Les semi-conducteurs sont essentiels au fonctionnement de l’économie moderne. La plupart d’entre eux sont fabriqués à Taïwan, ce qui renforce l’intérêt stratégique de l’île. Dans le combat que se mènent Chine et États-Unis, les entreprises des semi-conducteurs jouent un rôle de premier plan.
Les semi-conducteurs (chipsets) [1] sont le pétrole de l’ère moderne. Nous les trouvons partout depuis les smartphones et les ordinateurs aux véhicules électriques et les machines à laver en passant par les équipements des réseaux télécom. Toutes les grandes puissances industrielles font aujourd’hui de la maîtrise des chips une priorité stratégique. Il est question d’indépendance technologique, de sécurité d’approvisionnement, de résilience industrielle, et de souveraineté nationale.
Les Etats-Unis sont le leader incontesté pour la conception et le contrôle des outils de fabrication. En revanche, la fabrication est concentrée sur l’Asie du Sud Est, notamment en Corée du sud, à Taiwan et depuis quelques années en Chine qui inquiète grandement les Américains.
Il n’est nullement exagéré de dire que la compétition en la matière entre les États-Unis et la Chine constitue l’un des points de tension les plus importants.
Réellement commencée en 2018 à l’initiative des USA et avec Huawei pris pour cible, la guerre des semi-conducteurs (chipsets) sino-américaine entre dans une nouvelle phase. Les deux côtés ont mis en place des stratégies différentes. Il est encore trop tôt pour dire qui sortira de cette guerre en vainqueur.
La stratégie américaine
La stratégie américaine peut être résumée en trois points : 1/ embargo ; 2/ politique industrielle ; 3/ alliance.
Embargo
Dès le départ, les USA ont concentré leurs efforts sur les sanctions visant la vente des chipsets de haute gamme (7 nm et en deçà) [2] ainsi que celle des machines de lithographie capables d’en fabriquer.
Privé des chipsets de 14 nm à 7 nm, l’entreprise Huawei a pratiquement disparu du marché des smartphone haut de gamme. La production des équipements 5G a également été impactée.
Au-delà de Huawei, l’Administration Biden multiplie les mouvements d’attaque successifs à l’adresse de l’industrie du semi-conducteur chinoise.
Le Hollandais ASML[3] a été interdit de vendre aux Chinois les EUV (Extreme UltraViolet) les machines de lithographie les plus sophistiques. Ces machines sont indispensables pour fabriquer les chipsets les plus avancés dans le monde.
Les USA aimeraient aussi appliquer la même mesure concernant les machines DUV (Deep UltraViolet) en constatant le rôle de plus en plus important joué par ces dernières en Chine dans la fabrication des chips moyenne gamme.
Une interdiction supplémentaire est à l’ordre du jour. Il s’agit de l’EDA (Electronic Design Automation).[4]
Ainsi, les USA veulent resserrer leurs mains autour du cou de la Chine ou tout long de la chaîne de valeur des chipsets : conception, fabrication et packaging.
Politique industrielle
Le 28 juillet a vu naître, après moulte retard, Chips & Science Act[5] avec un budget de 280 milliards de dollars dont 52 milliards pour subventionner les entreprises y compris les Sud-coréens et taiwanais qui accepteraient d’établir ses usines sur le sol américain, à condition que ces dernières arrêtent leur investissement en Chine dans les 10 ans à venir. 170 milliards seront dépensés pour les RD technologiques.
On dirait que c’est une copie de « Made in China 2025 ». Avec cette politique industrielle d’aide, la libre concurrence capitalistique laisse ici la place au capitalisme d’Etat dans ce domaine. L’Oncle Sam a vu la nécessité de s’adapter.
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Alliance
Conscients que tout seul, il est très difficile voire impossible pour les USA de chasser la Chine du supply chain des semiconducteurs, les Américains sont en train d’organiser activement l’alliance Chip 4 avec la subvention de 52 milliards de dollars autorisés par Chips & Science Act. Leur but est de reconstruire le supply chain des chips sur le sol américain notamment en termes de fabrication, sécurisant sa position comme leader incontesté dans le supply chain des semiconducteurs mondiaux.
