Les BRICS se renforcent à l’approche du prochain sommet

20 août 2024

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Photo : Dirigeants des pays membres au sommet des BRICS 2023. (C) Wikipedia
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Les BRICS se renforcent à l’approche du prochain sommet

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Le prochain sommet des BRICS doit se tenir en octobre en Russie. À l’approche de ce sommet, de nouveaux États ont demandé à intégrer le groupe. Les échanges économiques et le système indépendant de paiements sont également en cours de renforcement.

De nouveaux candidats pour intégrer le groupe

Le prochain sommet des BRICS devrait se tenir dans la région russe de Kazan en octobre. Le 16e sommet verra la participation de quatre pays nouvellement intronisés : les Émirats arabes unis, l’Égypte, l’Iran et l’Éthiopie. L’alliance de neuf membres décidera de l’orientation du groupe lors du prochain sommet et s’engagera en faveur d’un partenariat plus solide.

Une poignée de pays en développement d’Asie, d’Afrique, d’Europe de l’Est et d’Amérique latine ont exprimé leur intérêt à rejoindre le groupe BRICS en 2024. Anton Kobyakov, conseiller présidentiel russe, a confirmé lors d’une dernière conférence de presse que 59 pays ont exprimé leur intérêt à rejoindre les BRICS en 2024.[1] Citons quelques-uns dans la liste : la Turquie, le Venezuela, la Thaïlande et la Malaisie.

La Turquie veut adhérer aux BRICS. C’est ce qu’a déclaré son ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan lors de sa visite en Chine, le premier déplacement à Pékin d’un responsable politique turc de premier plan depuis douze ans.[2] Ce geste a un impact considérable étant donné que la Turquie est un membre de l’OTAN et un aspirant de l’Union européenne depuis des années.

Dans un communiqué commun publié à l’issue d’une rencontre tenue à Pékin, entre le président chinois Xi Jinping et le président vénézuélien Nicolas Maduro, ce dernier a réitéré, lors de leur rencontre, l’intérêt de son pays à rejoindre les BRICS.[3] Cette candidature, plus celle de Colombie et de Bolivie, jette une pierre dans l’arrière-cour des États-Unis.

La Malaisie et la Thaïlande ont également annoncé qu’elles demanderaient à devenir membres des BRICS. C’est une victoire pour la multipolarité.[4] Le Premier ministre malaisien a annoncé le 18 juin que la Malaisie s’apprêtait à rejoindre les BRICS. Cette déclaration est survenue quelques heures avant la venue en Malaisie du Premier ministre chinois.

Commerce explosif entre les pays BRICS

Le commerce entre les nations BRICS devrait atteindre 500 milliards de dollars en 2024, marquant une progression notable.[5]  En 2023, les échanges commerciaux au sein du groupe ont fortement augmenté grâce à de nouveaux accords et au renouvellement de partenariats, renforçant leur position internationale.

Selon la Banque Mondiale, bien que ce chiffre reste en dessous de la moyenne mondiale, la croissance des BRICS est constante et prometteuse, ouvrant la voie à de futurs accords commerciaux. L’initiative clé des BRICS est leur projet de dédollarisation, visant à réduire leur dépendance au dollar américain en favorisant l’utilisation de leurs propres monnaies.

La Chine et la Russie mènent ces efforts, avec des actions concrètes pour réaliser ce projet. Lors du 15e sommet des BRICS à Johannesburg, cinq nouveaux pays exportateurs de pétrole ont été intégrés. Si les BRICS réussissent à convaincre d’autres pays de régler leurs paiements pétroliers en monnaies locales, l’impact sur le dollar américain pourrait être significatif. L’élimination du statut de monnaie globale du dollar est un objectif à long terme des BRICS.

Un système de paiement indépendant

Après des années de discussion, les BRICS ont enfin annoncé la création d’un nouveau système de paiement[6] pour réduire l’influence du dollar sur leurs économies. Initialement prévu pour utiliser le système russe SPFS, ce projet s’appuiera finalement sur la blockchain et les cryptomonnaies. Cette initiative vise à renforcer l’autonomie des BRICS dans la finance internationale et à diminuer leur dépendance au dollar américain et aux systèmes financiers occidentaux comme SWIFT. Les discussions laissent place à des actions concrètes, permettant l’utilisation des monnaies des BRICS ou d’une nouvelle monnaie commune éventuelle.

Ce développement est un élément clé de l’agenda 2024 des BRICS, qui vise à renforcer leur rôle sur la scène financière mondiale et à s’affranchir du dollar. Ces derniers mois, l’alliance a multiplié les initiatives en ce sens. Selon de récentes informations, le ministère russe des Finances collabore avec la Banque de Russie et les partenaires des BRICS pour développer la plateforme de paiement multilatérale BRICS Bridge, destinée à améliorer l’efficacité du système monétaire mondial. Dans l’ensemble, les efforts des BRICS pour sortir du dollar vont au-delà de la création d’un système de paiement.

