<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Israël : frontières mentales et murs anthropologiques

24 janvier 2024

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Israël : frontières mentales et murs anthropologiques

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Aucun autre État moderne que l’État hébreu n’a d’abord été pensé. L’Israël contemporain naquit d’une idée, le sionisme. Tout au long de sa construction et jusqu’à aujourd’hui, les Juifs voulurent une correspondance avec les frontières bibliques et davidiques. Cette projection des frontières ne pouvait que s’opposer aux Arabes de Palestine qui habitaient cette terre et aux autres voisins arabes. Mais après l’attaque du 7 octobre, le terme de frontières est insuffisant. La tuerie a achevé de bâtir un mur anthropologique entre Israéliens et les Arabes.

Article paru dans le numéro 49 de janvier 2024 – Israël. La guerre sans fin.

Lorsque Titus détruisit le Temple en 70 après le Christ, les Juifs privés de leurs grands-prêtres fuirent dans toutes les régions de l’Empire romain. 1 800 ans durant, ils se transmirent l’impérissable espoir d’un retour et priaient pour se retrouver « l’an prochain à Jérusalem » à chaque fête de Pessa’h (fête de l’Exode hors d’Égypte). Leurs supplications demandaient de recouvrir l’« Eretz Israël », le « Grand Israël », Terre promise par Dieu à son peuple. Bibliquement, il devait s’étendre du Sud Liban actuel au sud du Néguev, et dépassait l’est de la Mer morte.

À la dimension culturelle et politique de retrouver la terre d’Israël, s’ajoutait un élément eschatologique fondamental. Le rabbin Maïmonide, qui vécut dans le sultanat ayyoubide du XIIe siècle, avait annoncé que « les Temps messianiques auront lieu lorsque les Juifs regagneront leur indépendance et retourneront tous en terre d’Israël[1] ».

Dans son « Atlas d’Israël », Frédéric Encel explique que les frontières partagées mentalement par tous les Juifs regroupent au territoire le plus réduit les possessions historiques des Hébreux depuis la conquête de Canaan par Josué, et toutes les promesses divines du Pentateuque. Elles enlaceraient Jérusalem, la Judée, la Samarie, la Galilée, le nord du Néguev et la vallée du Jourdain.

Plus élargi, le Grand Israël peut aussi correspondre aux limites du royaume de David et aux terres qui lui étaient soumises au Xe siècle avant le Christ. Il s’étendait sur tout l’Israël actuel, excepté le désert du Néguev, la côte au nord de Haïfa (appartenant aux Phéniciens), et la région de Tel-Aviv (régie par les Philistins). En revanche, il englobait des terres n’appartenant pas à l’État hébreu aujourd’hui : l’extrémité orientale du Sinaï, les territoires sur la rive gauche du Jourdain, appartenant à l’actuelle Jordanie, le sud de la bande de Gaza, la totalité de la Cisjordanie qui était le cœur du royaume. Les hauteurs du Golan n’appartenaient pas au royaume de David, mais lui étaient soumises.

Fondements et naissance du sionisme

Beaucoup de Juifs durent quitter Constantinople lorsque Mehmed II prit la cité en 1453. Puis ils furent aussi chassés d’Espagne (1492) et du Portugal (1497) avec les musulmans. Un certain nombre d’entre eux s’installa dans les lieux saints de Jérusalem, Safed, Tibériade et Hébron, préférant le gouvernement des Mamelouks à d’autres royaumes d’Europe. L’ancienne Judée passa finalement aux Ottomans jusqu’en 1917.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’espoir d’un retour dans la terre biblique ne vacillait pas, mais la préoccupation première des Juifs était ailleurs. Le sionisme ne gagna en popularité qu’avec la montée des nationalismes en Europe, l’intensification des pogroms et la détestation plus menaçante du Juif. C’est dans la Russie tsariste de 1881 que naquit la première organisation sioniste, les Amants de Sion. Diffusant l’idée du sionisme dans les communautés juives , elle créa surtout un fonds pour acheter des terres en Palestine en vue d’y établir des immigrants juifs.

