<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La grande stratégie de l’Écosse

21 novembre 2024

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La grande stratégie de l’Écosse

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Désormais rattachée au Royaume-Uni, l’Écosse a toujours mené une politique indépendante pour tenter de gagner son indépendance. Géographiquement et culturellement distincte de l’Angleterre, c’est une terre de contrastes et d’histoire. 

Pourquoi écrire une grande stratégie d’une nation qui n’a pas obtenu d’État ni confirmé son indépendance ? Pour trois raisons : d’abord, la grande stratégie n’est pas terminée et personne ne peut assurer que l’Écosse, demain, ne sera pas indépendante ; ensuite, étudier un échec est tout aussi instructif qu’analyser une réussite ; enfin, à cause du rôle prééminent joué par la géographie dans le destin de l’Écosse qui, comme le Portugal, dut faire face à un voisin encombrant, et comme le Portugal chercha une alliance au loin, mais à la différence de ce dernier, ne réussit pas à assurer son indépendance.

Article paru dans la Revue Conflits n°54, dont le dossier est consacré aux ONG, bras armés des États.

Tout commence il y a plus de quatre cents millions d’années. Un continent (le Laurentia) heurte un autre, le Baltica. Ce qui allait devenir l’Écosse se joint à ce qui va devenir l’Angleterre. Le substrat géomorphologique des deux pays est donc très différent. Des roches siluriennes forment les hautes terres du Sud, tout comme d’autres roches sont surélevées pour former les Highlands (hautes terres du Nord), alors aussi élevées que les Alpes actuelles. Entre les deux, les Lowlands, allant de Glasgow à Édimbourg et se poursuivant par une plaine côtière au nord-est jusqu’à Aberdeen. Ainsi comprend-on que l’Écosse ait un relief similaire à celui du Canada ou de la Norvège et bien distinct de celui de l’Angleterre. Le relief écossais accueille ainsi le Ben Nevis, le plus haut sommet de Grande-Bretagne.

La géographie fait l’histoire

Cette géographie va déterminer l’histoire : deux terres de nature fort différente, mais rejointes par un isthme étroit de 160 km. La population reprend ce donné géographique. 70 % des 5,5 M d’Écossais vivent dans la zone centrale, notamment dans les villes : Glasgow (2,8 M), Édimbourg (0,9 M), Stirling, Perth, Dundee, Aberdeen. Si la région de Glasgow a une très forte densité (3 200 h/km²), les Highlands n’atteignent que 8 h/km². Les contrastes géographiques se retrouvent donc également dans la distribution de la population.

L’Écosse est peuplée par quelques populations celtes à partir du viiie siècle av. J.-C. L’histoire « écrite » commence avec la conquête de la Grande-Bretagne en 43 apr. J.-C. : Julius Agricola entre en Écosse vers 79 et y rencontre une résistance farouche. La bataille du Mont Graupius en 83 marque la domination romaine, selon Tacite (le gendre d’Agricola). Si une première série de fortifications (le Gask Ridge) est élevée à l’époque, c’est vers 120 que l’empereur Hadrien fait construire le fameux mur (un des exemples les plus visibles du Limes), entre les estuaires de la Tyne et de la Solway. Vingt ans après, un autre mur (dit d’Antonin) est bâti plus au nord, sur l’isthme (plus étroit) entre Forth et Clyde.

Ainsi, le premier mur est bâti au sud des hautes terres du sud, le second au milieu des Lowlands, à l’endroit le plus étroit de la péninsule. Face à la difficulté de résister aux assauts des peuplades pictes (nom donné par les Romains à la vue des peintures guerrières portées par ces combattants), Marc Aurèle se replie sur le mur d’Hadrien à partir de 164. La Calédonie (autre nom romain) garde dès l’origine son identité. Que ce soit à cause du relief (important, y compris dans les Southern Highlands) ou des populations éparses (difficilement soumises à l’impôt), ce mur d’Hadrien démontre le caractère géopolitique du pays. Les Romains repoussent les incursions des Pictes et créent au ive siècle une province de Valentia entre les deux murs. Elle ne dure guère, car les Romains se retirent rapidement de Grande-Bretagne au début du ve siècle.

Si le substrat calédonien est donc présent dès le début, la construction de l’identité écossaise prit du temps.

