sa technologie à reconnaissance vocale, Amazon avec son assistant personnel Alexa, Apple avec son système de machine learning, Microsoft avec Bing… jusqu’à Elon Musk qui a lancé X.ia dans le but de concurrencer ChatGPT. Par rivalité mimétique, les entreprises chinoises comme Alibaba, Baidu ou Tencent tentent de combler le fossé qui les sépare de l’Eldorado technologique américain. Sans succès. La mainmise régulatrice brutale sur la tech, illustrée par la chute de Jack Ma, le célèbre fondateur d’Alibaba, symbolise la mise au pas du secteur privé et explique l’échec des acteurs chinois dans leur tentative de rivaliser avec leurs homologues américains. La Chine peine notamment à attirer les cerveaux, dans un domaine où la compétition internationale est rude.

Les ambitions du secteur sont à la hauteur de l’avenir qu’on lui promet, et les acteurs de l’intelligence artificielle s’organisent. Sam Altman, CEO d’OpenIA, a consulté en janvier dernier différents partenaires en vue de lever des fonds pour monter un réseau d’usines de puces IA. Plusieurs milliards de dollars seraient en jeu. Le but : anticiper une nouvelle crise d’approvisionnement sur le marché des semi-conducteurs. Parmi les partenaires positionnés se trouve notamment le groupe japonais SoftBank, mais la liste définitive des bailleurs de fonds participant au projet n’a pas encore été établie.

La régulation étatique de l’IA : un enfer pavé de bonnes intentions ?

Face au vertige des conséquences de la révolution technologique induite par l’IA, certains États ont comme premier réflexe de mettre en place des réglementations drastiques. L’IA suscite des craintes liées au nombre d’emplois considérable qu’elle pourrait faire disparaître :  800 000 rien qu’en France, près de 300 millions dans le monde. C’est le cas de l’Italie, qui a interdit ChatGPT, ou du Canada, qui a ouvert une enquête sur OpenIA. La mise en garde du président Emmanuel Macron, en juin dernier, au sujet de la pente naturelle des institutions européennes vers une inflation de normes, prend une résonance particulière dans ce contexte : “Le pire scénario, ce serait que l’Europe investisse beaucoup moins que les Américains ou les Chinois, mais commence par créer de la régulation”. Le risque est réel. Un exemple : les deux Français classés parmi les 100 personnalités qui comptent dans le monde sur l’IA habitent tous les deux à New York et Miami. Il n’y a pas encore de géants en Europe, seulement des start-ups et des grosses sociétés spécialisées qui enregistrent des levées de fonds en dizaines de millions d’euros, loin des milliards des géants américains.

L’heure de l’action est venue pour l’Europe car la question du financement constitue la clé de la réussite pour avoir une puissance de calcul et attirer les nouveaux talents. L’UE ne propose que très peu d’aides dans ce domaine. Selon les données du cabinet de conseil McKinsey, les 12 milliards de dollars investis dans l’IA de janvier à mai 2023 ont essentiellement pris la direction des États-Unis, lesquels misent sur une régulation minimale afin de favoriser la compétitivité.

L’innovation et la protection des données au cœur des enjeux

Certains États ont bien pris conscience de l’ampleur des enjeux. Singapour a lancé l’initiative AI Singapore pour héberger et stimuler les projets d’IA à travers le pays. La Cité-Etat a aussi mis sur pied le Centre d’Excellence pour l’Intelligence Artificielle (CAI) en partenariat avec Microsoft. Quant aux Emirats arabes unis, ils se sont dotés d’un ministère de l’Intelligence artificielle et ont créé la première université entièrement dédiée à l’IA, l’université Mohamed Ben Zayed d’intelligence artificielle (MBZUAI). Le partenariat du pays du Golfe avec Mastercard, conclu en août dernier, devrait permettre de lutter contre la criminalité financière et de renforcer la sécurité de l’écosystème numérique. Depuis 2018, l’Afrique du Sud a mis en place la plateforme Zindi, qui vise à utiliser l’IA et la data science dans des domaines aussi divers que l’agriculture, la santé ou la finance. Zindi propose régulièrement des compétitions en ligne, où des organisations et des entreprises, notamment africaines, peuvent soumettre des problèmes complexes qui nécessitent des solutions basées sur l’IA. Ce projet innovant dessine les contours d’une utilisation de l’IA adaptée aux enjeux des pays émergents.

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Pour la France, la voie à suivre consisterait alors à mettre en place les conditions d’un cadre institutionnel qui favorise l’innovation et concentrer l’effort réglementaire sur la question de la protection des données. La France semble s’en inspirer. Lancée en 2018, la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle (SNIA) se décline en trois axes principaux : développer un écosystème de talents, diffuser l’IA et la donnée dans l’économie et dans l’administration, et promouvoir un modèle éthique et équilibré entre innovation et protection des droits fondamentaux. Avec 81 laboratoires d’IA dans l’Hexagone, soit 21% du total européen, les résultats sont déjà prometteurs.

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