<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Intelligence artificielle : l’Italie veut être un grand en Europe

19 août 2022

Temps de lecture : 7 minutes

Photo : Crédits: Unsplash/ ThisisEngineeringRAEng

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Intelligence artificielle : l’Italie veut être un grand en Europe

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Le gouvernement italien a approuvé le 26 novembre 2021 le programme pour l’intelligence artificielle. Ce projet a vu la collaboration entre le ministre du Développement économique, le ministre de l’Université et de la Recherche et le ministre de la Transition numérique et a placé au cœur de ses objectifs l’industrie 4.0, qui vise à changer le visage des PME.

Daisy Boscolo Marchi

La transition numérique est désormais une nécessité et parmi ses angles les plus fascinants, il y a certainement la chaîne d’approvisionnement dédiée à la recherche et à l’application de l’intelligence artificielle (IA). Le gouvernement italien, poussé par la dynamique initiée au sein de l’Union européenne, a adopté sa propre stratégie nationale sur l’IA, contenue dans un document conjoint du ministère du Développement économique (MISE), du ministère de l’Université et de la Recherche et de celui de l’Innovation technologique et de la Transition numérique : le programme stratégique pour l’intelligence artificielle 2022-2024. Cette stratégie pour l’IA est condensée dans un document élaboré par les trois ministères concernés, auxquels s’ajoute le groupe de travail sur la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle, une équipe d’experts du secteur qui traitera de l’efficacité organisationnelle et de gestion, ainsi que le suivi de l’avancement du projet. 24 politiques à mener au cours des trois prochaines années ont été définies, réparties en trois domaines d’intervention, six objectifs et onze secteurs d’application.

Le programme stratégique italien sur l’intelligence artificielle : ancrage, principes et objectifs

L’écosystème italien de l’intelligence artificielle a un grand potentiel qui n’a pas encore été pleinement exploité. L’industrie croît rapidement, mais la contribution économique reste modeste. Surtout si on le compare aux voisins européens. Pourtant, comme indiqué dans le nouveau programme de l’IA, la Péninsule dispose de bases solides sur lesquelles bâtir un nouvel écosystème italien de l’IA face à des faiblesses sur lesquelles concentrer les réformes et les investissements. À cette fin, le programme décrit 24 politiques dans le but de faire de l’Italie un centre « globalement compétitif », transformant les résultats de la recherche en valeur ajoutée pour l’industrie.

Le plan comporte trois axes d’intervention : renforcer les compétences et attirer les talents, accroître le financement de la recherche de pointe en intelligence artificielle et favoriser son adoption et son application tant dans l’administration publique que dans le secteur de la production en général.

Des initiatives en faveur des entreprises et de l’administration publique

Une attention particulière est portée aux petites entreprises actives dans des contextes géographiques ou socio-économiques périphériques et défavorisés. Une autre préoccupation déclarée est celle de la nécessité d’augmenter le nombre de femmes entrepreneuses et expertes en intelligence artificielle, ainsi qu’attirer des start-up et des professionnels étrangers avec des incitations économiques. Enfin, le texte souligne la volonté institutionnelle d’aligner l’ensemble des politiques d’intelligence artificielle relatives au traitement, à l’agrégation, au partage et à l’échange de données, ainsi qu’à la sécurité des données, avec la stratégie nationale du Cloud et les initiatives en cours au niveau européen, à commencer par les données européennes et les récentes propositions d’une loi sur la gouvernance des données et un règlement sur l’IA.

