Un an après le massacre de Solan, la violence au Burkina est toujours présente, mais elle a changé de forme. Analyse de Daniel Dory et Hervé Théry sur ces rivalités ethniques et islamiques.
Le massacre de Solhan (environ 160 morts) marque sans doute un tournant dans l’insurrection (principalement) djihadiste au Burkina Faso. Il a eu lieu au milieu de l’année 2021 qui, de l’avis de nombreux spécialistes, voit une intensification de la violence en Afrique, notamment en raison du redéploiement de l’État islamique, à la suite de ses pertes territoriales au Moyen-Orient[1]. Il était dès lors intéressant de chercher à savoir si la dynamique spatiale du terrorisme dans ce pays, que nous avions mise en évidence dans des travaux antérieurs[2], se confirmait au cours de l’année suivante, c’est-à-dire entre le 6 juin 2021et le 6 juin 2022.
Ne disposant pas pour des événements très récents des données de la Global Terrorism Database, nous avons travaillé sur la veille faite par la revue DSI et le dernier ouvrage d’Edward Mickolus dont la référence figure dans les sources de la carte. Il en résulte probablement une moindre couverture des incidents mineurs, mais on peut postuler que la distribution générale des actes terroristes correspond à une tendance réelle[3].
La carte qui représente les attaques létales majeures, toutes cibles confondues (civils, soldats, policiers, gendarmes et Volontaires pour la défense de la patrie) fournit une information importante, et qui peut surprendre en regard de la dynamique nord-sud qui s’était manifestée au cours des années antérieures (voir les flèches en tireté sur la carte). En effet, plutôt qu’une diffusion des actes terroristes graves vers le sud, on constate une concentration dans un périmètre septentrional, qui correspond sans doute à une phase de consolidation dans une zone où les effets combinés de la frontière, des parcs naturels et des orpaillages[4] sont favorables à l’implantation d’une base arrière en prévision de mouvements futurs.
Ce fait inattendu peut probablement être aussi en rapport avec le désengagement français au Mali, qui permet à certains groupes transfrontaliers de renforcer leur dispositif opérationnel dans le nord du pays, également dans un but de consolidation des arrières à l’échelle de l’ensemble du Sahel. En tout état de cause, cette carte fournit une base à partir de laquelle des hypothèses peuvent être formulées à partir de faits contrôlés. Et si cette démarche est propre à la (bonne) science, il n’est pas exclu dans ce cas qu’elle puisse également étayer la réflexion géostratégique.
[1] Voir, par exemple, la bonne synthèse de Tricia Bacon et Jason Warner, « Twenty Years After 9/11: The Threat in Africa. The New Epicenter of Global Jihadi Terror », CTC Sentinel, vol. 14, no 7, 2021, p. 76-90.
[2] Notamment : Hervé Théry, Daniel Dory, « Solhan : cartographier le terrorisme et la dynamique territoriale d’une insurrection », Mappemonde, no131, 2021 (en ligne).
[3] L’aggravation récente de la situation au Burkina Faso pouvant être contextualisée en consultant le Global Terrorism Index 2022, Institute for Economics & Peace, Sidney, 2022, p. 46-60.
[4] Jean-Baptiste Sanfo, « Cross-Sectional Analysis of the Determinants of Education Demand in Small-Scale Gold Mining Communities in Burkina Faso », Journal of Education and Practice, vol. 10, no 12, 2019. DOI : 10.7176/JEP.