Trop oubliée en France en dépit de liens culturels forts, l’Italie est une des grandes puissances industrielles et pharmaceutiques européennes. Son tissu de PME et de grands groupes, situé notamment dans le Latium, lui donne une puissance économique de premier plan.
L’industrie pharmaceutique italienne est un secteur très avancé au niveau technologique et occupe la position de leader au niveau européen. Par rapport aux autres secteurs industriels (y compris ceux de moyenne/haute technologie, tels que les véhicules automobiles et les équipements électriques), le secteur pharmaceutique se caractérise par une valeur ajoutée par salarié plus élevée (+ 118 % par rapport à la moyenne manufacturière), des investissements plus élevés par salarié (+ 313 %) et une forte propension à exporter (+ 246 %). 80 % de la production franchit les frontières nationales (contre 46 % de la moyenne manufacturière) et les entreprises à capitaux italiens réalisent plus de 70 % de leurs ventes à l’étranger.
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Le secteur compte 66 500 salariés, dont 81 % ont moins de 35 ans. Et ce secteur recrute : au cours des deux dernières années, il a dépassé les + 1,3 % de la moyenne manufacturière, avec 4,5 % d’embauches en plus par an. En ajoutant les travailleurs employés par la chaîne d’approvisionnement (ceux qui travaillent dans la distribution et dans les pharmacies), on compte environ 250 000 emplois.
En 2019, l’industrie pharmaceutique italienne a généré une production de 33 milliards d’euros dont 25 milliards d’exportations, avec une croissance de 28 % par rapport à 2018, et un solde commercial de 4 milliards. Le secteur a enregistré la plus forte hausse d’exportations de produits pharmaceutiques au sein des pays de l’UE au cours des dix dernières années (107 % au total contre 74 %). Un volume d’exportation qui a été multiplié par 15 entre 1991 et 2019. Ses principaux clients sont les États-Unis (+ 22,3 %), l’Allemagne (+ 6,8 %), la France (+ 7,5 %), la Belgique (+ 20,2 %) et la Turquie (+ 36,6 %).
Une activité d’excellence
Une excellence italienne acquise notamment dans les biotechnologies et les médicaments biotech (trois thérapies avancées sur six autorisées en Europe sont issues de la recherche et du développement italiens). Sans oublier la recherche sur les maladies rares (25 % des études cliniques italiennes) et les vaccins. La crise liée à la pandémie de Covid-19 a poussé davantage les entreprises à augmenter leurs investissements en recherche et développement (R&D). Dans le domaine de la technologie médicale (secteur technologique le plus actif jamais vu au sein de l’Office européen des brevets), les inventeurs italiens ont déposé 6 % de demandes de brevet en plus qu’en 2019, dépassant nettement l’augmentation moyenne européenne de 2,6 %. La R&D emploie 6 400 personnes, dont plus de la moitié sont des femmes. Avec 3 milliards investis et une valeur ajoutée directe et indirecte de 17,5 milliards d’euros, l’industrie pharmaceutique est troisième en Italie parmi les secteurs manufacturiers pour les investissements en R&D. Ces derniers ont augmenté de 22 % au cours des cinq dernières années, plus que la moyenne des autres pays européens (16 %). Quant aux études cliniques, une sur cinq dans l’UE est réalisée dans notre pays grâce aux nombreuses excellences hospitalières, aux médecins et à tous les professionnels de santé. Les investissements des sociétés pharmaceutiques dans les essais cliniques s’élèvent à 700 millions par an, parmi les contributions les plus élevées au système national de recherche.
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La région du Latium, cœur battant de l’industrie pharmaceutique italienne
Le Latium occupe la deuxième position en Italie pour nombre de chercheurs avec 1 125 personnes et des investissements en R&D qui touchent les 300 millions d’euros : ces chiffres ont permis à la région de consolider la première position comme exportateur de médicaments dans le pays.
L’innovation, la recherche, l’embauche des jeunes talents et une forte présence de femmes sont les atouts de cette industrie en plein essor. La région n’arrête pas d’enregistrer une progression des investissements qui se traduit par des chiffres gagnants : + 50 % sur les exportations pharmaceutiques sur la période janvier-septembre 2019 (par rapport à la même période en 2018). Et si – comme on l’a déjà souligné – l’Italie dans son ensemble domine le marché européen du médicament, 42 % du total des exportations partent du Latium, plus en détail de Latina (80 %), Rieti (69 %) et Frosinone (56 %).
Il est donc très pertinent d’affirmer que la visibilité internationale de l’industrie pharmaceutique italienne est liée au rôle très important que joue la région du Latium. Tout d’abord citons l’institut Spallanzani de Rome, excellence nationale pour les maladies invectives : c’est ici que la Covid-19 a été isolé au début 2020. Ensuite, le développement du vaccin AstraZeneca, produit par ce laboratoire d’Oxford en partenariat avec la société IRBM de Pomezia, spécialisée dans le traitement des adénovirus affaiblis destinés à être utilisés comme vecteurs pour introduire des protéines virales dans l’organisme capables de stimuler la réaction immunitaire. En outre, la région du Latium a signé un accord pour la production du vaccin russe Spoutnik, en phase de test en attendant le feu vert de la part de l’EMA.
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Enfin, le pays est bien déterminé à se doter de son propre vaccin. L’Italie a en effet déjà entamé le développement d’un vaccin découvert par la société Takis, jeune start-up italienne basée au sud de Rome. Takis, dirigé par le PDG et directeur scientifique Luigi Aurisicchio, vise à tester son vaccin à base d’ADN à l’automne. La petite entreprise, qui compte 25 employés et a réalisé un chiffre d’affaires de 2,2 millions de dollars en 2018, a été fondée en 2009 par un groupe de biologistes et de chercheurs de la division R&D du géant pharmaceutique Merck & Co. Takis a commencé son activité dans le secteur du développement des vaccins et des thérapies pour le cancer, grâce à l’expérience de ses fondateurs dans la thérapie génique et l’oncologie. Avant de concentrer ses efforts sur la Covid-19, la société était en négociations avec les régulateurs pour commencer des essais cliniques pour un vaccin personnalisé contre le cancer – basé sur l’ADN et l’ARN extrait de la tumeur d’un seul patient – qui empêcherait la tumeur identifiée de revenir. Grâce à Takis et à l’ensemble de son tissu entrepreneurial, la région du Latium est devenue l’épicentre de la production, de l’exportation et de l’avancée nationale dans la production des vaccins et médicaments.
L’industrie pharmaceutique du Latium se caractérise donc par une intense activité innovante, une base de production bien établie et un grand nombre d’entreprises, qui pèsent 15,4 % du total national et représentent 61,8 % des entreprises du secteur opérant dans le centre de l’Italie. Le secteur pharmaceutique du Latium est formé en grande partie par des petites et moyennes réalités entrepreneuriales avec une moyenne d’environ 120 employés et un coût moyen du personnel d’environ 786 993 euros.