Pour cela, deux axes d’action sont identifiés : l’intelligence artificielle pour moderniser les entreprises et celle pour moderniser l’administration publique. Concernant les entreprises, il est question de soutenir le processus d’embauche de personnel hautement qualifié dans les entreprises privées, afin de renforcer leur processus de transition 4.0 ; de pousser l’adoption de solutions d’intelligence artificielle dans les entreprises privées, pour favoriser leur compétitivité ; d’aider les start-up et spin-off à se développer, tant au niveau national qu’international ; et de définir un contexte réglementaire pouvant favoriser l’expérimentation et la certification de produits et services d’intelligence artificielle fiables. Rappelons que selon l’Observatoire de l’IA de l’école de gestion Polytechnique de Milan, il existe 260 entreprises italiennes proposant des produits et services d’intelligence artificielle. En 2020, le marché de l’intelligence artificielle privée en Italie a atteint 300 millions d’euros, en hausse de 15 % sur 2019, mais égal à seulement 3 % du marché européen.

Du côté de l’administration publique, les interventions en cours visent à la création d’infrastructures de données pour exploiter en toute sécurité le potentiel du big data, mais aussi à la simplification et la personnalisation de l’offre de services publics et à l’innovation des administrations, à travers le renforcement de l’écosystème GovTech (par exemple avec des appels périodiques pour identifier et accompagner les start-up proposant des solutions fondées sur l’IA). Deux autres domaines d’intervention concernent les talents et la recherche. Dans le premier cas, il s’agit d’interventions pour augmenter le nombre de doctorats et attirer des chercheurs, ainsi que de promouvoir des cours et des carrières dans les matières scientifiques (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques). Dans le second, l’objectif est de favoriser les collaborations entre le monde académique et de la recherche, l’industrie, les organismes publics et la société. Enfin, pour suivre les progrès sur tous les fronts, un groupe de travail permanent sur l’intelligence artificielle a été mis en place au sein du Comité interministériel pour la transition numérique.

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L’analyse du potentiel et des problèmes critiques du programme pour l’intelligence artificielle

De l’analyse de ce nouveau programme, il ressort que le projet ne vise pas une dimension purement nationale mais aussi à une perspective internationale. À la fois parce que cela fait partie de la stratégie européenne pour l’IA et parce que la forte ambition de l’Italie est de gagner une position de leader dans la chaîne internationale de développement, d’innovation et d’application de l’IA, sans négliger l’engagement envers la durabilité et le respect de la personne humaine. Pour atteindre l’objectif international ambitieux, l’idée est de créer un réseau collaboratif entre les universités, les entreprises et le secteur public.

Une attention particulière concerne la question relative aux jeunes : le gouvernement s’efforce d’accorder le plus grand nombre possible de postes doctoraux et d’opportunités d’investir leur temps et leurs capacités intellectuelles dans le domaine de la recherche. Le lancement du doctorat national en intelligence artificielle est en effet très récent (2021). La création de nouvelles chaires axées sur l’intelligence artificielle est également à l’étude, étroitement liée à l’engagement de faire revenir des experts émigrés à l’étranger, ainsi qu’à l’investissement dans des plateformes de partage de données et de logiciels.

En Italie, 260 entreprises opèrent concrètement dans le domaine de l’intelligence artificielle. Parmi celles-ci, 55 % sont impliquées dans la santé, la cybersécurité, le marketing et la finance. Toujours selon le Polytechnique de Milan, 53 % des moyennes et grandes entreprises italiennes ont lancé au moins un projet d’intelligence artificielle : 22 % sont actives dans le secteur manufacturier, 16 % dans le secteur bancaire financier et 10 % dans le domaine de l’assurance. De manière générale, comme l’indique le plan, il y a un sous-investissement du secteur privé en termes de recherche et développement et la taille des entreprises est également mise en cause. Le groupe de travail sur la stratégie indique que l’adoption de solutions d’IA sur le marché italien s’élève à 35 %, soit environ huit points de moins que la moyenne de l’UE. Les raisons du sous-investissement invoquées par les petits entrepreneurs italiens sont principalement de deux ordres : le manque de professionnels de l’IA et le manque de fonds publics. En ce sens, pour résoudre la première question, le plan propose d’ajuster la rémunération des professionnels de l’IA à celle de l’international, étant donné qu’il s’agit de l’un des sujets les plus délicats, qui se confond avec celui de la fuite des cerveaux. S’agissant des fonds publics, en revanche, 13 milliards d’euros sont mis à disposition par le plan national de relance et de résilience. Le point du financement public est fondamental, étant donné que même dans ce domaine, il y a un retard par rapport à la France et à l’Allemagne : l’Italie investit trop peu, ne serait-ce que pour les marchés publics d’achat de biens et de services. Par ailleurs, l’objectif est de combler l’autre grand écart vis-à-vis des partenaires européens, à savoir la certification des produits et des brevets. Tout cela est paradoxal, si l’on considère que les chercheurs italiens sont très prolifiques et sollicités au niveau international. Sauf que chez eux, ils sont peu considérés, et quand ils le sont, ils sont mal payés. Un autre aspect plus que positif du programme est la tentative de réduire la fragmentation et la disparité de notre écosystème de recherche, dans lequel il existe une mauvaise communication entre les laboratoires, les universités et les organismes publics, ainsi que le fort écart entre les sexes.