Les invités sont les suivants :
- USA : Applied materials, Micron, Intel, Brodcom, Qualcom
- Corée du sud : Sumsung, SK Hynix
- Japon : Toshiba, TEL, Renesas
- Taiwan : TSMC, MediaTek, ASE Group
Les premières réunions de travail sont prévues pour fin août. On pourrait très rapidement avoir des signes.
Avec ces mesures très visibles, la stratégie américaine est-elle sûre de réussir ? La chose n’est pas aussi simple. La Chine n’a pas l’habitude de se laisser faire.
L’Empire du milieu contre-attaque
Face aux attaques féroces des Américains, la Chine s’est organisée rapidement en mobilisant de gigantesques ressources technologiques et financières, publiques et privées. Elle vise à devenir à pas forcé un pays autonome en la matière.
Un investissement gigantesque
Les semi-conducteurs sont le 4e produit les plus vendus dans le monde avec une valeur de 400 milliards de dollars en 2020. La Chine a prévu de dépenser 1 400 milliards de dollars entre 2020 et 2025 pour les technologies avancées, y compris pour les semi-conducteurs[6]. Les investissements dans les équipements de production des chipsets ont augmenté de 44 % en 2021 dans le monde à un record historique de 102,6 milliards de dollars. La Chine affiche un pourcentage encore plus impressionnant de 58 %, gardant la place de champion pour la deuxième année consécutive pour cette catégorie de dépenses, devant la Corée du Sud et Taïwan.[7]
L’aide de L’État sans complexe
L’État chinois aide sans complexe les entreprises qui ont des liens avec le Gouvernement. Par exemple, une étude de l’OCDE montre que 4 entreprises de semi-conducteur de cette nature ont reçu un prêt de 4,85 milliards de dollars à un prix inférieur à celui du marché entre 2014-2018. Ces aides constituent un avantage de coût significatif. Une étude de Boston Consulting Group estime dans une étude datée de 2020 que le coût de la construction et de l’opération pour une usine en Chine est 37 % inférieur à celui aux USA.[8]
Une stratégie à deux volets
Une stratégie à deux volets a été constatée.
Le premier volet « Frontal » consiste à lutter frontalement avec les USA en essayant de rattraper aussi vite que possible le retard considérable dans la fabrication des chips de haut de gamme. C’est une route semée d’embûches et de longue haleine. Les experts estiment qu’il faudrait au moins 10 ans pour voir les résultats. C’est un front qui nécessite beaucoup de patience. L’acteur principal est SMIC (Semi-conducteur Manufacturing International Corporation). Les efforts ne sont pas limités et seulement concentrés dans cette direction.
Le deuxième volet dit de « contournement » [9]vise, en attendant patiemment les progrès lents sur les hauts de gamme et lorsque cela reste possible, l’utilisation massive des technologies mures (telle que la machine de lithographie DUV – Deep UltraViolet) pour fabriquer les chips de basse et moyenne gamme (14 nm, 29 nm, 32 nm et au-delà) afin de satisfaire rapidement les besoins énormes et toujours croissants nationaux et internationaux. Ces chips peuvent être utilisés pour les véhicules électriques, les lignes de production numérisées, les machines électroménagers, IoT, etc. 90 % de chips demandés relèvent de cette catégorie.[10]Les haut gammes (10%) attirent beaucoup plus d’attention en raison de leur profit élevé. Leur utilisation est relativement limitée : ordinateurs, smartphone, 5G, armes militaires sophistiques.
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L’objectif de ce volet est d’augmenter très rapidement des parts de marché en interne et externe en profitant de la faiblesse de défense américaine et du besoin de production locale en Chine. Le taux de production en Chine est de 30% dont 20% par les filiales des entreprises étrangères. La Chine a plus de 7 000 usines liées aux chipsets. Cela augmente constamment. C’est une carte majeure pour mettre en œuvre la stratégie d’inondation du marché. Les concurrents de la Chine se retireraient du marché au bout d’un moment en raison de coût élevés et du bas prix. Lorsque cela se produirait, c’est-à-dire que les 14 nm et 28 nm seraient produit massivement voire exclusivement en Chine, les USA et le reste du monde deviendraient à leur tour dépendant de ce nouvel acteur.
