Petit patrimoine vernaculaire, extrêmement typique des villages ruraux du XIXe siècle, le lavoir de Guérard attire moins que les grands monuments, mais il dit néanmoins beaucoup de la vie sociale en France.
De nouveau, l’association Arcade innove avec ce chantier tout à fait original et particulier. Guérard, petite commune de Seine-et-Marne comptant 2 500 âmes, située à 50 kilomètres de Paris, conserve aujourd’hui son caractère rural. Ses longues vignes bordent le Grand Morin, affluent de la Marne. Une dizaine de lavoirs émaillent ce coin de campagne, symbole éloquent d’une autre époque, révolue, mais pas si lointaine. Ce lavoir de Guérard a été bâti à la façon d’un atrium romain. Entourée de murs, la partie centrale de la toiture reste à ciel ouvert, ce qui permettait ainsi aux lavandières d’éviter les courants d’air.
Un jalon du village
La vocation première du lavoir, contrairement à ce que l’on peut prétendre sur l’imagerie populaire, est le rinçage du linge, après l’avoir lavé. Le passage au lavoir constitue en effet la dernière étape avant le séchage. Le lavage ne consomme que quelques seaux d’eau. Il peut donc avoir lieu dans les maisons ou dans les buanderies, où le linge s’accumule avant « la grande lessive ». La buanderie étant souvent située près du four à pain, des cendres sont récupérées puis mises de côté pour être refroidies. Rassemblées dans une petite poche en tissu, elles servent de poudre lavante. Au contraire, le rinçage ou battage nécessite de grandes quantités d’eaux claires. Par conséquent, la présence d’un cours d’eau ou bien d’une source captée à proximité est nécessaire.
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La pollution due à la Révolution industrielle, la progression des épidémies, la mode de l’hygiénisme entraînent la conception de structures adaptées dès la fin du XVIIIe siècle. La construction d’équipements salubres devient une priorité pour les communes. La loi du 3 février 1851 votée par la Deuxième République subventionne largement l’érection de lavoirs publics et gratuits. Au bas des prairies, en contrebas d’une source ou d’une fontaine, au bord d’un ruisseau sont installés des bassins. Aujourd’hui subsistent en France de nombreux témoignages de ces sites pittoresques aux styles architecturaux divers selon les régions, les époques et les usages spécifiques. Le lavoir reste en activité jusqu’au milieu du XXe siècle, jusqu’à ce que son utilisation soit peu à peu abandonnée.
La fonction sociale est tout à fait fondamentale. Le lavoir est l’un des lieux privilégiés où les femmes peuvent se réunir ou discuter. Dans Le Cheval d’orgueil, Pierre-Jakez Hélias parle de « journal parlé de la paroisse ». La plupart sont même interdits d’accès aux hommes, et une « police du lavoir » veille en conséquence. Les enfants en bas âge qui ne peuvent rester sans surveillance accompagnent leur mère. L’activité de nettoyage du linge étant physiquement très rude, l’exécuter en collectivité est plus supportable. Les femmes sont accroupies dans une boîte en bois nommée « garde-genoux » ou « carrosse », dont le fond est tapissé de paille. Quelquefois, des conflits surgissent, d’où l’expression « laver son linge sale en famille », la famille désignant alors le quartier ou le village.
Un certain nombre de codes se sont même façonnés autour des lavoirs : des règles officielles relatives à leurs fréquentations, des traditions particulières à respecter, une hiérarchie implicite : la place la plus prisée est réservée à la plus ancienne blanchisseuse.
Les cantonniers s’occupent de l’entretien et du nettoyage régulier de ces structures.
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