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Le sionisme prit une force toute différente avec le militantisme de Theodor Herzl. Né à Vienne en 1860, docteur en droit puis journaliste à Paris, ses années parisiennes et l’affaire Dreyfus (1895) éveillèrent violemment sa conviction sioniste. En 1896, il publia en plusieurs langues L’État Juif qui eut un retentissement énorme. Dans son ouvrage, Theodor Herzl définissait trois piliers au sionisme : l’existence spécifique du peuple juif, l’impossibilité de son assimilation par d’autres peuples, d’où la nécessité de créer un État particulier, qui prenne en charge le destin de ce peuple. Il exposait aussi des idées concrètes pour le rétablissement des Juifs dans la Palestine ottomane. L’année suivante, les sionistes se retrouvèrent à Bâle et s’entendirent sur l’objectif et les moyens de créer un État juif.

Toutes les communautés juives n’étaient pas convaincues par le sionisme. Certaines y trouvaient une raison religieuse, ne voulant pas accélérer les temps messianiques. D’autres étaient plus politiques. Ce fut le cas du Bund, un groupe russe socialiste, qui considérait qu’un individu se définit par sa place dans le système de production d’un pays.

Le nouveau mouvement sioniste commença une infatigable campagne d’influence auprès des décideurs politiques. Dès 1903, Herzl remporta un premier succès en obtenant une lettre officielle du Foreign Office britannique qui acceptait un accord sur la création d’une colonie juive sous administration juive en Palestine. Son décès l’année suivante ne freina pas l’action de l’Organisation sioniste qui poursuivit l’œuvre avec autant de dynamisme.

Organiser l’immigration massive

La terrible guerre que se menèrent les puissances d’Europe fut déterminante dans la création de l’État d’Israël. Britanniques et Français étaient déployés au Levant pour ravir l’une des pièces maîtresses de la Turquie ottomane, alliée des Allemands. L’épopée de Lawrence d’Arabie devait soulever les tribus arabes contre les Turcs avec la promesse que le Royaume-Uni soutiendrait la création d’un grand royaume arabe. En 1916, les Français et les Anglais s’accordèrent sur un plan de partage, le fameux accord Sykes-Picot, qui offrait le Liban et la Syrie à l’administration parisienne, la Palestine et l’Irak à celle de Londres. Pour le Royaume-Uni, cette région était le verrou vers l’Inde. Ainsi les Britanniques se portaient-ils volontaires pour assumer le futur guêpier de la question israélo-palestinienne.

En 1917, les États-Unis hésitaient à s’investir dans la guerre. La Grande-Bretagne cherchait à rallier son puissant partenaire. Les sionistes, très influents en Amérique par les ressorts de la communauté juive, pouvaient participer à obtenir le soutien de Washington. Pour s’en assurer, les Alliés acceptèrent la création d’un foyer juif en Palestine. Paul Cambon reconnut d’abord l’idée. Mais, c’est l’écrit de lord Balfour que l’histoire retint. Dans un billet ouvert adressé à lord Rothschild, personnalité éminente de la communauté juive à Londres et financier du mouvement sioniste, le secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères annonça que « Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour les Juifs et fera tout ce qui est en son pouvoir pour faciliter la réalisation de cet objectif […] ».

Les Arabes réagirent mal dans l’ensemble, bien que certains vissent favorablement l’arrivée nombreuse des Juifs. Plusieurs membres de l’élite locale pensaient que les Juifs fourniraient les forces intellectuelles nécessaires à l’élan des Arabes vers la modernité.