Cette stratégie d’inondation peut-elle marcher ? Nous avons encore en mémoire la réussite de cette stratégie pour les display panel, la batterie, les panneaux solaires et, bientôt, les véhicules électriques (EV).
Où se trouve la Chine actuellement ?
Faisons un tour d’horizon, en commençant d’abord par le deuxième front.
Croissance de production
La stratégie dite de l’inondation porte ses fruits : l’année dernière la Chine a produit plus de 359 milliards de chips. C’est une croissance de 33,3 %[11]
La production chinoise de puces électroniques par les entreprises nationales et les usines étrangères implantées dans le pays a connu une croissance deux fois supérieure à celle de 2020, selon le gouvernement chinois. La Chine a produit 359,4 milliards de semi-conducteurs en 2021, soit 33 % de plus qu’en 2020, selon les chiffres publiés lundi [17 janvier] par le Bureau national des statistiques. Une accélération significative puisqu’en 2020 le pays avait produit 261,3 milliards d’unités, soit 16,2 % de plus que l’année précédente [12].
La Semiconductor Industry Association nous informe que parmi les 39 nouvelles usines de production construites en 2021, 10 sont en Chine contre 10 à Taiwan, 5 en Corée du sud, 5 au Japon, 4 en Europe et 4 aux US. Selon SEMI, entre 2022 – 2024, on verra sortir de terre 58 nouvelles usines de fabrication dont 31 seraient Chinois.
Bloomberg a publié une étude d’IC Insights qui montre que parmi les 20 sociétés qui croissent les plus vites 19 sont chinoises.
Ventes et part de marché
Selon la Semiconductor Industry Association, les ventes des chips chinois sont en hausse impressionnante.
Il y a 5 ans, ses ventes étaient encore au niveau de 13 milliards de dollars, à peu près 3,8 % des ventes globales. En 2020, la Chine a fait grand bond en avant avec un taux de croissance annuelle de 30,6 % (39,8 milliards de dollars), capturant 9% de part de marché mondial en dépassant Taiwan et se rapprochant de Japon et UE, chacun a 10%
Si la Chine maintient un taux de croissance annuelle de 30% pour les 3 ans à venir, elle générerait en 2024 un revenu de 116 milliards de dollars, capturant ainsi 17,4% de part de marché mondial. Cela la place juste derrière US et le Japon.[13]
En plus de ces chiffres, examinons aussi quelques faits marquants.
L’import des chips vers la Chine a réduit de 28,3 milliards de pièces. Ce changement est principalement dû à l’adaptation des chips produits localement par les entreprises chinoises. Auparavant, ces dernières n’aimaient pas ces produits locaux en raison de qualité et de prix élevés comparés aux produits importés.
Récemment, les Sud-Coréens ont eu une surprise de taille. Depuis 30 ans, la Corée du sud a enregistré pour la première fois un déficit commercial par rapport à la Chine. L’export vers son grand voisin était de 13,4 milliards de dollars en mai et l’import 14,6 dont 16,5 % sont des chips pour une valeur de 2,4 milliards de dollars et avec une croissance de 40,9 % par rapport à l’année dernière pour la même période. Compte tenu qu’habituellement, c’est toujours la Corée du sud qui exporte plus de chips vers la Chine, cet inversement de la tendance a bien secoué la Corée et le milieu des chips. Cela montre la vitesse de la Chine dans l’exécution de sa stratégie d’inondation.[14]
Progrès technologique
Sur le front de chips de haute gamme, la mobilisation nationale des ressources technologiques commence à être payante également.
