Au Chili, les élections des délégués à l’Assemblée constituante ont donné une nette majorité à la droite. Pour le président Gabriel Boric c’est une défaite d’autant plus grande que son parti a été largement battu et ne pourra pas influer sur la rédaction du texte.
Dimanche 7 mai, les Chiliens ont élu, pour la deuxième fois depuis le début de la crise constitutionnelle, des représentants chargés de rédiger un projet de nouvelle constitution. C’est la droite qui l’a emporté par une écrasante majorité. En effet, le Parti Républicain (du candidat présidentiel battu au deuxième tour de la dernière élection présidentielle, José Antonio Kast) a obtenu 35% des voix et la droite traditionnelle a eu 21% des votes. La gauche, actuellement au pouvoir avec le Président Boric, n’a remporté que 29% des votes. Ce « conseil constitutionnel », composé de 50 personnes (33 de droite et 17 de gauche) travaillera, pendant cinq mois, sur la base d’un texte déjà préparé par un comité d’experts. En décembre 2023, le texte rédigé par le Conseil constitutionnel sera soumis à un référendum dont le vote sera obligatoire.
La place de l’Etat dans la société
En octobre 2019, le Chili est entré dans une forte crise politique et sociale, qui a dérivé dans un long processus pour se doter d’une nouvelle constitution. La Constitution actuelle était principalement critiquée par la gauche chilienne quant à son origine, car elle avait été adoptée sous le régime du général Pinochet en 1980. Elle a depuis été profondément modifiée et porte la signature de Ricardo Lagos, qui été Président du Chili de 2000 à 2006. Les critiques sur le fond n’étaient pas d’ordre juridique, mais d’ordre philosophique puisqu’elles se centraient sur le rôle subsidiaire de l’État chilien. La gauche réclamait une présence plus forte de l’État dans la vie économique et sociale du pays et n’hésitait pas à montrer du doigt l’absence de l’État comme la cause de nombre de problèmes.
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Un premier référendum a eu lieu le 25 octobre 2020 et le résultat a été à 78% en faveur d’une nouvelle constitution. L’organe spécialement mandaté pour rédiger la nouvelle constitution a été la « convention constituante », dominée par la gauche. À la fin du processus, le 4 septembre 2022, le peuple chilien a rejeté à 62% le texte proposé par la convention constituante. Plusieurs raisons ont pu expliquer un tel rejet. La principale a sans doute été le contenu même du texte proposé, jugé par la plupart des Chiliens comme étant trop radical et décalé avec la réalité historique et politique du pays. Par exemple, le texte rejeté en septembre 2022 supprimait le Sénat, créait un système de justice parallèle pour les populations autochtones, proclamait l’avortement libre, etc. Outre le contenu et la qualité du texte, le travail et l’attitude choquante de certains membres de la convention constituante ont beaucoup déçu une partie de la population chilienne et ont provoqué une baisse de confiance dans l’opinion publique de ce processus pour rédiger une nouvelle constitution. Enfin, le vote du 4 septembre a également été interprété comme un vote de rejet du nouveau gouvernement de Gabriel Boric : ce dernier avait soutenu la nouvelle constitution et affirmé qu’elle était nécessaire pour mettre en œuvre ses promesses de campagne.
Un nouveau conseil
Après le référendum du 4 septembre, la plupart de partis politiques se sont mis d’accord, le 12 décembre 2022, pour lancer un nouveau processus constitutionnel : un « conseil constitutionnel » composé de 50 personnes élues, conseillé par un comité technique de juristes de renom, aurait la charge de rédiger la loi fondamentale chilienne. C’est donc ce « conseil constitutionnel » qui vient d’être élu et est dominé par la droite. C’est l’histoire qui se répète, mais ce sera cette fois-ci la droite qui sera aux manettes pour mener à terme le processus en 2023. Le défi est grand puisque le Parti Républicain, majoritaire dans cette assemblée, a toujours été contre l’idée de rédiger une nouvelle constitution et n’a pas participé à l’accord politique du 12 décembre. C’est paradoxal, mais compréhensible quand on sait que la principale préoccupation des Chiliens est la sécurité et non pas la nouvelle Constitution comme l’a mis en avant ce parti. Il s’agit également d’une grande opportunité pour ce jeune parti de montrer sa capacité de dialogue après l’échec de la première convention constituante. Si le « conseil » réussit à présenter un texte fédérateur et à le faire approuver en décembre 2023, les portes du Palais de Moneda (palais présidentiel chilien) ne seront peut-être qu’à un pas pour José Antonio Kast, le leader du parti.
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