La Coulée verte, une balade aux mille richesses

7 avril 2024

Temps de lecture : 6 minutes

Photo : Ancien pont ferroviaire de la Promenade plantée franchissant l'avenue Ledru-Rollin. (c) Wikipédia

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La Coulée verte, une balade aux mille richesses

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Ancienne voie de chemin de fer transformée en chemin de promenade, la Coulée verte est l’un des lieux méconnus de Paris. 

Autrefois nommée Promenade plantée, la balade transporte le marcheur dans une végétation luxuriante. La coulée verte offre à l’œil humain un décor loin du désordre et de l’agitation parisienne. Elle est un moment hors du temps, une trouvaille insolite qui offre un parcours de 5 kilomètres de Bastille au bois de Vincennes. 

Genèse de la Coulée verte 

La promenade est créée en 1988 par les architectes Philippe Mathieux et Jacques Vergely, et fait usage des emprises d’une ancienne ligne de chemin de fer désaffectée, qui reliait depuis 1859 la place de la Bastille à la Varenne-Saint-Hilaire. Sa construction a fait l’objet de débats intenses. 

En réalité, le projet émerge dans les années 1970. L’Atelier parisien d’Urbanisme doit en effet penser l’avenir, à la fois de la gare de Paris-Bastille, finalement reconvertie en une salle d’expositions temporaires puis démolie pour laisser place à l’opéra, et du viaduc de la Bastille. Pour ce dernier, l’agencement d’une promenade piétonne est mûrement réfléchi, aux côtés d’autres hypothèses qui apparaissent rapidement irréalistes. 

La réalisation de cette promenade plantée s’impose en 1983 comme l’un des projets essentiels de la ville de Paris. De fait, cinq ans plus tard, les travaux débutent le long de la rue du Sahel. La coulée verte connaît dès lors une forte fréquentation, mais elle sombre progressivement dans l’oubli. Aujourd’hui, ses rares connaisseurs vantent les mérites d’un tel foisonnement verdoyant au sein même de la capitale. 

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L’opéra Bastille : un édifice surprenant 

Nous débutons la promenade à l’Opéra Bastille, qu’il convient d’apprécier en dépit de sa devanture certes peu reluisante au premier abord. Il est l’œuvre de l’architecte canadien-uruguayen Carlos Ott et fut inauguré le 13 juillet 1989, à l’aune du bicentenaire de la Révolution. Il est en outre à intégrer aux politiques de grands travaux pour Paris, souhaités par le président d’alors, François Mitterrand, engendrés par un concours national d’architecture dont la finalité était d’offrir à Paris un « opéra populaire ».  

Il faut dire que le monument ne provoque pas l’émerveillement d’emblée. Toutefois, sa construction originale suscite un certain intérêt. Ce qui saute aux yeux du passant, c’est d’abord la transparence des façades. À la tombée de la nuit, celle-ci offre un spectacle de taille et s’illumine intégralement. Elle donne ainsi à voir un intérieur grandiose, tant par son caractère hypnotique que par son volume prodigieux. 

Le chœur de l’opéra Bastille étonne tant par ses dimensions rocambolesques que par son aptitude à accueillir un nombre de spectateurs jamais égalé : plus de 2 745 places à l’acoustique homogène.  Exécutée en bois de chêne, la grande salle où se produisent chanteurs lyriques et danseurs de ballet retient le coup d’œil. L’opéra Bastille s’impose dès lors comme un théâtre moderne magistral. 

Étapes stupéfiantes et méconnues 

De l’opéra Bastille, on accède à la promenade grâce à la rue de Lyon, mais il est possible de faire un léger détour par les boutiques et ateliers d’artistes abrités par le viaduc. La coulée verte est un itinéraire insolite en deçà ou au-delà de la ville. Une allée centrale s’établit à perte de vue pour le promeneur, scandée de part et d’autre par des tilleuls qui trônent fièrement sur le viaduc des Arts, dont l’architecture admirable vaut le coup d’œil. 

Au cœur du douzième arrondissement, la coulée verte passe au-dessus du boulevard Diderot, réalisée sous le Second Empire en 1853 par le baron Haussmann. La balade est hybride, et allie des jardins aux caractères divergents : le jardin des haies taillées, le jardin blanc, le jardin de treillage, les colonnes de roses… Ces « jardins clos » sont aménagés à espacements réguliers.

La promenade rejoint parfois le niveau de la ville : c’est pourquoi les ponts Ledru Rollin et Diderot ont été objets d’un travail d’aménagement complexe. Les jardins viennent orner ces bâtis édifiés récemment, qui comprennent par ailleurs des monuments culturels du XIXe et XXe siècle sur lesquels l’œil humain peut s’attarder. 

La traversée de Reuilly constitue par ailleurs une étape phare de la Coulée verte. Celle-ci, après avoir franchi le jardin de Reuilly par une passerelle, se poursuit sur l’allée Vivaldi, vers l’Est. Le promeneur peut alors apprécier la vue de jolies haies taillées autour de lui et d’une plate-bande dont la partie centrale concentre une herbe verdoyante. 