Encore des défis pour développer une IA italienne

Malheureusement, il n’y a pas que des côtés positifs, mais aussi des limites. Tout d’abord, le programme est cadré sur la période triennale 2022-2024, un intervalle de temps qui n’est pas exactement étendu, qui n’est peut-être pas le plus adéquat pour mener à bien un projet aussi ambitieux, qui vise à résoudre des problèmes et à réduire un écart qui a été réglé depuis des décennies.

Si l’objectif est celui d’impliquer les entreprises, le programme parle peut-être trop de communication, d’information et de promotion mais les solutions concrètes ne semblent pas toujours au rendez-vous (ce qui est très commun pour ce type de document). Et le problème éternel des entreprises italiennes, trop petites pour être innovantes, recommence à peser sur leur capacité à s’imposer à l’international. L’idée de placer un groupe d’experts aux côtés du tissu des PME italiennes pour les guider vers les nouvelles perspectives de l’économie fondée sur l’IA est sûrement positive, mais cette approche n’est toutefois pas suffisante : sans l’implication directe des citoyens, sans la formation des plus jeunes sur le terrain pour trouver de nouveaux collaborateurs et sans des moyens économiques puissants aucune innovation n’est possible.

Autre limite du texte, compte tenu du contexte dans lequel il s’insère, est la place limitée dédiée à la problématique du partage des données, alors qu’elle sera fondamentale pour le secteur économique et sociétal de demain. L’intelligence artificielle est abordée davantage du point de vue d’encourager la formation de jeunes talents dans les disciplines scientifiques que du point de vue de la mise en œuvre d’une économie italienne et européenne visant à promouvoir à la fois l’utilisation économique de l’intelligence artificielle et la production de biens et services compatibles avec un développement data centrique. Parmi les nombreux enjeux critiques que l’on peut relever, il convient de citer aussi celui relatif à l’interopérabilité et à la qualité des données, dont on parle très peu dans le programme italien. L’interopérabilité et la qualité des données, ainsi que leur structure, leur authenticité et leur intégrité, sont essentielles pour exploiter la valeur des données, en particulier dans le contexte de la diffusion de l’IA.

Dans ce contexte, la destination et l’utilisation nationale des Fonds du plan national de relance et de résilience auront une importance capitale. L’action de l’administration publique – qui aura un rôle de premier plan dans la concrétisation du programme – sera alors fondamentale : il s’agit d’un défi majeur pour une administration publique encore peu nombreuse. Dans ce contexte, il est clairement nécessaire d’établir au plus vite un dialogue constructif sur les actions nécessaires pour protéger tous les acteurs concernés (des développeurs aux entreprises, jusqu’aux clients finaux) des risques pouvant découler de l’utilisation de l’intelligence artificielle et il est nécessaire que l’administration publique italienne adopte, dès maintenant, une approche plus éclairée, qui ne regarde pas seulement les objectifs commerciaux, mais aussi les personnes, dans l’attente d’interventions précises du législateur national et de l’Union européenne.

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