Biden qui démissionne ? Une récession ? Des révélations sur la jeunesse de Kamala Harris ? Un autre attentat contre Donald Trump ? Chaque élection américaine comporte son événement imprévu qui, dans la dernière ligne droite de la campagne, a la capacité de changer le cours de l’histoire.
C’est une tradition, les Américains l’attendent tous les quatre ans en décorant – déjà – leurs maisons aux couleurs d’Halloween. Dans une élection qui a connu déjà deux coups de théâtre hors normes (l’attentat raté contre Donald Trump en juillet suivi de l’abandon de Joe Biden), difficile de suggérer des scénarios plus improbables pour ce qu’il convient d’appeler « The October’s surprise », soit la surprise d’octobre. Autrement dit : un événement inattendu qui, à quelques jours à peine du scrutin le plus important au monde, peut mettre en difficulté l’un des candidats.
Avant de donner quelques pistes pour les parieurs qui auraient envie de dépenser un peu d’argent sur les sites dédiés (d’ailleurs plus souvent basés à Malte qu’à Las Vegas, contrairement à une légende), petit retour sur ces surprises d’octobre.
Florilège des surprises d’octobre
On doit le terme à un conseiller de Ronald Reagan, William Casey, directeur de campagne du 40e président des États-Unis (et futur directeur de la CIA). En octobre 1980, l’équipe du candidat républicain craignait une libération des otages de l’ambassade américaine de Téhéran, qui aurait permis, imaginait-on alors, à Jimmy Carter, de rattraper son considérable retard sur son rival. En évoquant ouvertement ce scénario, le Parti républicain essayait de limiter les effets de cette possible surprise sur l’opinion tout en suggérant que la libération des otages à cette date n’aurait pas été un hasard.
Avant que l’expression ne soit consacrée, il y eut plusieurs surprises d’octobre. En 1888, les républicains révèlent une lettre de l’ambassadeur de Grande-Bretagne aux États-Unis qui fait état de la préférence des Britanniques pour le démocrate Cleveland, provoquant la colère des Irlando-Américains qui se mobilisent en faveur du républicain (et futur président) Harrison. En 1956, la crise de Suez et la révolution hongroise ont aidé Eisenhower à asseoir sa stature de leader du monde libre. En 1972, Nixon annonce une perspective de paix imminente au Vietnam, après l’avoir promise pendant les quatre années de son premier mandat. Plus près de nous, en 2016, le FBI annonce enquêter sur plusieurs dizaines de milliers d’emails confidentiels d’Hillary Clinton, retrouvés dans l’ordinateur d’Anthony Wiener, député démocrate de New York, alors que le Bureau fédéral d’investigation enquêtait sur des images pornographiques que l’élu avait envoyées à des femmes et à un mineur. En 2020, le scandale du portable d’Hunter Biden, contenant des documents compromettants concernant ses activités en Ukraine, éclate après une enquête du New York Post.
Et cette année ?
Alors, puisqu’il s’agit de se prêter au jeu préféré des journalistes, mais également de l’Américain moyen, voici ce qui circule le plus comme hypothèses.
Il y a la plus incroyable : celle d’une démission surprise de Joe Biden, obligeant donc Kamala Harris à prêter serment et à entamer par conséquent, avant même l’élection, une carrière de chef d’État. Ce rebondissement donnerait du grain à moudre à ceux, nombreux aux États-Unis, qui n’ont toujours pas digéré que Kamala Harris soit désignée hors du processus classique des primaires et qui y voient un complot des Obama, accusés à droite d’être toujours aux manettes du pays, huit ans après avoir quitté la Maison-Blanche. Des révélations sur le passé de la candidate sont également évoquées, comme ce fut le cas pour George W. Bush, dont la presse avait décrit la jeunesse alcoolisée et fêtarde de ce born again Christian très apprécié des évangéliques.
Notamment parce qu’un début de scénario se déroule sous nos yeux. Celui d’un pouvoir démocrate qui a été incapable de faire accepter un cessez-le-feu dans la région, en même temps qu’il n’a pas pu contribuer à une défaite des Russes en Ukraine.
L’intensité redoublée du conflit au Moyen-Orient, et ses derniers développements au Liban, sont déjà considérés par certains commentateurs américains comme étant la surprise d’octobre.
C’était d’ailleurs l’un des objectifs de Joe Biden, quand il était encore candidat : se présenter devant les Américains en faiseur de paix avec deux conflits réglés avant le vote. Raté !
Autre classique, possible, et qui ferait du tort à l’administration sortante et donc à la candidate démocrate, la possibilité d’une panique d’ampleur sur les marchés ou d’une récession en Chine qui affecterait, dans les dernières semaines de la campagne, les perspectives de l’économie américaine.
Enfin, Trump n’est pas à l’abri d’un mauvais moment, lui qui a déjà échappé à deux tentatives d’assassinat. On se souvient qu’en 2016, des propos peu amènes sur les femmes, enregistrés à son insu quelques années auparavant alors qu’il n’était pas en politique, lui avait valu de perdre certains soutiens (dont celui de John McCain qui avait été déjà accordé du bout des lèvres). Cette très mauvaise séquence lui avait valu d’exprimer des regrets, chose rare chez Donald Trump, sous la menace d’un départ de Mike Pence, à l’époque son colistier. La multiplication des affaires judiciaires, l’âge également, sont autant de facteurs qui pourraient le faire vaciller. C’est dire si les deux partis préféreraient que la surprise arrive dans le camp d’en face !