<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La réunification a-t-elle changé l’Allemagne ?

31 décembre 2015

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : La porte de Brandebourg durant la chute du mur de Berlin, novembre 1989. Photo : SIPA 00514751_000001

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La réunification a-t-elle changé l’Allemagne ?

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La réunification de l’Allemagne le 3 octobre 1990 a agrandi son territoire et l’a replacée géographiquement au centre de l’Europe.

Un rattrapage inachevé

Elle n’a pas supprimé les contrastes entre les anciens et les nouveaux Länder. Cinq millions de personnes avaient quitté l’Allemagne de l’Est au temps du communisme, plus de trois millions sont partis en Allemagne de l’Ouest depuis 1990 pour trouver un emploi, mais aussi deux millions de l’ouest vers l’est (surtout à Berlin-Est) à cause des logements moins chers ou des études. L’Est est sous-peuplé (1/5e de la population totale). La RFA ayant apporté 300 milliards d’euros pour reconstruire l’économie sinistrée de la RDA, le fossé économique, social et culturel entre les deux parties du pays a été réduit (qu’il s’agisse de productivité, de consommation ou de travail des femmes). Mais le PIB de l’Est se maintient depuis quinze ans à 67 % de celui de l’Ouest. D’autre part, une autre césure tend à prendre plus d’importance depuis 1990 : celle entre le Nord et le Sud du pays, entre un Sud (du Bade-Wurtemberg et de la Bavière, étendu à l’est jusqu’à Iéna, Dresde et Leipzig) qui est dynamique et un Nord qui l’est moins (du Mecklembourg-Poméranie antérieure à la Rhénanie du Nord-Westphalie). Les frontières actuelles sont désormais ethniques en ce qui concerne les Allemands de souche, les Allemands ayant été presque tous (12 millions) expulsés de Pologne, Tchécoslovaquie et Hongrie en 1945-1946. Mais à la différence de la RFA, où l’immigration étrangère, économique et familiale remonte aux années soixante (Europe et Turquie), la RDA est restée homogène, le petit nombre de travailleurs polonais, vietnamiens et mozambicains importés sous le communisme n’étant pas appelés à rester (les étrangères enceintes avaient l’obligation de partir ou d’avorter). Il y a encore aujourd’hui beaucoup moins d’étrangers à l’Est qu’à l’Ouest.

Le poids des extrêmes

Au plan politique, la constitution de l’Allemagne de l’Ouest, qui date de 1949, est restée en place, la RDA (par l’intermédiaire de ses Länder) ayant simplement adhéré à l’Allemagne de l’Ouest en 1990. L’ancienne RDA se signale par la présence du parti de gauche Die Linke, héritier de l’ancien SED de l’Allemagne communiste, implanté principalement à l’Est. Aujourd’hui, l’ex-RDA est bien représentée à la tête du pays, avec le président fédéral Gauck et la chancelière Angela Merkel. On constate que les mouvements de droite extrême (comme le NPD, Alternative pour l’Allemagne et Pegida) sont plus actifs et s’implantent mieux à l’est qu’à l’ouest. Cela s’explique de plusieurs façons. En RDA, la révolution pacifique a renversé le régime communiste. L’idée a subsisté que la population peut dans la rue critiquer le gouvernement et qu’elle représente une forme de légitimité populaire. À l’inverse, le système politique parlementaire de l’Allemagne de l’Ouest a été instauré en 1949 sous la tutelle des Alliés occidentaux et a été peu à peu accepté par la population avec la prospérité et la démocratie de type occidental. Et contrairement à la RFA, la RDA n’a pas connu le mouvement de 1968, avec ses conséquences profondes au plan des mœurs et des mentalités. Ensuite, l’antifascisme officiel de la dictature communiste de RDA et de l’occupant soviétique n’a pas convaincu une grande partie de la population, tandis que dans la RFA, qui a sans doute accueilli davantage d’anciens nazis que le « frère ennemi » de l’Est, l’éducation et les médias ont été plus efficaces pour enraciner l’antinazisme, partagé avec le grand frère américain et les nouveaux partenaires ouest-européens. Le régime de l’Est rejetait toute responsabilité dans la guerre et l’Holocauste, alors que celle-ci fait partie du patrimoine politique et moral de la RFA. L’Allemagne a assez bien géré la réunification au plan extérieur, politique et économique. La césure a été brutale à l’Est (et encore maintenant les gens y sont moins contents et plus critiques), mais plus personne en Allemagne ne remet l’unification en question et ses anniversaires ont toujours été fêtés dans la liesse depuis 25 ans. Cela a créé un certain optimisme dans les élites dirigeantes (« C’est la meilleure Allemagne que nous ayons jamais eue », a dit le président Gauck).

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Photo : La porte de Brandebourg durant la chute du mur de Berlin, novembre 1989. Photo : SIPA 00514751_000001

À propos de l’auteur
Thierry Buron

Thierry Buron

Ancien élève à l’ENS-Ulm (1968-1972), agrégé d’histoire (1971), il a enseigné à l’Université de Nantes (1976-2013) et à IPesup-Prepasup. Pensionnaire à l’Institut für Europaeische Geschichte (Mayence) en 1972-1973. Il a effectué des recherches d’archives en RFA et RDA sur la république de Weimar. Il est spécialisé dans l’histoire et la géopolitique de l’Allemagne et de l’Europe centre-orientale au XXe siècle.
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