Le Parlement des BRICS

Récemment, Vladimir Poutine a avancé l’idée de construire à l’avenir son propre Parlement des BRICS.[7]

Comme tout le monde le sait, les BRICS sont une alliance plutôt économique. Si cette déclaration reflète l’état d’esprit des tous les leaders des BRICS, cela signifie qu’ils vont passer, d’une initiative économique conjoncturelle à une alliance politique plus organisée donc plus efficace.

L’établissement du Parlement permettrait la transformation des BRICS en une organisation digne de ce nom au lieu, comme actuellement, des réunions annuelles.

Le lien entre les BRICS sera plus serré et plus formel, aidant à mieux gérer la disparité des priorités des membres et les résolutions des conflits internes. En même temps, il y aurait plus de disciplines dans la mise en place des décisions collectives.

Vis-à-vis de l’extérieur, ce groupe aurait un front uni, ayant des positons plus cohérents et plus consistants dans les discussions internationales et contre les éventuelles sanctions unilatérales. Ce Parlement serait aussi une plateforme d’expérimentation pour une gouvernance mondiale d’un nouveau genre.

BRICS et SCO (Shanghai Cooperation Organisation)

Fondée en 2001 par la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan, SCO a accueilli l’Inde et le Pakistan en 2016, l’Iran en 2021, et le Bélarus en 2024. Elle vise à assurer la sécurité collective contre le terrorisme, l’extrémisme et le séparatisme.

Les BRICS élargissent leur coopération à presque tous les domaines, y compris potentiellement la sécurité dans les régions initiales et au-delà, pour inclure, par exemple, le besoin de protéger les ouvrages BRI en Amérique latine (par exemple, le port de Chancay[8]) et en Afrique notamment dans l’Est. Il est donc envisageable qu’un rapprochement, voire une fusion, entre les BRICS et la SCO puisse se produire à l’avenir.

BRICS et UE

Les BRICS et l’UE devraient et peuvent se dialoguer davantage. Un article très intéressant de Henri Malosse en a résumé les possibilités.[9]

L’idée des BRICS comme alternative à l’hégémonie américaine pourrait attirer les partisans de l’intégration européenne. Des tentatives de rapprochement entre l’Europe et les BRICS ont déjà eu lieu, comme durant la présidence grecque de l’UE. L’attrait des BRICS se ressent aussi en Europe, avec des pays comme la Serbie envisagés comme futurs membres des BRICS tout en étant candidats à l’UE.

L’Union européenne aurait peu d’intérêt à s’aligner complètement sur les positions américaines et devrait plutôt explorer des opportunités de collaboration avec les BRICS, au lieu de les considérer comme des rivaux ou des ennemis. De plus, une présidence américaine potentiellement plus isolationniste compliquerait davantage la situation pour l’Europe.

Par exemple, en ce qui concernant l’Afrique, il serait pertinent d’explorer des synergies entre l’aide européenne à l’Afrique et l’assistance des BRICS, en respectant les principes de non-ingérence et l’identité culturelle et politique des pays africains. Cette coopération pourrait offrir des opportunités prometteuses pour des collaborations constructives entre l’UE et les BRICS.

[1] Vinod Dsouza, 59 Countries Show Interest To Join BRICS in 2024, Watcher.Guru, June 11, 2024.

[2] Euro topics, Turquie : les BRICS plutôt que l’UE ? 10 juin 2024.

[3] La Chine salue l’intention du Venezuela de rejoindre les BRICS, Islam Uddin, Anadolu Ajansi, 14.09.2023

[4] Sarang Shidore, Southeast Asia in BRICS Is Good for the Global Order, The club’s expansion affirms the Global South’s hedging strategy—and sends a message to the great powers, FP, July 4, 2024

[5] Commerce explosif entre les pays BRICS : Vers les 500 milliards de dollars ! Agence BD OR, 29 décembre 2023

[6] Luc José Adjinacou, BRICS : Vers un système de paiement basé sur la blockchain et les cryptos, Mar 05, 2024

[7] Elena Teslova, Poutine : les BRICS pourraient créer leur propre parlement à l’avenir, AA, 11.07.2024

[8] Alex Wang, Le port de Chancay au Pérou : une pierre chinoise dans l’arrière-cour des États-Unis ? Revue Conflits, le 25 mars 2024

[9] Henri Malosse, Les Brics élargissent leur influence et leur attractivité, Revue Conflits, le 14 mai, 2024

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À propos de l’auteur
Alex Wang

Alex Wang

Titulaire de deux doctorats (philosophie et ingénierie) et familier des domaines clés de la NTIC, Alex Wang est ancien cadre dirigeant d’une entreprise high tech du CAC 40. Il est également un observateur attentif des évolutions géopolitiques et écologiques.
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