<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La Chine prête pour la nouvelle guerre froide

7 juin 2023

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Le président Xi Jinping lors d'une allocution télévisée C: CHINE NOUVELLE/SIPA

Abonnement Conflits

La Chine prête pour la nouvelle guerre froide

par

Le bras de fer entre la Chine et les États-Unis pour le leadership mondial s’est durci en ce début 2023. De Taïwan à l’Ukraine, toute une série de décisions prouve que Pékin accepte l’épreuve de force, après avoir confirmé ses trois priorités stratégiques pour les trente ans à venir : renforcer l’autorité du pouvoir central, accélérer son réarmement militaire, relancer son économie, affaiblie par les dures années Covid. 

De façon méthodique, les Chinois se sont mis en ordre de bataille pour cette nouvelle guerre froide, totalement assumée. Le pouvoir a d’abord consolidé son autorité, le 10 mars, en renouvelant Xi Jinping, 69 ans, à la présidence du pays, pour un troisième mandat inédit. En octobre 2022, Xi avait déjà été reconduit pour cinq ans à la tête du Parti communiste et à la direction de la commission militaire, les vrais centres nerveux du pouvoir chinois.

Deuxième puissance économique mondiale (17 000 milliards de dollars de PIB, à quelques longueurs encore des 23 000 milliards des États-Unis et des 14 000 milliards de l’Union européenne), la Chine renforce son armée : son budget militaire a doublé en dix ans. Cette année, il augmente encore de 7,1 %. À 293 milliards de dollars par an, il est encore loin de celui des États-Unis (800 milliards), mais il talonne désormais celui de l’UE (313 milliards).

Tout cela va de pair avec le renforcement de l’activisme chinois dans le monde, ancré sur une idéologie autoritaire décomplexée qui séduit de nombreux pays. L’objectif de Pékin est de peser dans le monde, en réaffirmant la centralité de la Chine, pour mieux contrecarrer les efforts d’endiguement des États-Unis. Ses initiatives diplomatiques visent notamment l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique. Tout montre que la Chine veut affaiblir le front des démocraties occidentales. Plusieurs documents de prospective publiés à Pékin en février et en mars éclairent la ligne de conduite chinoise. La Chine rappelle au monde son opposition à « toutes les formes d’hégémonisme » et propose un « nouveau modèle de relations d’État à État caractérisé par le dialogue et le partenariat ». Les pays méfiants ou hostiles aux diktats moraux de l’Amérique écoutent avec intérêt cette approche multipolaire, dans laquelle réapparaît la logique de blocs de la guerre froide, opposant les démocraties occidentales aux régimes autoritaires. 

À lire également 

Chine / Etats-Unis : qui dominera le monde ? 

Partout, la Chine est à l’offensive pour bousculer la stratégie d’isolement de Washington. Dans le cadre de son fort activisme diplomatique – passé un peu inaperçu en Europe –, Pékin a ainsi accueilli le chancelier allemand Olaf Scholz, en dépit des réserves exprimées à Bruxelles et Washington. La Chine cherche l’appui de la puissance industrielle allemande, poids lourd de l’OCDE, avec un objectif : desserrer le carcan des sanctions économiques américaines qui menacent certaines productions chinoises sensibles (comme les semi-conducteurs). C’est aussi une façon indirecte de fragiliser l’unité de l’UE, toujours alignée sur les États-Unis.

La Chine a obtenu un autre succès, le 10 mars, avec la signature à Pékin du rétablissement des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Cet accord a mis un terme à sept années d’un conflit opposant deux de ses clients et fournisseurs. Tout n’est pas encore réglé, mais les Chinois ont clairement marqué un point, en torpillant l’agenda régional américain. L’Amérique a accusé le coup, comme en Ukraine où la Chine se présente en facteur d’équilibre et de paix, à l’inverse du bellicisme prêté à l’Amérique et à l’UE. En refusant de condamner Moscou et d’accepter les sanctions contre la Russie, Pékin a clairement choisi son camp : Moscou contre l’axe Kiev-Washington-Bruxelles. C’est ce qu’a confirmé la visite de « partenariat stratégique » à Moscou de Xi Jinping, du 20 au 23 mars. Le ralliement de Poutine au yuan chinois, vanté comme une monnaie alternative au dollar américain, la poursuite des exercices militaires russo-chinois et la livraison probable de composants militaires sensibles à la Russie confirment cet appui. Pékin et Moscou ont su rallier les deux tiers des pays de la planète. Les experts de plateaux TV qui rêvaient de dissocier la Chine de la Russie en ont avalé leur micro.

À lire également

Taïwan : Washington réussira-t-il à pousser Pékin à la faute ?

À propos de l’auteur
Frédéric Pons

Frédéric Pons

Journaliste, professeur à l'ESM Saint-Cyr et conférencier.

Voir aussi