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Une fois les puissances centrales vaincues, les Alliés organisèrent une conférence de la paix à Paris en janvier 1919. Se retrouvèrent notamment les Arabes et les Juifs, chacun apportant ses revendications. Le nouveau président de l’Organisation sioniste, Chaïm Weizmann, revendiqua un territoire se référant à l’Israël de David. Le choix des sionistes était posé, ils voulaient retrouver les frontières de l’Israël biblique, mais aussi, par pragmatisme, les façades maritimes, les fleuves et les sources (notamment dans le Golan). Fayçal, fils du chérif de la Mecque, venait chercher son dû, promis par les Britanniques. Ce dernier avait organisé le soulèvement des tribus arabes contre les Ottomans durant la guerre pour soutenir l’effort des Alliés au Levant, en l’échange de la création d’un royaume arabe. Un accord de principe entre Fayçal et Weizmann fut conclu. Il reconnaissait la création d’un foyer national juif sur la terre de Palestine qui serait détaché du royaume arabe, à la stricte condition que les Britanniques honorassent leur promesse faite aux Arabes. Ils y manquèrent, et l’accord demeura lettre morte.

Complications et naissance de l’État d’Israël

Les revendications de Chaïm Weizmann voulaient précisément réaliser l’Israël biblique, territoire de projection. Ils avaient le temps pour eux et le soutien du Mouvement sioniste ainsi que des Britanniques dont ils pressaient les ministères. Les pionniers juifs suivirent des choix pragmatiques. Les Arabes habitant les territoires montagneux et agricoles du centre de la Palestine, plus salubres, les Juifs s’installèrent dans les vallées côtières et aux périphéries. L’échec de la création d’un royaume rendit les Arabes hermétiques à l’immigration juive massive. Le mandat britannique accentuait leur sentiment de dépossession après avoir été abusé. Les premières émeutes antijuives éclatèrent à Jaffa en 1920 et un massacre à Hébron en 1929 effraya Londres. Le sionisme devait être sacrifié pour conserver le mandat en Palestine si stratégique. La Grande-Bretagne chercha donc à réduire drastiquement l’immigration juive. Mais les Hébreux portés par leur projet national développaient à grande vitesse leurs colonies. En 1936, les Arabes se soulevèrent massivement contre la présence des Juifs et des Britanniques. En retour, les Hébreux déclenchèrent l’opération Homa Oumigdal (« murailles et tours »). En une nuit, une nouvelle implantation naissait par surprise. De 1936 à 1939, 51 nouvelles localités juives naquirent de cette manière. Cette audacieuse entreprise ne pouvait qu’envenimer la situation. Dépassés, les Britanniques cherchèrent une solution.

Le plan Peel envisagea de donner tout le sud de la Palestine aux Arabes : littoral de Gaza et désert du Néguev, ainsi que la Samarie, les villes de Tel-Aviv et Jaffa et presque l’essentiel de la vallée du Jourdain. Les Juifs obtenaient le littoral d’Ashdod à Jaffa puis de Tel-Aviv au Liban, en plus du nord de la Palestine. La zone centrale englobant Jérusalem, Bethléem, Ramallah, Ramla devait rester sous mandat britannique. Des factions juives et arabes refusèrent le plan et Londres plancha sur une seconde solution. Reprenant les fondements du plan Peel, la haute Galilée (triangle Acre-Nazareth-Safed) devenait un territoire arabe, tout comme le littoral d’Ashdod. Le littoral de Tel-Aviv-Jaffa devait passer sous contrôle britannique. Là encore, toute idée de partage était vaine. Les Arabes refusaient toute amputation de leur territoire, et les Juifs ne pouvaient abandonner leur projection de ce que devait être le Grand Israël.

Ensablée dans une Palestine en insurrection, Londres décida de se retirer et de confier la situation à l’ONU. La guerre civile éclata entre Juifs et Arabes. La Haganah, organisation de défense des Juifs, prit le dessus et de nombreux Arabes furent poussés à l’exil. L’ONU proposa un plan de partage en 1947 qui satisfit les Juifs et le 14 mai 1948, David Ben Gourion proclama l’indépendance d’Israël pour entériner la partition de la Palestine. Une partie de l’Israël était retrouvée, mais la Cisjordanie, cœur du royaume de David, n’avait toujours pas été obtenue et les ressources en eau étaient insuffisantes.

