[colored_box bgColor= »#f7c101″ textColor= »#222222″]Cette recension a été publiée dans le numéro 10 de Conflits. Si vous souhaitez acheter ce numéro, rendez-vous sur la e-boutique de Conflits en cliquant ici.[/colored_box]
À l’évidence, la Russie de Vladimir Poutine fait peur dans notre imaginaire occidental. La récente crise ukrainienne a remis au goût du jour l’ancienne notion d’« empire du mal » en vogue dans les milieux atlantistes.
C’est oublier que la Russie est elle aussi frappée par la peur, c’est le principal mérite de l’ouvrage que d’insister sur ce point. Peu de pays au monde ont connu autant de changements sociétaux ces trente dernières années : les frontières, le régime politique, l’économie, la vision du monde, les valeurs culturelles, tout cela a été transformé brutalement, sans transition. Les auteurs, spécialistes bien rodés de la Russie, décodent de façon didactique le fonctionnement d’une puissance profondément ébranlée qui garde un souvenir humiliant de l’éclatement de l’URSS. La Russie a craint de disparaître ; elle se sent aujourd’hui incomprise et victime d’un nouvel encerclement mené par les États-Unis et ses alliés. Il ne faut pas chercher ailleurs les raisons de la popularité de Poutine alors que les motifs d’inquiétude n’ont pas disparu. La difficile maîtrise de son territoire, les frontières non stabilisées, es irrédentismes ethniques dans sa périphérie, le déclin démographique (même si la fécondité russe se redresse actuellement)…
Les auteurs explorent les fragmentations d’une société encore traumatisée par les années Eltsine, qui a gardé un amer souvenir d’une démocratisation à l’occidentale synonyme de capitalisme sauvage, de chute du niveau de vie et de corruption. L’occasion de faire aussi le point sur les particularismes de l’économie russe, mais aussi l’écart croissant des valeurs culturelles entre elle et les démocraties libérales, sans oublier la géopolitique.
C’est en définitive l’histoire récente d’un pays partagé entre ses aspirations réformatrices et la crainte d’une société libérale, tiraillé entre tentation du repli, peur d’un nouvel isolement et volonté d’intégration qui nous est racontée. De quoi nous faire réfléchir sur la pertinence des débats identitaires qui agitent cette grande civilisation qui n’a pas renoncé à un nouvel ordre mondial.
Sceptiques quant à la longévité des constructions idéologiques et politiques poutiniennes, les auteurs s’inquiètent de l’actuelle dérive autoritaire du Kremlin. Ils y voient une lente transformation en un système politique de plus en plus rigide qui selon eux est incapable d’intégrer une dynamique de renouvellement des élites vieillissantes (au pouvoir depuis 2000), comme d’inventer une idéologie ou une vision du monde suffisamment souple pour s’adapter à des réalités mouvantes. On notera cependant que Vladimir Poutine a 5 ans de moins qu’Hillary Clinton et Donald Trump, un an de plus que Xi Jinping et deux de moins qu’Angela Merkel. Le vieillissement des élites n’est pas le fait de la seule Russie. Quant à la capacité de réaction, le moins que l’on puisse dire est qu’elle ne manque pas aux dirigeants russes, en tous les sens que l’on prenne le terme de « réaction ».
T.Y.
[colored_box bgColor= »#DCEDC8″ textColor= »#222222″]Jean Radvanyi, Marlène Laruelle, La Russie entre peurs et défis, Armand Colin, 2016, 240 pages, 24 euros.[/colored_box]
Boutique. Voir l’intégralité des numéros : cliquez ici
[product_category category= »numero-papier » orderby= »rand » per_page= »4″]