On a été surprise par la nouvelle suivante : le fondeur chinois de puces SMIC est parvenu à passer à la technologie de gravure de 7 nm, en utilisant la machine de lithographie DUV au lieu d’EUV non disponible chez SMIC pour cause d’embargo américain.[15] On ne pensait pas que cela pouvait venir si vite. Cela a été révélée par le site d’American semi-conductor TechInsights. Selon eux, SMIC produit depuis l’année dernière des chips de cette dimension. Techsignt les a trouvés au sein de la machine de cryptocurrency-mining ASIC fabriquée par SMIC.[16] Bien qu’il ne soit pas complètement sûr que ces chips comportent la mémoire bitcell typique comme demandé dans la définition de la technologie 7 nm, cela démontre la logique de 7 nm, reflétant un progrès significatif dans le rattrapage du retard, permettant de réduire l’écart de deux générations et de préparer la mass production.
Les recherches relatives aux machines lithographiques se poursuivent sans relâche par exemple chez SMEE (Shanghai Micro Electronics Equipment).
La messe est-elle dite ?
Nous constatons les effets très visibles de la stratégie américaine d’embargo qui a tendance à s’élargir.
L’interdiction des ventes des chips de haute gamme et celles des machines lithographiques permettant d’en fabriquer (EUV) ont produit de résultats spectaculaires. Huawei est l’un des victimes : ses smartphones de haute gamme ont disparu du marché mondial.
Les USA ont négligé le front des technologies mures. Constatant les succès de la stratégie de contournement, les USA sont en train de forcer ASML à ne plus vendre à la Chine, en plus des machines EUV, ses modules DUV. Compte tenu que la Chine est le client le plus important, le Hollandais entre dans une résistance vis-à-vis des Américains. ASML est conscient que s’il quitte le marché chinois, il ne reviendra plus jamais car la Chine va se lancer dans une campagne de rattrapage national, d’abord pour satisfaire les besoins domestiques ensuite pour exporter rapidement et massivement vers les marchés internationaux avec des avantages tarifaires évidents. Les chiffres du premier trimestre montrent que la croissance des ventes vers la Chine, son plus gros client, est passé de 22% à 34%. On comprend qu’ASML ne veut pas commettre un suicide.
Parmi les participants désignés, les entreprises américaines aimeraient disposer du plus gros morceau, le choix est considéré déjà fait par les Américains pour le Japon.
L’Alliance Chip 4 se prépare sous l’énorme pression des USA. Le Japon est déjà à bord, les USA ont fait le choix pour lui. Samsung traine encore le pied. Contraint et forcé, le taiwanais TSMC en fera sûrement partie. L’alignement reste difficile car les conditions pour recevoir la subvention est draconiennes : l’arrêt de l’investissement en Chine dans les 10 ans à venir. Sans parler l’augmentation des coûts significatifs inévitables. Cela présage de la perte de compétitivité des futurs produits.
La mise en œuvre serait longue et semée d’embûches. TSMC commence à goûter ce plan de poisson plein d’arêtes. Les coûts de construction est 6 fois plus chers aux USA, les ressources humaines 30% plus chers. Le fondateur et ex CEO de TMSC, M. Zhang Zhongmou, a dit très clairement l’année dernière que le projet n’était pas réaliste.[17]
Il lui est très difficile de recruter les ingénieurs et les techniciens américains assez disciplinés et résilients. Habitués au confort, les Américains n’acceptent pas les conditions de travail ardues dans la production des chips. TSMC est en train de recruter et former le personnel nécessaire à Taiwan pour les envoyer dans ses usines d’Arizona.
Ils sont placés devant un dilemme : suivre les USA dans un projet « politique » qui manque de rationalité économique ou être punis par l’Oncle Sam.
En tant qu’une nouvelle mesure, les USA envisagent également l’interdiction de la vente des software destinés à la conception des chips (EDA : electronic design automation). [18] C’est un coup très dur pour les Chinois.
Une autre faiblesse stratégique est la lenteur avec laquelle ils préparent et adoptent les lois des innovations. Incapable de se mettre d’accord, ils étaient obligés de sortir les chips pour en faire un Chips & Science Act. Ils ont ainsi perdu deux ans.