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De la représentation à la frontière : réaliser l’Israël biblique

Au lendemain de la proclamation d’indépendance, une coalition formée par l’Égypte, la Syrie, la Jordanie, l’Irak et le Liban attaqua le nouvel État d’Israël. Remportant les premières victoires et occupant plusieurs territoires dans le Néguev et à Jérusalem, les armées arabes furent cependant vaincues malgré leur supériorité numérique. Les Juifs, motivés par la foi d’accomplir Israël, surent utiliser à leur avantage les attaques éclair combinant blindés et aviation. Les armistices furent signés de janvier à juillet 1949.

Cette guerre fut coûteuse. 5 800 soldats israéliens trouvèrent la mort contre 17 000 Arabes, majoritairement palestiniens. Près de 900 000 Palestiniens se réfugièrent dans des camps dans les États voisins. Ces arrivées massives devaient générer de graves troubles, notamment au Liban.

En quelques semaines de guerre, Israël s’était agrandi, obtenant la partie occidentale du Néguev, le littoral de Gaza à Jaffa, le nord de la Galilée, et la partie occidentale et méridionale de la Cisjordanie jusqu’à Jérusalem. La Transjordanie annexa la Cisjordanie, et l’Égypte prit le contrôle de la bande de Gaza.

Un recensement ottoman en 1880 dénombrait 450 000 Arabes vivant dans le vilayet de Palestine. Sans avoir de conscience nationale, ils partageaient une identité locale que l’immigration massive des Hébreux renforça. Les Juifs l’avaient compris, l’affirmation de l’État d’Israël allait nécessairement fortifier l’identité palestinienne, voire lui permettre de prendre une dimension nationale. Ainsi, deux courants sionistes s’opposaient au lendemain de la proclamation d’Israël. D’un côté, les héritiers d’Ahad Adam (1856-1927) défendaient un petit nombre de Juifs éclairant la diaspora depuis Jérusalem, sur le principe d’un sionisme culturel. Ils se retrouvaient majoritairement au sein du Parti travailliste dirigé par Ben Gourion. L’autre bord voulait une Palestine avant tout juive et soutenait le nationaliste Vladimir Jabotinsky.

Extension de l’État

Après 1948, les Israéliens menèrent une stratégie des kibboutz pour étendre les limites du nouvel État. Confinés sur la bande côtière, ils manquaient de profondeur stratégique. En cas d’attaque, les Juifs risquaient de se retrouver bloqués dos au mur de la mer. Le blocus du détroit de Tiran fut une occasion rêvée d’attaquer pour agrandir les frontières. En juin 1967, Israël lança ses troupes de tous côtés. En six jours, le Golan, le Sinaï, la Cisjordanie et Gaza étaient conquis. Les Juifs réalisaient leur rêve de regagner leurs frontières bibliques.

Le doute devait les rattraper. En octobre 1973, alors qu’ils célébraient la fête du Yom Kippour, dédiée à l’expiation des péchés, la Syrie et l’Égypte les attaquèrent conjointement. Totalement surpris, Israël repoussa finalement les armées arabes en quelques jours après un passage dans une phase critique. Cette guerre marqua profondément les esprits et rebattait les cartes politiques et stratégiques.