Formation d’une conscience écossaise

Les Scots débarquent d’Irlande à partir du ve siècle, les Anglo-Saxons s’établissent sur les rivages orientaux à partir du viie siècle, les Vikings s’installent enfin à la fin du viiie siècle (îles Orcades, Hébrides). La christianisation suit (saint Ninian et surtout saint Colomban). Les petits royaumes guerroient. Les Gaéliques (ou Scots) prennent peu à peu le pas sur les Pictes qui sont assimilés au xe siècle. Un royaume d’Alba[1] se crée : il désigne aujourd’hui encore l’Écosse au Parlement d’Holyrood et occupe tout le territoire au nord des Lowlands.

En 1018, le royaume d’Alba atteint la rivière Tweed qui constitue aujourd’hui encore la frontière sud-est de l’Écosse. C’est l’époque de Duncan Ier et de Macbeth. Déjà se dégage l’un des traits écossais : à peine unie, les querelles internes vont sans cesse permettre l’intervention du voisin anglais (les Écossais n’hésitent pas non plus à intervenir chez le voisin méridional). Une grande stratégie dépend aussi des circonstances, l’une d’elles étant d’avoir une lignée dynastique suffisamment longue pour établir le pays.

La conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant déstabilise l’île. Guillaume s’attaque à l’Écosse dès 1072. Malcom, souverain écossais, se soumet. Mais son mariage avec Marguerite d’Angleterre accroît l’influence de celle-ci. La cour se rapproche des normes européennes et l’Église d’Écosse suit le mouvement en reconnaissant le pape comme autorité supérieure. Saint-Andrews prend son essor comme capitale spirituelle du royaume. Après quelques troubles de succession, David Ier devient roi en 1124. Des villes autonomes sont créées où s’installent Normands, Flamands et Anglais. Mais ces évolutions posent la question de la relation entre Écosse et Angleterre. Henri II Plantagenêt oblige Guillaume Ier d’Écosse à reconnaître la suzeraineté de l’Angleterre sur l’Écosse en 1174. Si cet accord fut annulé en 1189 par Richard Cœur de Lion, c’était la première fois que les deux royaumes étaient juridiquement liés.

La lente unification est dérangée par l’irruption d’un élément extérieur, Guillaume, qui rattache l’ensemble des îles britanniques, Angleterre au premier chef, à une dynamique occidentale. Alors que l’Écosse ne voyait que ses voisins immédiats (Anglais au sud, Norrois au nord-ouest), elle s’intègre dans un mouvement européen. L’alliance avec la France va symboliser cette évolution.

Face à l’Angleterre, l’alliance française et le conflit dynastique

À partir de 1280, la dynastie écossaise n’eut pas de successeur désigné. Édouard Ier d’Angleterre devient l’arbitre et choisit en 1292 Jean Baliol. Celui-ci scelle, en 1295, la Auld Alliance avec la France. Édouard Ier envahit l’Écosse, mais William Wallace (Braveheart) et Andrew de Moray organisent la résistance (batailles de Stirling et de Falkirk). Robert Bruce poursuit la lutte et regagne l’indépendance écossaise (bataille de Bannockburn, 1314). En 1326, le premier Parlement écossais se réunit et deux ans plus tard, l’Angleterre reconnaît l’indépendance écossaise. Mais à la mort de Robert, Édouard III déclenche une deuxième guerre d’indépendance qui dure trente ans. La résistance est menée par Robert Stuart. Le roi David II, pour aider Philippe VI, lance un assaut contre le nord de l’Angleterre, mais se fait capturer et est détenu onze ans à la tour de Londres… Il revient en Écosse, mais David meurt sans héritier : la couronne passe à son neveu Robert, de la famille des Stewart devenue Stuart.

Plusieurs rois se succèdent au début du xve siècle. Jacques IV épouse en 1504 la fille d’Henri VII d’Angleterre, Marguerite Tudor. Mais en 1513, la France demande à l’Écosse d’envahir l’Angleterre. C’est un désastre et le roi meurt. Jacques V rétablit difficilement la situation, mais perd à nouveau contre l’Angleterre en 1542. Il meurt quelques jours plus tard avec pour seule héritière Marie 1re.

