<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> L’échange, fondement de l’économie

30 janvier 2021

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Photo : Le ras-le-bol des restaurateurs dont l'activité est suspendue à cause de la crise sanitaire. (c) Sipa 00995879_000007

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L’échange, fondement de l’économie

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Le confinement a démontré par l’absurde que l’échange est essentiel au fonctionnement de l’économie. Les entreprises françaises sont toutes insérées dans la mondialisation, pour leur vente ou leur approvisionnement, et ne peuvent donc durablement se couper du monde.

Le confinement pratiqué par certains gouvernements a plongé l’économie de leurs pays dans une récession lourde dont les effets néfastes se manifesteront au cours des mois à venir. Entre les faillites d’entreprises, la dette abyssale et les maladies générées par l’enfermement, le remède aura été pire que le mal. Le confinement a été une grande leçon d’économie politique en tranchant de façon définitive le débat entre Keynes et Rueff au bénéfice de ce dernier. C’est bien l’échange qui fait l’économie et qui crée la richesse, non la production et la consommation. Le confinement ne nous a pas empêchés de consommer, il n’a pas détruit l’appareil productif, mais en interdisant l’échange, matériel ou immatériel, il a vitrifié le tissu économique. Or l’économie est un écosystème. L’arrêt du tourisme international menace les boutiques Hermès de Courchevel et de Saint-Tropez, et donc l’ensemble de l’artisanat français, de Limoges pour le cuir ou de Lyon pour les soieries. La fermeture des restaurants entraîne certes la faillite de ces établissements, mais aussi de toute l’économie pour qui les tables sont des débouchés : producteurs de volailles et de légumes, viticulteurs, arts de la table, compagnies d’assurance, gestionnaires immobiliers, etc. L’arrêt des aéroports ne menace pas que les compagnies aériennes, mais aussi les fabricants d’avions et leurs sous-traitants, les boutiques et leurs producteurs, les avocats, les entreprises de services de restauration et de nettoyage. La déflagration touche des secteurs vastes et multiples et pénalise les pays jusque dans leurs profondeurs. Sans compter l’enseignement supérieur, universités et écoles de commerce, qui a bien du mal à faire croire que les cours en ligne sont équivalents aux cours en amphi, sauf à délivrer des cours indigents et creux aux étudiants, ce qui n’est bien évidemment jamais le cas.

Raisons pour lesquelles les aides ponctuelles sont inutiles, car elles ne permettent pas de relancer cet écosystème empêché. La meilleure façon d’aider une entreprise est de lui permettre de travailler et de diminuer ses charges, non de lui faire une transfusion sanguine après l’avoir poignardée. Inefficace sur le plan médical et dévastateur sur le plan économique, le confinement généralisé a mis l’Europe à genoux. Les pays développés d’Asie ayant choisi une autre voie, sans confinement, ils font montre d’un dynamisme qui risque de relayer l’Europe au loin et pour longtemps. Professeur de médecine à Harvard, le Dr. Martin Kulldorff a initié la déclaration de Great Barrington qui préconise une protection ciblée sur les personnes fragiles et la liberté de travail et de mouvement pour les personnes qui ne sont pas à risque. Cela permet non seulement d’éviter de détruire une économie, mais protège aussi de l’ensemble des dégâts collatéraux causés par le confinement, comme l’accroissement des morts pour maladies non traitées et non soignées et des troubles psychologiques. Ce confinement ressemble à un grand suicide de l’Europe où chaque gouvernement a imité l’autre dans le pire. Les libertés fondamentales, qui faisaient l’orgueil de l’Europe, ont été sabordées ; la démocratie, qui faisait notre spécificité, a été foulée, les gouvernements prenant des mesures restrictives sans passer par les parlements et sans écouter les peuples. Les conséquences géopolitiques seront immenses et non encore perçues. Comment prétendre imposer notre droit et notre système politique si nous ne le respectons pas nous-mêmes ? Comment prétendre à la spécificité mondiale après être descendu si bas ? Notre défaite face à l’épidémie a été la conséquence d’une défaite intellectuelle et spirituelle amorcée de longue date. L’autoritarisme des mesures et la peur sans cesse agitée sont l’aboutissement d’un délitement du politique et du respect de la personne, toutes choses qui font la spécificité et la nature même de l’Europe. Nous avons perdu parce que nous étions déjà vaincus et, comme en 1870, la défaite intellectuelle a précédé la défaite politique. Il ne peut pas y avoir de grands pays sans puissance économique et sans entreprises innovantes et performantes, appuyées sur un dense réseau de PME locales. Après la terre brûlée du confinement, il est urgent de recréer une intelligence territoriale.

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À propos de l’auteur
Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Docteur en histoire économique (Sorbonne-Université), professeur de géopolitique et d'économie politique à l'Institut Albert le Grand. Rédacteur en chef de Conflits.

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