La Coulée verte : un foisonnement du street art 

Tout au long de la balade, les marcheurs peuvent apercevoir des œuvres murales de street-artistes, à l’instar de Caroline Laguerre, dont les peintures sont appréciées au niveau du commissariat du 12e arrondissement. L’originalité de son art est due à son intérêt tout particulier pour des thèmes qu’elle présente comme universel et essentiel : la sensibilité et la singularité. 

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Nature à foison et à perte de vue 

La Promenade plantée présente ceci d’original qu’elle offre à découvrir d’autres jardins, dans lesquels il est possible pour le marcheur de faire escale, à l’image du jardin de Reuilly, du square Charles-Péguy, du jardin de la Gare-de-Reuilly ou encore du jardin Hector-Malot. Cela donne à voir un autre visage de la ville des Lumières. En outre, des fontaines agrémentent les beaux jardins qui jonchent le parcours. 

Il s’agit de laisser la liberté à cette végétation qui prolifère, comme l’exprime le jardinier Pascal Closier, même si ce dernier met également en exergue un entretien nécessaire de taille. En fait, les jardins offerts à l’œil des Parisiens ont connu deux périodes. La première était celle d’un maintien de traitements divers pour éviter la prolifération de la végétation. On souhaitait empêcher la démesure d’une nature qui reprend ses droits. 

Aujourd’hui, la biodiversité semble appartenir à la nouvelle donne. Tous les intrants et engrais chimiques sont exclus de cet espace vert. 

Château et bois de Vincennes 

Le bois de Vincennes s’impose comme le premier espace vert de la capitale : il constitue 10% de la surface totale de Paris, et a toujours conservé ses zones forestières, en plus d’abriter des espèces présentes depuis des millénaires. 

Il était le terrain de chasse de prédilection des rois de France, puis s’est affirmé en zone d’entraînement militaire après la Révolution française. Le promeneur peut grimper au sommet de la Butte aux Canons qui servait de point de mire aux artilleurs. Sa configuration actuelle trouve ses sources sous Napoléon III, et ce dernier devient propriété de la cité parisienne à partir de 1860. Entre ses jardins, ses massifs forestiers, ses rivières et ses plans d’eau, le bois de Vincennes constitue l’un des lieux phares de la capitale. 

L’espace compte plus de 500 espèces de plantes sauvages, et devient sujet à la signature de la charte de 2003 qui prône l’aménagement durable du bois, la réhabilitation des paysages, la restauration des milieux naturels et la réduction de la circulation automobile. 

Non loin trône fièrement le château de Vincennes, forteresse dont la construction s’étend du XIVe au XVIIe siècle. À ce jour, il représente le plus grand château fort royal subsistant en France, et la bâtisse est aujourd’hui devenue le siège du service historique de la Défense. La forteresse prend l’apparence d’une cité fortifiée d’ampleur, alors qu’elle n’était à son origine qu’un simple manoir. Dès son édification, le château de Vincennes abrite la famille royale. 

L’édifice relève aujourd’hui à la fois du ministère de la Culture, puisqu’il est classé monument historique en 1993, et du ministère de la Défense. Un vaste programme de rénovation a été entrepris depuis 1988, dans l’objectif de redonner au château la majesté qu’on lui connut. Des travaux de consolidation et de restauration ont été exécutés à la fois sur le donjon, menacé de ruine, et sur la chapelle royale, fragilisée par une tempête d’ampleur en 1999. Les élus locaux, depuis quelques années, entreprennent une politique de développement du mécénat en vue d’accélérer le renouveau du site. 

Le promeneur peut s’attarder à loisir à contempler cette structure grandiose, qui constitue l’une des grandes richesses du patrimoine français, alors même qu’elle est bien trop souvent méconnue et reléguée à l’arrière-plan des sites historiques phares de la ville des Lumières. 

La coulée verte : un incontournable à Paris 

À l’exception des riverains, la coulée verte reste un espace relativement méconnu. Édifiés au-dessus du sol, de la Bastille à Vincennes, les 4,5 kilomètres de promenade sont une source d’extase pour tous ceux qui choisissent d’y mettre les pieds. La promenade qui vous est ainsi proposée s’impose comme une découverte splendide, presque féérique, d’un monde surprenant et verdoyant dans la capitale française. 

Elle offre au regard du parisien comme du touriste une richesse insoupçonnée, et étonne par la diversité de ses paysages, donnant une vue exquise sur les plus beaux lieus de Paris, mais permettant en parallèle au marcheur de s’immerger dans une nature luxuriante qu’il ne croyait possible de parcourir qu’en songe.  De fait, Paris regorge de merveilles, et même les natifs ne soupçonnent pas l’ampleur des ressources, dont la capitale. 

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À propos de l’auteur
Emmanuelle Barbier de La Serre

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