<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Éditorial n°46 : L’autre couple de l’Europe

26 août 2023

Temps de lecture : 3 minutes

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Éditorial n°46 : L’autre couple de l’Europe

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Force est de reconnaître que depuis la poignée de main entre François Mitterrand et Helmut Kohl (1984), le « couple » franco-allemand est surtout devenu une domination de l’Allemagne sur l’Europe. Pour les élections européennes de 1989, la CDU pouvait bien tirer des tracts avec la célèbre photo des deux dirigeants à Verdun en titrant : « Pour une nouvelle terre de paix ».

Depuis le début des années 2000, c’est à une nouvelle période de guerre économique que se livre Berlin contre ceux qui sont censés être ses alliés, voire ses amis. À Bruxelles, l’Allemagne impose ses normes qui font reconnaître le gaz et l’éolien comme des énergies « propres » tandis que le nucléaire est attaqué. Quand la France parle « d’Europe de la défense », l’Allemagne achète des F-35 américains et annonce vouloir devenir la première armée du continent. Le couple franco-allemand a surtout tourné à l’avantage de l’Allemagne, avec un partenaire régulièrement trompé et tout à sa joie de l’être. 

Nouvelles relations. Depuis la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (et non pas de l’Europe comme on le lit trop souvent), Paris est seul face à Berlin, qui lui impose son réalisme et sa volonté de puissance. Pour contrecarrer cette omnipuissance allemande, Emmanuel Macron a signé deux traités importants, celui du Quirinal (2021) avec l’Italie, et celui de Barcelone (2023) avec l’Espagne. Ces deux textes ont la même valeur diplomatique et juridique que le traité de l’Élysée (1963), ce qui témoigne de la volonté de l’actuel président français de renforcer la coopération avec les voisins sudistes de la France et ainsi de proposer un ordre nouveau en Europe, davantage tourné vers la Méditerranée et ses défis. La relation France / Allemagne n’est plus exclusive ; Paris se tourne aussi vers Rome et vers Madrid. Reste à voir ce qu’il adviendra de concret de ces textes et si les nouveaux couples ainsi formés s’en serviront pour intensifier des relations diplomatiques et politiques jusqu’à présent fébriles.

Axe Paris-Rome. Avant qu’il ne soit trop tard, et que le rêve européen soit rejeté par les Européens eux-mêmes, Emmanuel Macron a tenté de créer un axe Paris-Rome afin de proposer une nouvelle vision de l’Europe. D’abord avec Mario Draghi, avec qui il partageait le même logiciel intellectuel, puis avec Giorgia Meloni, faute de mieux, et parce qu’elle avait été élue. Présentée comme « populiste » par les médias courants, Meloni échappe aux habituelles considérations politiques faites en France. Si elle est nationaliste à l’intérieur, elle adhère sans arrière-pensée à l’atlantisme, s’alignant côte à côte avec les États-Unis sur le dossier ukrainien, sur l’Europe de la défense et sur la place de l’OTAN. Les Italiens ont compris qu’un pays surendetté ne pouvait pas avoir de souveraineté extérieure et d’indépendance diplomatique ; c’est donc sans regret qu’ils se concentrent sur leurs secteurs de pointe et qu’ils délèguent à Washington leurs affaires étrangères, sans même faire semblant d’avoir une spécificité diplomatique. 

Les relations France / Italie sont complexes. Vu de France, ce pays sans État centralisé est souvent incompréhensible. Quant à la puissance de ses industries textiles, mécaniques, automobiles, elle est bien souvent ignorée ou gaussée. Avec ses plages, son soleil et ses lieux touristiques, l’Italie serait uniquement le pays de la dolce vita. Les cartes postales et les films en noir et blanc, même avec Marcello Mastroianni, ne sont pas la réalité de l’Italie d’aujourd’hui. En dépit de ses difficultés, le « jardin de l’Europe » demeure l’une des principales puissances industrielles au monde et, sur bien des points, peut en remonter à la France. Les relations entre les deux pays sont donc complexes et reposent bien souvent sur des équivoques et des malentendus. C’est l’un des objectifs de notre dossier que d’essayer de les lever et de montrer la réalité de notre voisin transalpin, au moment où les échanges économiques avec la France n’ont jamais été aussi importants et les défis géopolitiques jamais aussi nombreux. S’il est peu probable qu’Emmanuel Macron et Giorgia Meloni se donnent la main dans la plaine de Solférino, il n’empêche que la France et l’Italie ont de nombreux atouts à jouer en commun. 

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À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.
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