Livre – L’économie de la Russie et des pays de l’ex-URSS

7 janvier 2021

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Photo : Photo de la Nasa montrant la chaîne de montagnes qui sépare la Russie, la Mongolie et le Kazakhstan (c) Sipa 00751838_000001

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Livre – L’économie de la Russie et des pays de l’ex-URSS

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Cet ouvrage, préparé avec le soutien du forum franco-russe des sociétés civiles « Dialogue de Trianon »  et de l’université MGIMO, est assurément le plus complet, le plus actuel et également le plus accessible qui soit, portant sur l’ensemble des économies des pays ayant appartenu à l’URSS. Se présentant  comme un manuel, il est bien plus que cela : il fournit au lecteur des connaissances complètes sur les principales tendances et problèmes des pays post-soviétiques.

 

Les conséquences économiques de l’effondrement de l’URSS dans les pays sous sa domination

 

À cette fin, Alexandre Boulatov décrit avec pertinence dans sa première partie la méthode d’analyse de l’économie de chaque pays. Les pays post-soviétiques sont étudiés région par région : la Fédération de Russie constitue une région économique distincte en raison de sa taille économique, démographique et géographique. La Transcaucasie, (Arménie, Azerbaïdjan et Géorgie) est une autre de ces régions économiques. On regroupe aussi aussi les 5 pays d’Asie centrale (Tadjikistan, Ouzbékistan, Turkménistan, Kazakhstan, Kirghizstan). Enfin, sont rassemblés les trois pays baltes (Estonie, Lituanie, Lettonie). Au sein de chaque région, il existe certes de nombreuses différences entre les pays, mais aussi de nombreuses similitudes économiques qui permettent encore de les considérer ensemble. Bien entendu l’espace post-soviétique dans sa totalité, depuis l’effondrement de l’URSS, ne constitue plus une région du monde économiquement ou politiquement intégrée. Les flux d’échanges et les investissements se sont considérablement réorientés. Il ne reste que quelques infrastructures communes comme les oléoducs et gazoducs, objets de bien des contentieux. Les pays baltes comme les anciens PECO (Pays d’Europe Centrale et Orientale) ont adhéré à l’Union européenne. L’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie, aspirent à la rejoindre.

Pourtant, il existe des liens économiques étroits entre les nombreux autres pays de l’espace post-soviétique. Il s’agit d’abord de la Communauté économique eurasiatique (CEEA) qui réunit cinq pays : La  Russie, la Biélorussie, l’Arménie, le Kazakhstan et le Kirghizstan, avec une perspective d’adhésion pour d’autres pays.

Chaque pays, analysé en détail, fait l’objet d’un chapitre à part, plus ou moins développé, la Russie faisant, il va de soi, la part de choix. Mais chaque pays ou entité est néanmoins étudié en profondeur : cinq pages sont consacrées à la seule Ossétie du Sud et dix à l’Abkhazie ! En ayant en vue les récentes altercations du Haut Karabakh, il est intéressant de se plonger dans les pages consacrées aux deux pays en conflit.  L’Azerbaïdjan dont la population s’élevait à 9,9 millions d’habitants représente 50 % du PIB de la région. Son taux de croissance depuis 1998 a été l’un des plus élevés au monde, à 10%. La croissance des revenus pétroliers lui permit non seulement d’éliminer le déficit du budget de l’État, mais aussi d’augmenter constamment les dépenses budgétaires, et sur ce plan, la dynamique place le pays parmi les leaders mondiaux. De 2003 à 2013, les dépenses budgétaires ont été multipliées par plus de 22 pour atteindre 27,2  milliards de dollars en 2013, soit 35,5 % du PIB.  Sa population est jeune et en croissance, alors que celle de l’Arménie a diminué après l’effondrement de l’URSS pour se stabiliser dans les années qui suivent à 3 millions de personnes. Les faibles taux de croissance de cette dernière sont « engloutis » par l’émigration : 700 000 à 800 000 travailleurs et membres de famille en provenance d’Arménie vivaient en Russie en 2013, un chiffre qui n’a fait que croître.

 

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Le cas très particulier de la Russie

 

A propos de l’économie russe, le lecteur trouvera des données très nombreuses. Au-delà de la présentation des faits réels, les auteurs apportent des commentaires circonstanciés. A leurs yeux, la volonté de l’appareil d’État de contrôler les entreprises explique à la fois la faible protection des droits de propriété en Russie (112e place, selon le Forum économique mondial)  Cette situation oblige les entreprises à s’adapter non seulement à la concurrence, mais aussi aux représentants des autorités dont dépend souvent leur sort. Si la concurrence sur le marché intérieur s’intensifie, la Russie est toujours classée au 63e rang mondial. Les principales raisons en sont en premier lieu l’héritage soviétique, dans lequel les grandes et très grandes entreprises ont pris une grande place, ce qui renforce les tendances à l’oligarchie et au monopole. Il y a aussi le maintien d’un grand nombre de monopoles naturels sans pratiquement aucun concurrent (production de gaz, courrier, chemins de fer, etc.). Une autre raison de ce mauvais classement mondial est la structure sectorielle de l’économie russe, caractérisée par une forte concentration de la production de matières premières et le faible niveau de transformation de celles-ci, et des possibilités limitées pour les nouveaux acteurs du marché d’y trouver une place pour des raisons technologiques. Outre cela, la protection insuffisante des droits de propriété décourage les nouveaux acteurs à entrer sur les marchés. Finalement, les restrictions excessives à l’apparition de nouveaux acteurs en raison de barrières administratives et réglementaires élevées incitent souvent les collectivités locales et régionales à protéger les acteurs existants qui sont devenus « les leurs ». Ce faible niveau de concurrence entraîne une augmentation constante des prix.  Outre cela, le modèle économique russe repose  principalement sur les marchés très concentrés (par exemple, les produits pétroliers).

