Depuis le début de l’invasion, l’analyse militaire s’est principalement concentrée sur l’emploi des forces terrestres, laissant de côté l’utilisation de la puissance aérienne russe. L’environnement aérien est naturellement plus difficile à filmer que la guerre terrestre et manque ainsi cruellement de documentation. C’est la raison pour laquelle le Royal United Services Institutes (RUSI) a décidé de fournir un rapport complet sur la guerre aérienne russe. Le RUSI propose un éclairage sur la guerre aérienne en Ukraine en cherchant à déterminer comment les forces aérospatiales russes (VKS) ont opéré au-dessus de l’Ukraine depuis le début de l’invasion.
Le Royal United Services Institute (RUSI) est le plus ancien think-tank britannique spécialisé dans la défense et la sécurité. Fondé en 1831, le RUSI est un institut dirigé par la recherche, qui produit des analyses indépendantes, pratiques et innovantes pour répondre aux défis complexes d’aujourd’hui. Conflits revient aujourd’hui sur leur dernier rapport spécial, paru le 7 novembre 2022 sur la guerre aérienne russe rédigé par Justin Bronk, Nick Reynolds et Jack Walting.
Les opérations de combat aériennes russes
Le RUSI précise d’abord que, pour l’invasion de l’Ukraine, le VKS avait déployé une flotte d’environ 350 avions de combat modernes. Malgré une campagne aérienne publiquement invisible, les offensives aériennes ont été significatives au début de l’invasion. Le réseau de défense aérienne au sol ukrainien a d’abord été visé par des attaques électroniques et physiques, ce qui a permis aux avions russes de venir à bout de plus de 100 cibles de défense aérienne ukrainiennes.
Au cours de cette période, subissant de lourdes pertes, les pilotes ukrainiens confirment que les avions russes surclassent clairement ceux de l’armée ukrainienne sur le plan technique et numérique. Malgré ces inconvénients, en utilisant des tactiques agressives à basse altitude, les pilotes de chasse ukrainiens ont pu infliger quelques pertes aux avions russes. Quoi qu’il en soit, les chasseurs russes sont donc restés très efficaces au début de l’invasion.
Les avions de chasse ukrainiens ont alors assumé seul la mission de défense aérienne jusqu’à ce que les missiles anti-aériens soient suffisamment déplacés et dispersés sur le terrain, permettant au vent de tourner en faveur de l’Ukraine début mars. Ainsi, dès que les systèmes de défenses anti-aériens ukrainiens se sont mis à fonctionner efficacement, les avions russes ont été contraints d’attaquer à basse altitude lorsqu’ils pénétraient dans l’espace aérien contrôlé par l’Ukraine. L’incapacité de la Russie à détruire les défenses aériennes ennemies l’a ainsi privée du contrôle de l’espace aérien au-dessus de la majeure partie de l’Ukraine.
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En septembre 2022, l’armée ukrainienne a aussi été en mesure d’affaiblir considérablement les défenses aériennes basées au sol russes, grâce au très efficace missile AGM-88, un missile anti-radar livré par Washington. En outre, depuis le début du mois de septembre, le RUSI rapporte que plusieurs avions du VKS ont connu des accidents non liés au combat. La fatigue de huit mois de guerre obligeant à ignorer les périodes de maintenance, de congé et de révision, sont autant de facteurs susceptibles d’être à l’origine de ces quelques pertes.
En avril, les forces russes ont été réorganisées et se sont concentrées contre les positions ukrainiennes dans le Donbass. Le rapport note que les troupes russes ont commencé à utiliser massivement des drones pour forcer les missiles anti-aériens ukrainiens à se démasquer, afin de les éliminer plus aisément par la suite.
Le poids des hélicoptères russes
Selon le RUSI, au cours des premiers mois de la guerre, les hélicoptères de combat russe ont d’abord effectué des sorties agressives à très basse altitude, au-delà des les lignes de front ukrainiennes, en sortant par paires pour détruire de nombreux véhicules et troupes ukrainiennes.
Les systèmes portatifs de défense anti-aérienne (MANPADS), constituent une menace majeure pour les aéronefs qui volent à basse altitude, notamment les hélicoptères. L’utilisation massive de MANPADS par l’armée ukrainienne a ainsi entrainé de lourdes pertes côté russe, créant une dynamique dans laquelle les équipages russes ont peu à peu abandonné l’idée de franchir les lignes de front ukrainiennes à partir d’avril.
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Les sorties des hélicoptères en zone ennemie ont donc été remplacées par des attaques à la roquette, depuis l’arrière des lignes de front russe. Malgré une utilisation très prudente des hélicoptères avec de fortes pertes initiales, ces derniers continuent d’être régulièrement abattus par les unités ukrainiennes qui utilisent des systèmes portatifs de défense aérienne, véritable talon d’Achille des hélicoptères. Au moment de la rédaction du rapport, le RUSI a pu identifier les épaves de 37 différents hélicoptères russes, même si le véritable total est sans doute plus élevé.
La campagne de frappe à longue portée de la Russie
L’utilisation des missiles russe à longue portée a connu plusieurs phrases. Ils ont d’abord visé les capacités de défense aérienne et les stocks de l’armée de l’air ukrainienne. Les frappes se sont ensuite concentrées sur les infrastructures de communication et un petit nombre de bâtiments symboliques dans les villes clés. Après le recentrage des opérations offensives dans le Donbass, ce sont les stockages de carburant, les raffineries et l’infrastructure ferroviaire qui sont devenus les principales cibles de frappes à longue portée. Néanmoins, d’après le rapport, ces frappes ne sont pas parvenues à causer des dommages décisifs au cours des sept premiers mois de l’invasion.
Cependant, la dernière stratégie mise en place par la Russie est un bombardement plus ciblé et plus durable du réseau électrique ukrainien. Selon le RUSI, les pannes d’électricité temporaires deviennent chaque jour plus fréquentes dans de nombreuses villes ukrainiennes, quelques semaines après cette nouvelle campagne de frappes russe. Ce changement de cible pose des problèmes majeurs et génère de nouvelles exigences pour les équipements de défense aérienne ukrainiens.