Le résultat des élections générales de 2024 en Inde a donné au Premier ministre sortant Modi un troisième mandat record dans la plus grande démocratie du monde. Malgré cette victoire, bien moins importante que prévu, le gouvernement Modi doit maintenant se concentrer sur les défis auxquels la nation est confrontée.
Présentées comme le plus grand exercice démocratique au monde, les élections ont duré 44 jours, avec plus de 960 millions de personnes ayant le droit de voter et sept phases de vote réparties dans tout le pays. Le résultat des élections générales de 2024 en Inde s’est déroulé comme prévu, donnant au Premier ministre sortant Modi un troisième mandat record dans la plus grande démocratie du monde. Malgré cette victoire, bien moins importante que prévu, le gouvernement Modi doit maintenant se concentrer sur les défis auxquels la nation est confrontée, tant sur le plan intérieur qu’à l’étranger.
Défis économiques
Le premier défi pour le gouvernement Modi est de s’attaquer au chômage, qui est passé de 7,4 % en mars 2024 à 8,1 % en avril 2024 (selon les projections du CMIE). Les jeunes Indiens continuent d’être aux prises avec des taux de chômage galopants, avec près de 83 % de la population sans emploi appartenant à ce groupe démographique, selon le rapport de l’OIT. Au cours du dernier trimestre 2023, le taux de chômage des 20-24 ans atteindra 44,49 %.
Outre une économie informelle importante, l’Inde connaît depuis peu un essor de l’écosystème des start-ups, stimulé par la jeunesse ambitieuse et entreprenante du pays.
Pour relever ce défi, l’accent devrait être mis sur la promotion de l’écosystème des start-ups ainsi que sur la facilitation de l’emploi dans les micro, petites et moyennes entreprises (MPME) et les start-ups. Cela stimulera l’emploi et diversifiera la participation économique au-delà des grandes entreprises et des entreprises du secteur public. Cela permettra de contrôler le capitalisme de connivence.
Un autre défi consiste à stimuler les investissements étrangers, en particulier dans le secteur manufacturier, afin de donner la priorité à la création d’emplois. Malgré les améliorations considérables apportées à l’industrie manufacturière dans le cadre de la politique « Make in India », il reste encore beaucoup à faire. Les flux nets d’investissements directs étrangers (IDE) en Inde ont chuté de 62,17 %, passant de 27,98 milliards de dollars l’année précédente à 10,58 milliards de dollars au cours de l’exercice 24, soit le niveau le plus bas depuis 2007. Les entrées d’IDE dans le secteur manufacturier au cours de l’exercice 24 sont parmi les plus faibles des cinq dernières années. Le secteur manufacturier a reçu 9,3 milliards de dollars d’IDE au cours de l’exercice 24, soit 17,7 % de moins que les 11,3 milliards de dollars reçus au cours de l’exercice 23.
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Manque de confiance des marchés
Il semble que les investisseurs étrangers ne soient pas aussi enthousiastes à l’égard de l’Inde que nous, Indiens, l’espérons, ce qui se reflète dans la tendance à la baisse des IDE en Inde. La croissance du secteur manufacturier en Inde, malgré son ampleur et la taille du marché, est entravée par la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, les réglementations bureaucratiques et la mauvaise qualité de la chaîne d’approvisionnement. Pour concurrencer la Chine et les pays développés dans le secteur manufacturier mondial, le gouvernement doit investir massivement dans la technologie (R&D) et l’infrastructure, lancer des réformes significatives dans les domaines de la terre, du travail et de la fiscalité, et s’attaquer aux problèmes liés à la faiblesse des droits de propriété intellectuelle.
Si l’Inde est l’une des économies à la croissance la plus rapide au monde, c’est aussi l’un des pays les plus inégalitaires.
Les inégalités se sont fortement accrues au cours des trois dernières décennies. Les plus riches se sont accaparé une grande partie de la richesse créée par le capitalisme de connivence et l’héritage. Le rapport 2024 du World Inequality Lab, basé à Paris, suggère qu’en 2022-23, les parts de revenu et de richesse du 1 % supérieur (22,6 % et 40,1 %) sont à leur plus haut niveau historique et que la part de revenu du 1 % supérieur en Inde est l’une des plus élevées au monde, plus élevée que celle de l’Afrique du Sud, du Brésil et des États-Unis.
Alors que les 50 % les plus pauvres détiennent 6,5 % du revenu national. Le « New Welfarism » du gouvernement de Narendra Modi représente une approche très particulière de la redistribution et de l’inclusion, en ce sens qu’il implique la fourniture publique subventionnée de biens et de services essentiels, normalement fournis par le secteur privé, tels que les comptes bancaires, le gaz de cuisine, les toilettes, l’électricité, le logement, l’eau, etc. Un exemple est la fourniture gratuite de rations (céréales alimentaires dans le cadre du système de distribution publique) à 800 millions de personnes à faible revenu pendant cinq ans. Il s’agit d’une mesure populiste, mais qui n’améliore pas les conditions socio-économiques des pauvres dans le pays à long terme.
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Défis énergétiques
Le troisième mandat de Modi doit également se concentrer sur une transformation urgente vers les énergies vertes et renouvelables. L’ampleur du potentiel économique du pays signifie que sa demande en énergie sera énorme. Troisième pays consommateur d’énergie, il est déjà le quatrième au monde en termes de capacité installée d’énergies renouvelables. Les décideurs politiques doivent accélérer l’adoption de l’énergie solaire, éolienne et nucléaire et des molécules vertes, afin de réduire l’utilisation des combustibles fossiles et leur impact désastreux sur l’environnement et la pollution. Un rapport du Forum économique mondial de 2021 prévoit 50 millions de nouveaux emplois nets dans l’« économie verte » en Inde, ce qui signifie plus de consommateurs et 1 000 milliards de dollars d’opportunités économiques d’ici à 2030.
Outre les questions susmentionnées, la numérisation de la gouvernance passe par la mise en place d’une infrastructure publique numérique (IPN) pour 1,4 milliard de personnes, grâce à laquelle les citoyens peuvent accéder en ligne aux services et documents gouvernementaux essentiels. Tout cela contribue à rendre les services publics plus facilement accessibles à une plus grande partie de la population, tout en gardant un œil sur la transparence et la corruption.
L’accent doit également être mis sur le renforcement des échanges commerciaux en accélérant les négociations sur l’accord de libre-échange entre l’Inde et l’Union européenne et entre l’Inde et le Royaume-Uni, ainsi que sur l’approfondissement des liens commerciaux avec l’Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient et l’Afrique. Au-delà des questions intérieures, l’administration de Modi doit s’attaquer aux questions géopolitiques, qu’il s’agisse de la gestion des relations tendues avec la Chine et le Pakistan, des conflits en cours en Ukraine et au Moyen-Orient, où l’Inde équilibre soigneusement ses fortes relations avec la Russie et Israël et l’appel à la fin de la guerre.
En accueillant avec succès le sommet du G20 l’année dernière, l’Inde est devenue une voix crédible pour les nations du Sud.
Membre des BRICS, de l’OCS et du QUAD et acteur important de l’Indo-Pacifique, elle a gagné en crédibilité dans sa politique étrangère et sa diplomatie.
Le troisième mandat du Premier ministre Modi devrait permettre à l’Inde d’orienter et de définir son destin économique, l’objectif étant de devenir la troisième économie du pays d’ici à 2030. Ce faisant, l’Inde doit relever les défis et les pièges qui se présenteront à elle.