Henri VIII veut marier son fils avec la jeune Marie. Par prudence, celle-ci est envoyée en France. Sa mère Marie de Guise reste en Écosse pour veiller à ses intérêts (et ceux de la France). Après avoir occupé Édimbourg, les Anglais se retirent en 1550. Sa fille, mariée à François, est reine de France un an jusqu’à la mort de François II en 1560. Cette année-là, Marie de Guise décède aussi, provoquant de facto la fin de l’Auld Alliance. La veuve Marie rentre l’année suivante en Écosse. Reine catholique d’un pays protestant, elle est considérée avec méfiance. En 1565, elle se marie avec Henri Stuart dont elle a un fils, Jacques. Mais les protestants écossais la forcent à abdiquer et à s’enfuir en Angleterre. Élisabeth 1re, sa cousine, la perçoit comme une menace et la fait emprisonner. Elle sera exécutée dix-huit ans plus tard : tragique destin de celle qui fut à la fois reine de France et reine d’Écosse.

Ces rivalités dynastiques vont se compliquer d’un facteur qui va prendre le dessus : la religion.

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Le presbytérianisme, matrice de l’identité écossaise

La réforme écossaise prend racine au cours de la première moitié du siècle. En 1560, le Parlement entérine, sous l’influence de John Knox, la réforme de l’Église d’Écosse même si le catholicisme reste vivace dans les Highlands. La décision du Parlement porte plutôt sur le dogme et produit la confession de foi écossaise, sans s’intéresser vraiment au fonctionnement de l’Église.

Jacques VI, fils de Marie 1re, est élevé dans la tradition protestante. Après plusieurs années de régence tumultueuses, il prend les rênes du pays en 1583 et réussit à imposer l’autorité royale en Écosse. Il s’occupe surtout de la succession de sa tante Élisabeth. En 1586, il signe avec l’Angleterre le traité de Berwick qui met en place une alliance défensive face à la menace des catholiques, France et surtout Espagne. Si Élisabeth se couvre au nord, Jacques VI pense surtout au trône anglais. À la mort d’Élisabeth en 1603, il est proclamé roi à Londres et devient Jacques Ier. Avec une double couronne, il règne sur les deux pays.

Il souhaite développer l’union personnelle pour créer un royaume unique, mais ce projet rencontre l’opposition des deux pays, pour des raisons surtout religieuses. L’Église d’Angleterre garde une gouvernance épiscopale tandis que l’Église d’Écosse, plus calviniste, s’oriente vers un presbytérianisme. En Écosse, Jacques VI rétablit la hiérarchie épiscopale, malgré l’opposition des presbytériens. À sa mort, il laisse une Église divisée. Ainsi, la question religieuse oppose les protestants entre eux (anglicans contre presbytériens), les deux étant d’accord pour réprimer les catholiques résiduels.

La politique intérieure de répression du catholicisme cause des troubles (conspiration des poudres de Guy Fawkes en 1605). Jacques meurt en 1625, laissant le trône à son fils, Charles Ier. Celui-ci tente d’imposer des livres de prière dans le style anglais, ce qui provoque des émeutes et suscite le mouvement des covenanters.

Charles voulut s’imposer par la force (guerre des Évêques, 1639-1640, puis guerre des Trois Royaumes au cours des années 1640). En Écosse, les covenanters gouvernèrent, levant une puissante armée et imposant leurs pratiques aux épiscopaliens et aux catholiques. Surtout, ils jouent un rôle majeur dans la défaite de Charles à la bataille de Marston Moor (1644). Du côté anglais, Olivier Cromwell prend le contrôle du pays et décide de l’exécution du roi en 1649, malgré l’opposition écossaise (le roi est aussi roi d’Écosse !). Le fils de Charles est proclamé roi d’Écosse à Édimbourg (Charles II) ; Cromwell envahit l’Écosse en 1650 qui est annexée au Commonwealth anglais jusqu’en 1659. Avec la fin de Cromwell, l’Écosse recouvre son roi et son Parlement. Charles II ignore pourtant l’Écosse, se consacrant à Londres, mais voulant comme son père introduire l’épiscopalisme, ce qui suscite une autre rébellion, matée. Il meurt en 1685 et laisse la double couronne à son frère Jacques (II et VII) : mais celui-ci est catholique !

