« Budget de campagne », « budget à trous », « budget électoraliste »… On a le choix, pour ce dernier budget du quinquennat Macron, entre les qualificatifs.
La farandole des annonces de nouvelles dépenses égrainées au fil des déplacements du duo Macron-Castex, et introduites au gré de l’examen par l’Assemblée nationale du budget pour 2022, sans la moindre étude d’impact, donne le tournis : « contrat d’engagement jeune » (2 Md€), plan de « reconquête républicaine » pour Marseille (1,5 Md€), « plan compétences » pour les chômeurs de longue durée (1,4 Md€), plan d’investissement « France 2030 » (34 Md€), « indemnité inflation » (3,8 Md€), etc. Sans même tenir compte des crédits du plan « France 2030 », ce ne sont pas moins de 25 milliards d’euros de dépenses ordinaires supplémentaires qui ont été annoncées en à peine quatre mois de pré-campagne présidentielle. Les fuites en avant dans la dépense, le déficit et la dette publics sont tels qu’ils préemptent les résultats des élections à venir, en soumettant à l’approbation du Parlement un budget qui pèsera lourdement sur les générations et les exercices budgétaires futurs.
Comment ne pas y voir tout à la fois une faute morale et un manque de droit ? Faute morale, tout d’abord. Lorsqu’il devient la norme, le déficit budgétaire (155 milliards d’euros en 2022, malgré la sortie de l’état de crise sanitaire) est immoral puisque, rompant avec le principe du consentement à l’impôt, il place les électeurs dans une situation d’« illusion fiscale » et sacrifie l’avenir au détriment des générations futures. Le recours au déficit public et, par suite, à la dette publique est d’autant plus commode pour le gouvernement qu’il lui permet d’octroyer aux gouvernés d’aujourd’hui – qui sont aussi ses électeurs potentiels – des biens publics qu’il fait payer aux gouvernés de demain en reportant sur eux la charge de l’impôt. Bref, grâce au déficit et à la dette publics, l’oie plumée criera d’autant moins fort qu’elle n’est pas encore née !
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Ce diagnostic est, ensuite, celui d’une insuffisance de droit. Les gouvernants sont d’autant plus dispendieux, et se préoccupent d’autant moins de l’avenir à long terme de la France et des Français, qu’aucune règle budgétaire stricte ne les enchaîne et leur lie les mains. La révision en novembre dernier de la Constitution financière qu’est la loi organique relative aux lois de finances (la fameuse « LOLF »), qui sera effective à compter de l’examen du budget de l’État pour 2023, va certes dans le bon sens, notamment en consolidant la pluriannualité budgétaire. On touche cependant du doigt une grande faiblesse des lois de programmation des finances publiques : l’absence de caractère juridiquement contraignant, la valeur constitutionnelle reconnue au principe d’annualité budgétaire aboutissant à ce que les lois pluriannuelles de programmation des finances publiques puissent être remises en cause chaque année par les lois de finances. C’est ainsi que la loi de programmation adoptée en début de quinquennat a pu être facilement contournée à la suite du mouvement des Gilets jaunes, puis de la crise sanitaire. Pourquoi la prochaine serait-elle davantage respectée dès lors que, sans révision de la Constitution, la loi de programmation ne pourra être davantage contraignante ?
Seul un mécanisme type « règle d’or » budgétaire disciplinerait le pouvoir politique et empêcherait le gouvernement, quel qu’il soit, de « dévorer l’avenir » (Frédéric Bastiat) par démagogie ou clientélisme électoral. Empiriquement, il est établi que les pays qui mettent constitutionnellement en œuvre des règles numériques d’équilibre des finances publiques pesant sur leurs administrations sont plus vertueux budgétairement et efficaces économiquement. Dans la majorité des cas, fit ainsi observer Gebhard Kirchgässner à partir d’une littérature extrêmement vaste, les règles budgétaires constitutionnelles réduisent le niveau des dépenses, des prélèvements obligatoires et de la dette publique[1]. Contrairement à ce que semble penser l’ancien Premier ministre, Édouard Philippe, la fixation d’une « règle d’or » constitutionnelle, loin de représenter « un danger pour notre vie démocratique » (Challenges, 30 septembre 2021), nous rapprocherait au contraire de l’idéal de la démocratie libérale, en limitant les risques d’expropriation que l’État fait peser sur les droits de propriété légitimes de chaque personne, fût-elle l’enfant à naître.
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[1] G. Kirchgässner, « The Effects of Fiscal Institutions on Public Finance: A Survey of the Empirical Evidence », CESifo Working Paper, n° 617, 2001.