Il est prévisible que les USA vont tout faire pour attendre son objectif. Ont-ils les moyens d’y arriver est une autre paire de manche.
Côté Chine, nous avons vu que la stratégie d’inondation porte ses fruits. Ils sont en train d’ouvrir une brèche sur le front des hautes gammes avec les 7 nm.
La Chine a ses défis aussi. Les montants d’investissement, le degré de mobilisation ne sont pas le synonyme de réussite. La maîtrise technologique nécessite beaucoup de temps et d’expérience. Par ailleurs, il faudrait être très vigilant vis-à-vis des opportunistes et des profiteurs de tous sortes qui viennent, sous le prétexte d’innovation et du patriotisme, non pas pour contribuer à la cause mais pour mettre plein leur poche. La désorganisation et l’inefficacité dans l’investissement font partie du souci.
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D’ici 5 à 10 ans, la Chine réaliserait-t-elle son objectif d’autosuffisance concernant les semi-conducteurs à l’instar du développement de la station spatiale ?
Il était une fois ISS
Commencé en 1978, International Space Station était censé être un programme de coopération internationale. L’Agence Européenne, la Russie, l’Allemagne, le Brésil etc. étaient complètement ouverts pour accepter la Chine qui souhaitait ardemment en faisait partie.[19] Mais sans compter sur l’hostilité résolue et systématique des Américains en évoquant les raisons de sécurités de crainte que les technologies pourraient être utilisées à des fins militaires.
Cette attitude a été officialisée dans la loi dite Wolf Amendment[20] passée en 2011 au Congrès US, selon laquelle, il est interdit à NASA d’utiliser de façon directe ou bilatéralement les fonds du Gouvernement US dans les coopérations avec le Gouvernement chinois et les organismes en relation avec ce dernier sauf l’autorisation du FBI et le Congrès. Bien entendu, cette autorisation n’est jamais venue. C’est la même musique que nous avons entendu dans le conflit des chipsets.
La Chine était obligée de compter sur elle-même pour démarrer et réaliser avec succès son programme de station spatiale habitée TIANGONG (Palais Céleste). L’assemblage des 11 parties de la station est en cours et progresse comme prévu. Au-delà du 2024, la seule station opérationnelle dans le ciel sera la sienne. En parallèle, les programmes Lune et Mars s’exécutent également nominalement.
La Chine a réussi son pari malgré et, en partie, grâce à l’interdiction des Américains.
On voit bien que la Chine est capable de se mobiliser en comptant sur ses propres ressources pour se développer malgré la pression extérieure. Les sanctions l’aident à prendre ses décisions et à les exécuter méthodiquement.
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Cela pourrait-il être le cas concernant l’autosuffisance de l’industrie des semi-conducteurs ? Compte tenu de ce que nous avons vu, nous serions tentés d’y répondre par l’affirmatif mais c’est encore trop tôt pour se prononcer car la route est encore longue et semée d’embuches. Les Américains ont encore quelques tours dans leur manche. Ils ne vont pas lâcher de si tôt.
L’Europe : le plan pour redevenir leader mondial des semi-conducteurs
N’oublions pas l’Europe, bien qu’elle produise aujourd’hui moins de 10 % des puces électroniques dans le monde, contre 40 % il y a 30 ans.[21] Elle reste un acteur significatif et est en train de faire des efforts pour revenir.
Dans la liste des actions prioritaires d’ici 5 ans pour l’Europe, le renforcement de l’industrie des chips devrait occuper une place centrale. L’attention et les moyens ne sont pas à mettre sur la relocalisation (découplage) des produits mûrs et banalisés mais sur la préparation et matérialisation des capacités technologiques et industrielles futures dont celles liés aux semi-conducteurs. Pour ce faire, la dimension adéquate est celle de l’Europe.
