Au Chili, le gouvernement de gauche de Gabriel Boric a connu une défaite dans les urnes en perdant le contrôle de l’Assemblée constituante. C’est à la fois une victoire électorale pour les partis de droite mais aussi le signe du rejet du projet plurinationaliste que voulait imposer Boric a travers le précédent texte rejeté.
Emilio Martinez. Article original paru sur le site Publico.bo. Traduction de Conflits.
Le Chili s’est à nouveau rendu aux urnes pour régler son processus constitutionel, cette fois pour élire un Conseil constitutionnel où la gauche a été battue. Comme d’habitude, de nombreux médias ont parlé d’une montée de « l’extrême droite » ou de « l’ultra-droite », à propos du Parti républicain (PR) de José Antonio Kast, avec un formidable dynamisme qu’ils n’appliquent pas habituellement aux formations de la gauche radicale.
Le choix de la continuité
Il serait plus simple et plus juste de parler de conservateurs (PR) et de libéraux (Chile Seguro). Ces deux forces représenteront 33 des 51 sièges du Conseil constitutionnel, garantissant le quorum des 3/5 qui sera la clé de la rédaction de la nouvelle Magna Carta qui, avec cette corrélation, ne différera pas de l’actuelle sur des questions fondamentales.
L’électeur semble avoir dit : pas d’expériences dirigistes qui nous éloignent de l’économie de marché et, plus encore, pas d’expériences ethno-populistes. Sur ce dernier point, la tentative d’exporter le modèle plurinational de la Bolivie, à laquelle l’ancien vice-président Álvaro García Linera a participé jusqu’à récemment, a une fois de plus échoué.
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L’influence stratégique qu’Evo Morales a tenté d’exercer sur l’agenda politique du Pérou, en particulier dans le sud du pays, est une autre tentative ratée, qui a été encouragée par l’agitation. Qui sait quelles nouvelles orientations Morales devra chercher avec son Runasur, l’organisation que l’ALBA et le Forum de Sao Paulo ont conçue pour lui en guise de prix de consolation pour n’avoir pas été en mesure d’assumer personnellement la présidence bolivienne.
Le plurinationalisme, il est bon de le préciser, n’est pas le résultat endogène d’une quelconque décolonisation, mais un produit européen importé par les conseillers espagnols de Podemos, qui ont eu tant à faire avec les nouvelles Constitutions latino-américaines du début du XXIe siècle. Ce n’est pas non plus leur invention, mais plutôt une reprise des théories de l’austro-marxiste Otto Bauer, conçues à l’époque de la dissolution de l’empire des Habsbourg.
Face aux écueils de ceux qui ont dirigé le régime pendant 14 ans, il serait bon que le « néo-masismo » de Luis Arce cesse d’exporter de l’idéologie et se concentre sur le déblocage des exportations agro-industrielles, entravées par un système de quotas et d’interdictions qui n’aide pas à faire rentrer les devises dont l’économie bolivienne a besoin pour se stabiliser.
Enfin, pour en revenir au Chili, Gabriel Boric donne souvent des signaux pour se différencier des autres membres de son bloc continental, jouant à la « gauche démocratique » avec la critique de la dictature nicaraguayenne (qui ne s’étend pas à Cuba). Mais dans la mesure où le projet de refondation ou de constituante socialiste est finalement tronqué, il faudra être attentif à ce que certains autoritaires de l’entourage de Boric pourraient suggérer, en termes de radicalisation de fait ou de gouvernement imposant des changements par décret.
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