La guerre de 1967 avait revigoré la droite. En septembre 1973, le Likoud, parti de droite nationaliste, était créé. Après la guerre du Kippour (octobre 1973), les Juifs avaient compris que leur État n’était pas un acquis auprès des Arabes et ils se savaient toujours en guerre. Cette prise de conscience affaiblit les travaillistes. En 1977, le Likoud emporté par Menahem Begin gagna les élections. Cherchant à paraître les plus pacifistes possibles, les travaillistes avaient limité la colonisation à la vallée du Jourdain. Dans un état d’esprit conquérant, les nationalistes étaient ambitieux de travailler au Grand Israël. Le Likoud mit à exécution le plan Drobless qui organisa de déploiement massif de Juifs dans toute la Cisjordanie et la bande de Gaza.

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1978 marqua une nouvelle ère. Craignant les bouillonnements dont elle connaissait les conséquences, l’Égypte voulut normaliser ses relations avec l’État hébreu. Sadate et Menahem Begin se retrouvèrent à Camp-David, lieu de villégiature des présidents américains. Les discussions furent houleuses, Sadate craignait de passer pour un traître aux yeux des Arabes, et Begin ne voulait rien céder aux Palestiniens. Un premier accord posa les principes de discussions sur le sort de Cisjordanie et de Gaza vers leur autonomie. Un deuxième document fut signé en 1979 où Israël s’engagea à rendre le Sinaï à l’Égypte, ce qu’il fit en 1981, en contrepartie d’une liberté de circulation à Suez et dans le détroit de Tiran. Ces accords provoquèrent un tollé tel que Sadate fut assassiné en 1981. Mais le président égyptien avait initié au prix de sa vie un mouvement que les États arabes désiraient prendre. La cause palestinienne les épuisait, les frontières d’Israël existaient de fait, il fallait temporiser.

Protéger le nord

En 1982, le Liban plongeait dans une guerre civile et Israël intervint. L’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), fondée en 1960 et dirigée depuis 1969 par Yasser Arafat, s’était réfugiée au Liban après avoir échoué à s’implanter en Jordanie. Les combats avaient été particulièrement violents et le voisin à l’est d’Israël montra que la cause palestinienne ne l’intéressait pas. Il préférait la stabilité. Le pays du cèdre avait été gravement déstabilisé par les réfugiés palestiniens établis au sud et une guerre civile avait éclaté. La situation se traduisait par des conflits sur la frontière nord de l’État hébreu. En juin 1982, Israël déclencha l’opération « paix en Galilée » et Tsahal assiégea Beyrouth. En réaction, des chiites s’organisèrent en créant une milice armée, le Hezbollah. L’armée israélienne occupa le pays jusqu’en 2000 et le quitta en faisant officiellement du Golan un territoire israélien. Une décision rejetée par l’ONU, mais reconnue par les États-Unis de Donald Trump en 2019.

Intifada

Conscients qu’ils étaient de moins en moins soutenus, les Palestiniens prirent une décision qui éprouva durement l’État hébreu. Ils déclenchèrent une insurrection populaire permanente à Gaza puis en Cisjordanie. Ce fut la première intifada (1987-1993).

La situation était intenable. Émanation des Frères musulmans palestiniens, le Hamas, ouvertement djihadiste, fut fondé en 1987 et organisa de multiples attentats. Israël dut temporiser et parlementer avec l’OLP, débouchant sur les accords d’Oslo en 1993. Derrière la Maison-Blanche, encadrés par les bras paternels de Bill Clinton, le travailliste Yitzhak Rabin et Yasser Arafat échangèrent une poignée de main historique. Ils s’étaient entendus sur une déclaration de principe sur une autonomie de 5 ans pour mettre en place une autorité palestinienne. De réels espoirs de paix étaient nés. Mais tous les esprits n’étaient pas prêts des deux côtés. L’assassinat de Rabin par un Juif annonça de nouveaux jours sanglants.

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2e intifada

En 2000, Ariel Sharon, leader de l’opposition de droite (Likoud), visita l’esplanade des mosquées. Le soir même, les violences explosèrent. Jérusalem, ville trois fois sainte, est aussi la frontière qu’Israéliens et Arabes s’arrachent. Cette visite signifiait que les Juifs ne s’arrêteraient pas d’avancer vers la réalisation des frontières bibliques. Et donc que les Arabes seraient de plus en plus dépossédés. Une deuxième intifada fut alors déclenchée. L’armée israélienne entra en Cisjordanie et y lança une vaste offensive en 2002.