C’est dans cet état d’esprit que la Commission Européenne a présenté le Chips Act (Plan semi-conducteur) à 43 milliards d’euro. L’Europe a des remarquables capacités technologiques en la matière mais l’important est de produire. «Il est donc impératif d’investir dans nos capacités de production à la fois dans les très grandes usines (baptisées « Mega Fabs ») mais aussi sur l’ensemble de la chaine de valeur. » [22] Ceci afin d’atteindre 20% de production mondiale d’ici 2030. C’est un mouvement important de la part de l’Europe en tant qu’une entité collective à l’instar du Plan Covid.
Les efforts au niveau des pays membres sont en cours également, par exemple, STMicro et GlobalFoundries se sont mis d’accord pour construire une usine de 5,7 milliards d’euros à Grenoble. Un soutien financier important de l’État français est attendu. [23]
Notes
[1] Un chipset ou un jeu de puces est un jeu de composants électroniques inclus dans un circuit intégré préprogrammé, permettant de gérer les flux de données numériques entre le ou les processeur(s), la mémoire et les périphériques. On en trouve dans des appareils électroniques de type micro-ordinateur, console de jeux vidéo, téléphone mobile, appareil photographique numérique, etc (https://fr.wikipedia.org/wiki/Chipset).
[2] nm : nanomètre
[3] ASML est l’un des leaders mondiaux de la fabrication de machines de photolithographie pour l’industrie des semi-conducteurs. ASML est créé en 1984 et basée à Veldhoven aux Pays-Bas. (https://fr.wikipedia.org/wiki/ASML)
[4] Max A. Cherney, Protocol Entreprise, August 2, 2022
[5] New Chips Act Could Become a $280 Billion Boondoggle, Bloomberg, August 1st, 2022
[6] Michael Sinclair, China’s attempts of self-sufficiency in the semiconductor supply line, Source: Transport Intelligence, February 10, 2022
[7] Ridha Loukil, L’UsineNouvelle, 13 Avril 2022
[8] Michael Sinclair, China’s attempts of self-sufficiency in the semiconductor supply line, Source: Transport Intelligence, February 10, 2022
[9] 孙子兵法/军事篇:以迂为直 (Shunzi, “L’Art de la guerre” : contourner au lieu d’attaquer de front)
[10] 半导体工艺与设备(Semiconducteurs : techlonolgies et Equipements), 2021 11 04
[11] PARK SEONG-HUN [lee.hojeong@joongang.co.kr, China turns the table on Korea with low-end chips, Korea JoongAng Daily
[12] Source : South China Morning Post (Hong Kong), cité dans Courrier international, publié le 21 janvier 2022 à 06h34
[13] China’s Share of Global Chip Sales Now Surpasses Taiwan’s, Closing in on Europe’s and Japan’s, Jan 10, 2022, Semiconductor Industry Association
[14] PARK SEONG-HUN [lee.hojeong@joongang.co.kr, China turns the table on Korea with low-end chips, Korea JoongAng Daily
[15] Ridha Loukil, La Chine réalise un incroyable bond en avant dans la production de puces, L’UsineNouvelle, le 27 Juillet 2022
[16] Dylan Martin China seems to have figured out how to make 7nm chips despite US sanctions, Register, Fri 22 July 2022.
[17] SMM News, Zhang Zhongmou complained about the US semiconductor subsidy policy: 50 billion US dollars is not enough to build a complete local supply chain, Oct 28, 2021, Source: Financial Union
[18] Max A. Cherney, Protocol Entreprise, August 2, 2022
[19] https://en.wikipedia.org/wiki/Politics_of_the_International_Space_Station#cite_note-justice1-52
[20] https://en.wikipedia.org/wiki/Wolf_Amendment
[21] Maxence Fabrion (@max_fabrion), Entre l’UE, les États-Unis et la Chine, la guerre des semi-conducteurs a éclaté, Les Numériques, publié le 07/03/22 à 15h00
[22] Commission Européenne, EU Chips Act : le plan de l’Europe pour redevenir leader mondial des semi-conducteurs
[23] Ouest-France avec l’AFP, le 11/07/2022.