Edmond, la célèbre pièce d’Alexis Michalik multi-moliérisée, est de retour sur la scène du Palais-Royal. Entre touches et réparties, le metteur en scène rend hommage aux somptueuses tirades d’Edmond Rostand.
Edmond, à retrouver au Palais Royal
Décembre 1897. Le jeune Edmond Rostand mène une vie bien morose. Marié, père de deux enfants, il sombre dans la misère. Ses pièces semblent de plus en plus négligées et même la brillante Sarah Bernhardt, qui incarne de temps à autre l’une de ses héroïnes, ne parvient plus à combler les salles. Le public parisien, friand de comédies impudentes et de ridicule, lui préfère Georges Feydeau, l’auteur de vaudevilles qui font un triomphe. Edmond, amateur de grandes tragédies historiques et d’alexandrins, s’échine. Serait-il un écrivain raté ?
Mais le goût du risque, de l’énorme risque même, le reprend tout à coup : malgré le syndrome effrayant de la page blanche, il se jette dans la gueule du loup, et offre au grand comédien Constant Coquelin le rôle principal dans sa nouvelle pièce. C’est un oui convaincu. Et maintenant… il reste la pièce à écrire. De cette angoisse permanente, à laquelle s’ajoutent la pression des producteurs, les caprices des comédiennes et les jalousies infondées de sa femme, naîtra l’une des plus grandes pièces du théâtre français, au protagoniste le plus célèbre de l’Histoire : le Gascon aristocrate, Cyrano de Bergerac.
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La comédie dramatique ou le panache français
Alexis Michalik signe ici un véritable chef-d’œuvre. En 2017, un an après l’année de la conception de sa pièce, il reçoit cinq Molières. Un exploit. Et nombreux sont les spectateurs à être retournés le voir, encore et encore, inlassablement ; car entrevoir les coulisses de la création de l’une des pièces les plus fameuses au monde, voilà qui a de quoi être enthousiaste.
Le célébrissime Gascon au long nez éclot peu à peu au milieu d’un tourbillon de rires et d’émotions, et à travers une irrésistible scénographie et des décors fugitifs. Le jeune écrivain raté qui a donné son nom à la pièce a risqué la tragédie, l’alexandrin, la fin malheureuse, le duel, le XVIIe siècle, et de cette cervelle dans laquelle plus aucune inspiration ne daignait pénétrer est sortie la tirade du nez, celle des « non merci », l’éblouissante scène du balcon et ces derniers mots légendaires, prononcés par Cyrano : « Mon panache ! ».
Entre rire et battements de cœur, le public est transporté dans les milieux artistiques de la Belle Époque, jusque dans les loges des plus grands théâtres parisiens : la Comédie française, le Palais-Royal, et bien sûr la Porte Saint-Martin, salle mythique où se joua la grande première de Cyrano de Bergerac, le soir du 28 décembre 1897. Une première qui valut aux comédiens et à l’auteur plus d’une quarantaine de rappels. Le pédant et moqueur Georges Feydeau lui-même vint féliciter le créateur de ce prodige.
Alors, courrez sans plus attendre, car « Tous les mots sont fins, quand la moustache est fine ». Eh oui, « Ce sont les cadets de Gascogne – De Carbon de Castel-Jaloux – Bretteurs et menteurs sans vergone – Ce sont les cadets de Gascogne ! ». Seriez-vous convaincus ? C’est qu’« à la fin de l’envoi, je touche ! ».
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