Le succès de sa politique migratoire et sa conception originale de la nouvelle relation entre le Nord et le Sud replacent l’Italie au centre de la géopolitique européenne et méditerranéenne.
Critiquée à son arrivée au pouvoir en octobre 2022, jugée incapable d’appliquer son ambitieux programme de lutte contre l’immigration clandestine, Giorgia Meloni vient d’administrer une belle leçon politique à ses partenaires européens. Mieux, des gouvernements pourtant très éloignés de ses choix n’hésitent pas à vanter ses résultats, prêts à s’en inspirer. C’est notamment le cas de l’Allemagne qui étend le contrôle de ses frontières, notamment avec la France, quitte à contrevenir aux traités internationaux européens, à l’esprit de Schengen.
La présidente de Fratelli d’Italia (Frères d’Italie) avait annoncé ses priorités : « Lutter contre l’immigration clandestine, gérer les flux migratoires et défendre les frontières nationales et européennes. » Son principe d’action était clair : « En Italie, comme dans n’importe quel autre État sérieux, on n’entre pas illégalement. » Deux ans plus tard, Mme Meloni peut se féliciter de son succès. Les arrivées maritimes des migrants clandestins ont diminué d’environ 65 % pour les huit premiers mois de 2024, par rapport à la même période de 2023 (41 530 contre 114 513). La chute est spectaculaire pour les arrivées de mineurs non accompagnés, presque divisées par quatre (5 044 contre 18 820). Aucun autre gouvernement européen ne peut se prévaloir d’une telle réduction des flux migratoires.
La politique de Giorgia Meloni repose sur un durcissement des règles à l’intérieur des frontières et sur une négociation avec les pays émetteurs de migrants. Une série de décrets-lois cible les ONG qui viennent au secours des clandestins en Méditerranée et le business des mafias de passeurs. Ces textes renforcent les peines pour les passeurs et les capitaines des bateaux, facilitent les refoulements, restreignent le droit de travailler. Les ONG concernées sont mieux encadrées : leurs bateaux ne peuvent pas procéder à plus d’un sauvetage à la fois. Les ports de débarquement accessibles ont été éloignés, ce qui allonge les délais de navigation des ONG et limite leurs opérations de sauvetage. Les amendes ont été alourdies et les sanctions vont même jusqu’à l’immobilisation des navires.
Les accords signés concernent les principaux pays de départ et de transit, au premier rang desquels la Libye, la Tunisie, l’Albanie, où des centres d’accueil et de tri sont prévus. Les demandes d’asile naguère traitées sur le sol italien ont commencé à l’être hors de l’Italie et du territoire de l’Union européenne. Les procédures de rapatriement des clandestins ont été assouplies et accélérées : plus de 9 000 migrants ont repris le chemin du retour en 2024, dont quelque 5 000 vers la Libye et 4 000 vers la Tunisie.
D’abord isolée, Mme Meloni a eu la satisfaction de voir la Commission de Bruxelles s’inspirer de sa « stratégie africaine », au grand dam de quelques associations facilitant les passages de clandestins. Son idée de « partenariat stratégique » avec l’Afrique est de lier sa politique de contrôle de l’immigration clandestine à un plan de développement des pays concernés, soutenu par une enveloppe de 4 milliards d’euros au cours des cinq à sept prochaines années. Sans repentance ni démagogie, Mme Meloni parle de « la responsabilité partagée » entre le Nord et le Sud.
La présidente de la Commission européenne, Ursula van der Leyen, a validé ces initiatives italiennes. L’UE et l’Égypte ont aussi passé un accord « donnant donnant » : Le Caire s’est engagé à renforcer le contrôle à ses frontières contre une aide de 7,4 milliards d’euros de prêts européens d’ici à 2027. D’autres accords équivalents ont été conclus avec la Tunisie. Ce partenariat nouveau a remobilisé les Tunisiens dans leur lutte contre l’immigration irrégulière : des intermédiaires et des trafiquants ont été emprisonnés, les migrants subsahariens sont mieux contrôlés et leurs démarches sont rendues plus difficiles. Cette répression porte ses premiers fruits.
Efficaces pour l’Italie, ces mesures italiennes entraînent cependant des conséquences directes pour l’Espagne et la Grèce, qui subissent encore largement l’immigration clandestine. Les arrivées ont explosé sur leur sol : 155 % d’augmentation en Espagne (notamment aux îles Canaries), 222 % en Grèce ! L’allongement des routes navales accroît le nombre de morts en mer : on estime à 1 312 personnes, les migrants disparus en Méditerranée cette année, dont 1 023 au sud des côtes italiennes. Pour réduire les arrivées de clandestins en Europe et le nombre de victimes en mer, Giorgia Meloni rappelle à ses partenaires européens l’urgence d’une politique coordonnée, afin de tarir les flux en amont et de fermer les voies venant de Tunisie et de Libye.
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