Par rapport à sa croissance globale, la Russie a traversé ces trente dernières années des phases bien distinctes. Entre 1990 et 1998, son PIB a diminué du taux phénoménal de 44 % (en 1914-1922 il avait baissé de 42 %, en 1941-1945 de 21 %)  La croissance économique qui a débuté en 1999 avec l’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir tournait autour de 5 à 8 %.. La dépression qui a suivi la crise économique de 2008- 2009 a empêché les taux de croissance de revenir aux niveaux d’avant la réforme, puis a entraîné une nouvelle baisse du PIB et une croissance anémique. Pour les auteurs, la forte croissance qui a suivi 1998 (calculée par habitant et qui a été d’environ 6,8 % en 2001-2008) était principalement due à des circonstances exceptionnelles. La majeure d’entre elles fut la forte dévaluation du rouble lors de la crise financière asiatique (qui a frappé le pays à la mi-1998), et qui a déclenché la reprise économique des années suivantes sur la base du principe de substitution des importations. Une autre cause de cette forte croissance a été l’amélioration sensible des conditions commerciales à partir de la fin des années 1990, principalement due à la croissance des prix mondiaux des principaux biens d’exportation de la Russie, principalement les ressources énergétiques. De plus, la disponibilité accrue des fonds empruntés sur les marchés mondiaux des capitaux dans les années 2000 permit aux grandes et moyennes entreprises russes d’atténuer le manque de prêts, principalement à long terme, dans le pays. Mais l’effet de la dévaluation s’est estompé avec le temps, les prix mondiaux des matières premières ont connu de fortes fluctuations, on ne distingue plutôt pas de taux bas, et la disponibilité des crédits étrangers a disparu, surtout après  les sanctions internationales édictées en 2014. Par conséquent, la croissance économique en Russie s’est révélée instable, trop dépendante des marchés mondiaux des biens et des capitaux. Mais la principale raison de la faiblesse de la croissance économique russe reste d’ordre interne, c’est le faible taux d’épargne brute, – la croissance économique n’est pas suffisamment soutenue par les investissements en capitaux, comme ce fut le cas de toutes les économies des pays asiatiques (Japon, Corée du Sud) où les taux d’investissements ont atteint 30 % ou même 40%, alors qu’en Russie ce taux a stagné autour de 20%. Depuis 2010, l’augmentation des recettes d’exportations de matières premières, de combustibles et d’énergie a été principalement consacrée à la consommation et à l’augmentation de réserves internationales et autres réserves gouvernementales et, dans une moindre mesure, à la croissance des investissements. Le constat a été mainte fois dressé : la modernisation de la Russie exige une transition vers un modèle de croissance économique plus durable et plus qualitatif,  ce que n’a cessé de souligner l’ancien Ministre des Finances Alexis Koudrine, jugé une année le meilleur du monde par le Financial Times, aujourd’hui président de la Cour des comptes.

 

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La faiblesse actuelle des cours mondiaux de l’énergie et des autres produits de base exportés par la Russie, ainsi que la forte diminution des entrées de capitaux due aux sanctions occidentales n’ont fait qu’aggraver la situation. Le « syndrome hollandais », qui a donné à la Russie une forte dynamique de croissance économique au cours des années 2000, s’est transformé en stagnation économique dans la décennie suivante. En définitive, la part de la Russie dans le commerce mondial est faible, à peu près égale à sa part dans la production du PIB mondial, c’est-à-dire autour de 3%. Cependant, la Russie figure parmi les leaders mondiaux dans l’exportation de certains biens : énergie, métaux, diamants, bois, caoutchouc synthétique, engrais, céréales, matériel militaire. Le rôle de la Russie dans les importations mondiales est important pour l’achat de viande, de sucre, de médicaments, de textiles et d’automobiles. En 2018, le quota d’exportation, calculé comme le ratio des exportations de biens et services par rapport au PIB au taux de change actuel, était de 31 % en Russie. Le quota d’exportation calculé selon le même critère était de 12 % aux États-Unis (2017), de 15 % au Brésil, de 18 % au Japon (2017), de 20 % en Inde, de 20 % en Chine. Pour le moment la Russie n’a pas souffert plus que d’autres pays de la pandémie : son PIB, en 2020 devrait baisser de 8% environ, et la chute du cours du baril de pétrole n’a pas ébranlé l’économie, bien que le taux de pauvreté ait notablement augmenté. Il lui restera à sortir par le haut de cette nouvelle récession, alors que la conjoncture tant intérieure qu’extérieure s’est aiguisée.

 

 

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À propos de l’auteur
Eugène Berg

Eugène Berg

Eugène Berg est diplomate et essayiste. Il a été ambassadeur de France aux îles Fidji et dans le Pacifique et il a occupé de nombreuses représentations diplomatiques.
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