Après le Liban en 2000, Israël se retira de Gaza en 2005. Des élections furent organisées. Le Hamas s’opposait au Fatah, dirigé par Arafat. On reconnut l’opposition du religieux (Hamas) et du politique (Fatah). Tout pouvoir exercé par le religieux conduisant généralement in fine à la ruine de son peuple, la victoire du Hamas en 2006 devait défaire tout rêve de paix. Expulsé de Gaza, le Fatah se replia en Cisjordanie. Trois guerres à Gaza se succédèrent, 2008, 2012, 2014.

Engagé en permanence au sud, Tsahal subissait aussi les tirs de roquettes et les incursions de commandos du Hezbollah à la frontière libanaise. Israël voulut détruire cette organisation financée par l’Iran qui avait pris en puissance et jouait désormais un rôle politique majeur. Véritable État dans l’État, le Hezbollah comptait en plus une dizaine de députés. Tsahal envahit le Liban pour la deuxième fois, en 2006.

Le retour du Likoud au pouvoir en 2009 avec Benyamin Netanyahou offrit une nouvelle force au nationalisme israélien et à l’idée qu’Israël ne se partage pas.

À partir de 2021, le Hamas lança régulièrement des roquettes et continuait de creuser ses tunnels. En réponse, Israël lança des raids.

La politique de colonisation israélienne ne s’était pas arrêtée, cherchant toujours à retrouver le cœur du royaume de David. En 2023, le gouvernement israélien décida de légaliser 9 colonies. Aujourd’hui, 475 000 colons israéliens résident en Cisjordanie pour 2,8 millions de Palestiniens. Le climat y est tout aussi explosif.

7 octobre 2023 : un mur anthropologique

L’extension d’Israël poursuit le rêve de retrouver les frontières bibliques et le royaume de David. Il s’oppose à une réalité bien concrète, l’existence d’un peuple arabe qui a lui aussi ses frontières de représentation. On crut un temps, au moment des accords d’Oslo, que le combat pour les frontières pouvait être résolu par des accords entre deux entités politiques. Mais l’État d’Israël mobilise des forces supérieures aux considérations politiques. Ces forces sont d’abord religieuses, parce que pour les Juifs la terre a été donnée par Dieu, et parce que les Palestiniens invoquent une guerre sainte pour protéger une terre d’islam. L’affrontement entre deux peuples naturellement communautaires, l’un plus que l’autre, engendre aussi un conflit ethnique. La politique est nécessairement balayée par ces forces mobilisatrices, car elle est toujours sujette à la nature des hommes.

La question des frontières étatiques est devenue secondaire. Le massacre du 7 octobre a achevé de bâtir le mur anthropologique commencé il y a cent ans. L’ouverture d’Israël aux travailleurs gazaouis avait peut-être ouvert la porte à une certaine coexistence. La participation directe ou indirecte de ces mêmes travailleurs à la tuerie a balayé ces espoirs. En utilisant la même tactique du massacre que le FLN, le Hamas a voulu démontrer que la cohabitation de deux peuples sur une même terre est impossible. L’objectif du Hamas étant davantage l’éradication d’Israël que l’établissement d’un État palestinien, aucune entente ou accord n’est possible. Désormais en paix avec ses voisins arabes, Israël affronte aujourd’hui une guerre de civilisation, piège dans lequel entraînent les mouvements qui veulent étouffer toute paix et éteindre toute espérance.

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[1] Mishné Torah, Hilkhot Melakhim chap. 12

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À propos de l’auteur
Guy-Alexandre Le Roux

Guy-Alexandre Le Roux

Journaliste

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