<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La France du non

21 mai 2022

Temps de lecture : 2 minutes

Photo :

Abonnement Conflits

La France du non

par

Il existe une France du non, une France « tentée par la rébellion », observe Laurent Greilsamer dans le 1 hebdo (no 376, décembre 2021). Si le vote protestataire concrétise le refus d’une politique, d’autres pratiques et attitudes témoignent aussi d’un refus, celui de contraintes extérieures, du changement, du « progrès » (ou présenté comme tel), révélant des clivages idéologiques et sociaux insoupçonnés. Comment cette « fronde à bas bruit » s’enracine-t-elle dans le territoire ? Peut-on cartographier cette France à contre-courant ? Nous avons tenté l’expérience, le résultat restant évidemment perfectible.

Nous avons recueilli, à l’échelle départementale, des statistiques sur cinq mouvements et attitudes reflétant, selon nous, cette sourde radicalité au cœur de la société française. Nous avons écarté l’important mouvement des « bonnets rouges », trop spécifiquement breton. Par ailleurs, des données statistiques précises sur l’importante grève fondatrice de 1995 nous font malheureusement défaut. Les cinq indicateurs retenus sont les suivants : le mouvement des Gilets jaunes (au 17 novembre 2019) ; le refus du vaccin anti-Covid (janvier 2022) ; le refus des progrès techniques : compteur Linky d’EDF et installations 5G (2020-2021) ; enfin le vote du non au référendum du 20 septembre 1992 sur la ratification du traité de l’Union européenne (Maastricht), qui, le premier, a révélé des lignes de fracture traversant les clivages partisans.

À lire également

L’ordre public à l’épreuve des gilets jaunes

Méthode : la valeur de chaque indicateur détermine une série statistique de 96 individus (= les départements métropolitains) ordonnée en distribution. La discrétisation retenue est celle des seuils naturels observés. On retient cinq classes (d’amplitude et d’effectifs comparables pour chaque critère) allant de très faible à très fort en passant par faible, moyen et fort. À chaque classe est affectée respectivement une note de 1 à 5 (5 pour très fort). Pour chaque département, on cumule les points ainsi obtenus sur les cinq critères. Le minimum théorique est donc 5, le maximum 25, (note maximale de 5 – non très fort – obtenue sur les cinq critères). Plus le total est élevé, plus le non départemental est vigoureux. Les départements sont ensuite classés et cartographiés, selon ce total. Le maximum observé est de 21 points (Bouches-du-Rhône) et le minimum observé 7 (Paris, Mayenne).

Première analyse : en dépit du caractère hétérogène de l’information (des mouvements fragmentés, de nature et d’ampleur variables) semblent se dessiner deux France : l’une plutôt contestataire, par tradition (sud) ou plus récemment (nord, banlieue parisienne) ; l’autre moins frondeuse, peut-être plus ouverte à l’innovation ou plus abritée, plus sereine à coup sûr : l’ouest, le monde rural, Paris. Société de défiance d’un côté, société de confiance de l’autre ? Cette « opposition de substitution à une opposition politique sans grand écho » (Laurent Greilsamer) mériterait bien sûr une analyse approfondie ; la cartographie est alors un des outils à notre disposition.

Indicateurs et sources :

Gilets jaunes (nombre de rassemblements sur giratoire au 17 novembre 2019) : Le Parisien ; blocage17novembre.com

Actes de sabotage des installations 5G (2020-2021) : reporterre.net, gaellesutton.fr.

Taux de non-vaccination anti-Covid (% population vaccinable) : Ameli ; covidtracker ; Santé publique France.

Refus des compteurs Linky (nombre de communes par département) : poal.fr

Vote non au référendum du 20 septembre 1992 : ministère de l’Intérieur.

À lire également

Podcast- Le peuple face aux élites. Eric Anceau

Mots-clefs : ,

À propos de l’auteur
Jean-Marc Holz

Jean-Marc Holz

Jean-Marc Holz est agrégé de géographie, docteur ès sciences économiques, docteur d'Etat ès lettres. Il a enseigné aux universités de Franche-Comté (Besançon) et de Perpignan, comme professeur des universités.

Voir aussi