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De l’acte d’union aux jacobites

Jacques II décide une politique pro-française très absolutiste. Il provoque l’hostilité de l’élite religieuse et aristocratique anglaise. En 1688, un groupe de nobles invita Guillaume d’Orange (son neveu, protestant) à débarquer. Jacques II refusa d’engager le conflit (malgré la supériorité de son armée) et s’enfuit en France. Le Parlement considéra que c’était une abdication et confia en 1689 la couronne à sa fille Marie et son époux, désormais Guillaume III. La Glorieuse révolution avait triomphé. Mais Jacques VII a de nombreux soutiens en Écosse, particulièrement dans les Highlands. C’est le début du jacobitisme. Les révoltes jacobites sont rapidement maîtrisées par Guillaume III.

Les tentatives d’autonomie économique (fondation de la Banque d’Écosse en 1695, commerce avec l’Afrique et les Indes, établissements en Amérique) échouent. Les deux royaumes ont des objectifs distincts, parfois contradictoires. En absence de descendant., le Parlement décide que la couronne reviendra à Sophie de Hanovre (act of settlement, 1701). Le pendant écossais (act of security) interdit simplement que le roi ne pourra pas être catholique. Mais Jacques VI Stuart vit toujours en France. En 1690, il a tenté un débarquement en Irlande qui a échoué (bataille de la Boyne). La résistance jacobite perdure. Le Parlement anglais décide alors, malgré les oppositions écossaises, un traité d’union (1706) suivi d’un acte d’union en 1707. Les deux Parlements ratifient le traité et sont dissouts au profit d’un Parlement commun de Grande-Bretagne. La dynastie de Hanovre est confirmée. Les identités distinctes des deux Églises, épiscopalienne en Angleterre, presbytérienne en Écosse, sont garanties. Un droit écossais est maintenu. Le libre-échange est établi entre les deux pays, ce qui est censé ramener la prospérité.

Ainsi, les presbytériens ont paradoxalement poussé en faveur de l’Union afin de sauver leur identité protestante et donc anti-catholique. George Ier de Hanovre devient roi d’Angleterre : sa dynastie règne toujours (sous le nom de Windsor). L’acte d’union est évidemment très controversé en Écosse. Il réveille le jacobitisme (1708, 1715). La dernière révolte jacobite a lieu en 1745 (The Forty-Five). Charles Stuart (Bonnie prince Charlie) débarque dans les Hébrides. Il prend Édimbourg, marche sur l’Angleterre. C’est le pas de trop. Le duc de Cumberland écrase le soulèvement à la bataille de Culloden le 16 avril 1746. Charles s’enfuit en France puis s’exile, oublié. C’est la fin du jacobitisme, malgré quelques nostalgiques. L’Écosse prend un autre chemin.

Révolution industrielle, Lumières écossaises, question sociale

Vainqueurs, les Anglais veulent supprimer la culture traditionnelle écossaise. Cornemuse et tartans sont interdits. De nombreux habitants sont recrutés pour servir l’Empire britannique. La conversion des cultures traditionnelles en prairie à moutons force de nombreux habitants à l’exil : Virginie, les deux Carolines, la nouvelle Écosse au Canada. Les Lowlands connaissent eux aussi une révolution agricole alors que l’industrie se développe dès la fin du xviiie siècle, conduisant à la croissance de Glasgow et Édimbourg. C’est le moment des Lumières écossaises : Adam Smith, David Hume, James Boswell, James Hutton, Lord Kelvin, James Watt, Robert-Louis Stevenson, Robert Burns.

Mais le libre-échange établi par l’acte d’union va permettre une transition économique qui court au long du xviiie siècle avant de prendre toute son ampleur au xixe. Les Lowlands passent à l’industrie lourde (alphabétisation, machinisme). Glasgow croît très vite, devenant après Londres la deuxième cité de l’empire : commerce transatlantique (tabac, coton, sucre), puis produits textiles et sidérurgiques. En 1870, elle produit plus de la moitié du tonnage des ports de Grande-Bretagne et le quart des locomotives du monde. L’industrialisation qui touche surtout les Lowlands (Glasgow, Édimbourg, Stirling, Perth) favorise la constitution d’une classe ouvrière. La question sociale devient désormais prioritaire, bien plus importante que les questions religieuses ou nationales.

