<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> L’abbaye de Fontenay ou la cistercienne #3

4 août 2023

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L’abbaye de Fontenay ou la cistercienne #3

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Plus ancienne abbaye cistercienne conservée au monde, Fontenay est un témoin tout à fait unique de 900 ans d’histoire de France.

C’est une fois de plus Saint Bernard de Clairvaux qui signe ici l’érection de cet immense domaine bourguignon. Au cœur d’une sublime nature, l’abbatiale médiévale s’élève encore tant bien que mal et laisse à ses pierres blanches et ocres le soin d’évoquer les merveilleux moments de son passé et les vicissitudes de l’histoire dont elle fut témoin, depuis l’âge d’or du monachisme jusqu’à notre ère industrielle.

La fille de Cîteaux

En 1118, vingt ans après la fondation de l’abbaye mère, Bernard de Clairvaux essaime son œuvre à quelques kilomètres seulement, près de la cité bourguignonne de Montbard. Il nomme cette nouvelle fille « Fontenay », ce vallon marécageux étant mouillé de multiples sources, à l’intersection de deux combes. En 1139, Ebrard, évêque de Norwich, s’installe dans le tout jeune monastère pour s’y protéger des persécutions qu’il subit en Angleterre. Sa fortune finance alors en grande partie la construction de l’église, que le pape cistercien Eugène III consacre cinq ans plus tard.

Le premier abbé de Fontenay est un grand ami du fondateur de l’ordre et l’un de ses premiers moines. Avec son élection se déclenche à Fontenay une longue période de prospérité. Durant les XIIe et XIIIe siècles, les moines développent une activité métallurgique et sidérurgique très dynamique. À Montbard, un hôtel particulier est bâti pour l’abbé, c’est le petit Fontenet. Sous le règne de Saint Louis, l’abbaye devient une protégée de la couronne. Le roi l’exempte de tout droit fiscal, et la convertit en abbaye royale. Ce qui ne l’empêche pas d’être sauvagement pillée par les armées d’Edouard III en 1359. Mais son influence ne décroît pas, et ce jusqu’au XVIe siècle.

C’est alors qu’en 1547 est établi le régime de la commende. Le père abbé n’est plus élu par les moines, mais nommé par le roi. Comme dans de nombreux monastères, la commende marque le début du déclin de Fontenay. Les bâtiments sont de plus en plus négligés, à tel point qu’en 1745, les moines sont contraints de démolir le réfectoire, faute de moyens financiers. Le petit Fontenet est vendu au naturaliste Buffon qui y installe sa bibliothèque et son laboratoire de chimie. La Révolution française chasse les huit derniers moines de l’abbaye. L’édifice et ses terres sont vendus à un certain Claude Hugot, lequel profite des installations hydrauliques des religieux pour transformer l’abbaye en papeterie. Une entreprise reprise en 1820 par Elie de Montgolfier, descendant des deux frères inventeurs, qui développe la manufacture. Le savant Marc Seguin, inventeur des ponts suspendus et des chemins de fer français s’y installe durant quelques années. Une chaudière est installée contre le bâtiment, ainsi qu’un entrepôt. Mais la Révolution industrielle, qui privilégie le charbon à l’hydraulique, n’a pas l’effet escompté sur la papeterie.

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Finalement, en 1906, Edouard Aynard, banquier lyonnais, amateur d’art et époux de Rose de Montgolfier, décide de reprendre l’abbaye en main. Il en fait l’acquisition, et démantèle les bâtiments industriels afin de faire renaître l’édifice dans toute sa pureté médiévale. De grands travaux de restauration sont planifiés, et ce sans l’aide d’aucun architecte. Le nouveau propriétaire fait le vœu d’extraire l’abbaye de sa « gangue industrielle », selon ses propres mots. Les usines sont démolies, le sol de l’église est dégagé sur 80 mètres, l’aile gauche du cloître est remontée pierre par pierre. De nos jours, l’entretien de Fontenay est toujours sous la direction des descendants d’Aynard.

Le dépouillement pour Dieu

Au cœur de la nature de l’Auxois, cette fondation de Clairvaux a pour devise sobriété et dépouillement, comme de coutume. La pierre blanche et ocre se fait la gardienne d’un groupe d’hommes contemplatifs au service de Dieu, qui ne sauraient être distraits par des décors complexes et des sculptures alambiquées. L’austérité de l’ornementation est une réaction à la magnificence de l’ordre clunisien. Le simple campanile de Fontenay contraste avec l’impressionnant clocher de Cluny, construit à la même époque.

En raison de son état de conservation exceptionnel, de sa date précoce de construction et de l’homogénéité de son architecture, Fontenay est souvent prise comme exemple pour illustrer le plan typique de l’abbaye cistercienne. Toutes les filles de Citeaux reprennent les mêmes principes : l’église adossée au cloître, et les bâtiments conventuels répartis autour.

L’abbatiale mesure 66 mètres de long. À l’intérieur, une Vierge à l’enfant du XIIIe siècle est encore visible. Nul autre mobilier n’est parvenu jusqu’à nous. Les stalles originales ont été fortement endommagées par l’humidité. Le cloître, divisé en quatre ailes d’une dizaine de mètres de long, est jalonné de chapiteaux ornés de simples fleurs de cistelles, feuilles du roseau, qui ont donné leur nom à Citeaux. La cistelle est l’emblème de l’ordre et le seul motif autorisé à paraître dans le cloître. À l’étage, le dortoir des moines est desservi par un escalier de chaque côté. Au nord, l’escalier de nuit permet aux religieux de descendre directement dans l’église pour assister à l’office des matines.

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Au sud de la propriété, une forge témoigne de l’activité métallurgique exercée par les moines durant le Moyen-Âge. Bâtie à la fin du XIIe siècle, elle permettait aux religieux de travailler le minerai extrait de la colline dominant le monastère. Le ruisseau a subi une dérivation le long de la forge. Au détour des jardins parfaitement entretenus se dressent également un imposant pigeonnier, une chapelle des étrangers, qui n’avaient pas le droit de pénétrer dans l’enceinte monastique, un chenil qui abritait les chiens de chasse des ducs de Bourgogne, ainsi qu’une étrange petite maison datant du XVIe siècle, l’enfermerie. Certains prétendent qu’elle servit de prison, d’autres qu’elle était utilisée comme lieu de conservation pour les biens les plus précieux de l’abbaye, tels que des livres ou objets de culte. Enfin, la « maison rouge », logement des abbés commendataires, dénote par sa coquetterie, loin de la rigueur et de la sobriété cisterciennes.

L’abbaye de Fontenay constitue ainsi un lieu idéal pour tout homme ayant le désir de se plonger dans l’âge d’or du monachisme. Elle servit de décor pour de nombreux films historiques, dont Cyrano de Bergerac avec l’immense Depardieu. 

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