L’art et la guerre, un couple presque parfait

21 août 2019

Temps de lecture : 4 minutes

Photo : L’art et la guerre, un couple presque parfait. Source photo : Pixabay (dom. public)

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L’art et la guerre, un couple presque parfait

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La guerre occupe traditionnellement une place saillante dans les arts aussi bien figuratifs que littéraires. Le premier monument de la littérature européenne est l’Iliade, récit de guerre s’il en fut. Un des grands romans de tous les temps n’est-il pas Guerre et Paix, dont Bondartchouk a réalisé un film mémorable de plus de sept heures. Si l’on écarte l’hypothèse défendue par certains auteurs que l’art même tire son origine de la guerre, force est de constater que la guerre, depuis qu’elle est apparue, sous une forme organisée, dotée des spécificités et se donnant des buts déterminés, ce qui la distingue de la chasse et du jeu, a pleinement affecté l’Art et les arts.

Mars fait donc figure d’acteur principal et Apollon a été affectée dans ses actions propres. Il n’est qu’à observer l’évolution des armements au cours des âges. Depuis le galet aménagé jusqu’au drone de dernière génération, celui-ci n’exclut pas d’emblée la possibilité d’une spécificité esthétique, même si, à tous les stades du progrès technique, la distinction entre armes et outils est des plus floues.

Comprendre les liens entre l’art et la guerre

Nombreux sont donc les exemples et ce riche ouvrage, qui parcourt les espaces et les siècles, en fournissant une quantité impressionnante d’ouvrages de nature militaire qui recèlent à nos yeux d’indéniables qualités esthétiques. Le Krak des chevaliers en Syrie est à coup sûr impressionnant et même beau, mais si on peut supposer que les commanditaires les architectes et les constructeurs l’ont voulu impressionnant, il est impossible de savoir s’ils l’ont voulu également beau. On doit se contenter de mobiliser le goût contemporain pour porter un jugement. Il n’est pas douteux en revanche que Vauban conférait à ses constructions utilitaires une dimension esthétique, non qu’il fût un adepte de l’art pour l’art, mais plutôt pour signaler la grandeur du royaume et du Roi soleil et prendre rang parmi les maîtres d’œuvre du siècle de Louis XIV. Le doute n’est plus permis pour l’hôtel des Invalides, esthétiquement accompli dans le style classique à la française. Il en est de même pour les châteaux forts du Moyen-Âge européen ou les palais forteresses du Japon féodal dont les rescapés du temps peuvent être admirés aujourd’hui. Là aussi, les exemples d’œuvres artistiques abondent dans l’art des Mayas, des Aztèques des édifices khmers, les exemples sont à foison.

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La guerre et la danse

L’art militaire, ou plutôt l’art appliqué au domaine militaire ne se limite pas, tant s’en faut, aux édifices et aux statues commémoratives. Il est présent également dans le domaine musical et du chant. De même, si on ne peut nier l’antériorité de la danse sur la guerre, on observe comment celle-ci a influencé celle-là ; le mouvement des troupes et les défilés s’apparente à une gigantesque chorégraphie dont le but est de susciter parmi la population l’adhésion la plus forte comme de stimuler l’ardeur combattante des soldats. Les danses guerrières caractérisent plutôt les sociétés tribales et les petits effectifs, mais elles ont laissé leurs empreintes de façon durable. C’est peut -être dans le domaine de la représentation qu’art et guerre se sont les plus fortement fondus et imprégnés. Combien de fois a-t-on demandé que soient figurés des soldats, des batailles, des combats singuliers, des morts et des blessés, des prisonniers, des conclusions de paix. Certaines spécialités ont été hissées au rang de l’art, ainsi la peinture en Europe et en Chine, mais peu en Inde et pas du tout dans le monde islamique. Cependant la sculpture est reconnue comme art en Europe et en Inde, elle ne l’est pas en Chine. Doit-on s’étonner que la guerre, après la religion, ait été le thème dominant de la peinture européenne classique, alors qu’elle figure très peu dans la peinture chinoise ? Autre domaine de symbiose entre l’art et la guerre, celui de la célébration. Que de capitaines glorieux ont eu droit à leur monument commémoratif, comme le mausolée de Maurice de Saxe, conçu par Pigalle pour l’église Saint Thomas de Strasbourg. Les témoignages livrés par des auteurs célèbres de leur expérience guerrière sont innombrables. Citons Maurice Genevoix, Ernst Jünger, Ernest Hemingway, Norman Mailer. Leurs livres dépassent le niveau de simple témoignage et se hissent à celui de l’œuvre d’art, en réussissant à rendre universelle une expérience singulière et en trouvant l’écriture capable de rendre le paradoxe sensible au lecteur.

On a cité l’Iliade en début de cette recension, comment ne pas mentionner la Chanson de Roland, une des premières œuvres de la littérature française. Bien des œuvres ont atteint le statut d’épopée, de l’Odyssée et du Ramayana. La guerre comme spectacle peut être servie par le théâtre, l’opéra, le cinéma. Les Perses d’Eschyle, Apocalypse Now, offrent un chaos ininterrompu de représentations symboliques. Même Alexandre Nevski d’Eisenstein, œuvre de propagande commandée par Staline, atteint des sommets esthétiques. Cet ouvrage collectif se lit et se savoure, sa richesse n'égale que sa diversité, la multiplicité des approches, des discours esthétiques, des lieux visités.

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La guerre au cœur de la civilisation

Pomélos, la guerre est au cœur de la civilisation grecque. La qualité la plus appréciée du citoyen est l’arétè, qui s’exprime d’abord par le courage et l’efficacité au combat. Le mot est apparenté à celui d’aristocratie qui désigne ceux qui sont les plus aptes à gouverner. L’arétè est aussi une vertu des dieux et des héros dont les exploits ont rendu service à la cité et aux hommes. Ils sont armés : Zeus, le « père de dieux et des hommes, de la foudre qui déclenche l’orage et foudroie l’ennemi, Athéna de la lance, Apollon de l’arc, ou chez les héros, Héraclès de la massue, pour ne prendre que quelques exemples. Saveur esthétique de l’héroïque (Vïra) dans l’Inde ancienne, la guerre comme chaos dans les épopées, chansons de geste au Moyen-Âge, pièces martiales dans l’opéra de Pékin, que de domaines explore cet ouvrage collectif qui se penche longuement sur la guerre et les séries télévisées, la guerre et les jeux vidéo, le football, comme symbolisation de la guerre. La guerre, comme fait total a entretenu, dès ses origines, d’étroites sinon d’intimes relations avec l’art sous toutes ses formes et n’a cessé de le faire en traversant le temps.

Jean Baechler (dir.), La Guerre et les Arts, Hermann, 2018.

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À propos de l’auteur
Eugène Berg

Eugène Berg

Eugène Berg est diplomate et essayiste. Il a été ambassadeur de France aux îles Fidji et dans le Pacifique et il a occupé de nombreuses représentations diplomatiques.

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