Dévolution ou indépendance ?

Cependant, la question écossaise revient toujours. Un Walter Scott, dès le début du xixe siècle, avait redonné leur lustre aux traditions écossaises. Le Scottish National Party (SNP) est fondé en 1934. Il monte en puissance avec le bond pétrolier qui donne une réalité économique à l’idée d’indépendance. Tony Blair propose un nouveau projet de décentralisation (devolution) : le Scotland Act de 1999 permet le retour à Édimbourg du Parlement écossais avec de nouvelles compétences : santé, éducation, tourisme, droit, environnement. Un gouvernement local est dirigé par un First minister. Londres conserve la diplomatie, la défense et les politiques économiques, budgétaires et fiscales.

Les deux premières législatures sont dominées par les travaillistes mais le SNP obtient la majorité relative en 2007 puis absolue en 2011 (puis 2016 et 2021). Le Premier ministre, A. Salmond, organise un référendum sur l’indépendance en 2014, qui est refusée par 55 % des voix. Deux ans plus tard, le Royaume vote pour le Brexit (que les Écossais refusent à 62 %). Malgré les efforts du SNP, il est impossible d’organiser un nouveau référendum sans l’accord de Londres. Le SNP se présente également comme très avancé sur les questions de société. Une loi de 2021 propose ainsi d’interdire les comportements haineux, selon des critères très subjectifs, suscitant une grande opposition (dont l’emblématique J. K. Rowling).

Cette priorité donnée à des questions très engagées, mais peu populaires, ainsi que l’échec de la question de l’indépendance ont conduit au résultat de juillet 2024 lors des élections générales : malgré 45 % des voix, le SNP passe de 47 députés à 9, le Labour de 1 à 37. Au fond, la question sociale a surpassé la question identitaire. Le SNP avait en effet réussi à conjuguer deux frustrations identitaires contemporaines, souvent opposées : celle de l’identité communautaire autour de la question de la souveraineté, usuellement captée par des partis de droite ; celle de l’identité personnelle des minorités, usuellement portée par les partis de gauche.

Au niveau britannique, cela sonne comme la fin du traumatisme du Brexit. Le Labour n’a pas l’intention de revenir dessus même s’il cherchera de meilleures conditions d’échange avec l’Union. Les Écossais eux-mêmes en ont pris leur parti. En revanche, la question des inégalités et du développement est revenue au premier plan.

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Un destin inachevé

Quel étrange destin que celui de l’Écosse. La géographie et l’histoire lui donnaient assez d’atouts pour parvenir à l’indépendance. Les circonstances, des alliances pas toujours bénéfiques ou la question religieuse en ont décidé autrement. L’isolement aussi : être sur une île conduit à être plus souvent seul. Mais cela ne suffit pas à tout expliquer : le Portugal ne dépend que de l’histoire, sa situation géographique est tout aussi compliquée, il a lui aussi subi la domination d’un voisin encombrant (au point d’une union des deux royaumes) et pourtant, il réussit à trouver son indépendance et à la maintenir. La différence tient au rapport à la mer : le Portugal eut le génie de se tourner vers la mer, après avoir construit une alliance extérieure (avec l’Angleterre) : ces deux facteurs lui donnèrent la pérennité. L’Écosse eut une alliance extérieure avec la France : elle fut moins bénéfique. Surtout, elle ne sut pas trouver des relais outre-mer. Ce fut peut-être ce qui lui manqua.

Toutefois, l’histoire est-elle finie, le destin accompli ? Rien n’en préjuge, car la personnalité écossaise est tellement forte qu’elle pourrait, demain, trouver le chemin d’une séparation d’avec le royaume voisin.

[1] À l’origine, Alba désigne l’ensemble de l’île britannique, connue sous le nom de Grande-Bretagne. C’est de là que dérive la fameuse (et bien sûr perfide) Albion.

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À propos de l’auteur
Olivier Kempf

Olivier Kempf

Le général (2S) Olivier Kempf est docteur en science politique et chercheur associé à la FRS. Il est directeur associé du cabinet stratégique La Vigie. Il travaille notamment sur les questions de sécurité en Europe et en Afrique du Nord et sur les questions de stratégie cyber et digitale.

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