<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Que pouvez-vous faire pour votre pays ?

24 novembre 2020

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : John Fitzgerald Kennedy pendant sa campagne électorale (c) Sipa 00363757_000009

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Que pouvez-vous faire pour votre pays ?

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« Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. »

Cette formule est incontestable puisqu’elle a été prononcée devant l’un des plus vastes publics possibles, au cours du discours d’investiture du nouveau président des États-Unis, le démocrate John Fitzgerald Kennedy, le 20 janvier 1961. L’investiture (Inauguration Day en version originale) est le moment où le président élu en décembre[1] prend officiellement ses fonctions en prêtant serment devant le président de la Cour suprême fédérale.

Sa résonance politique est en revanche plus troublante. Proposez-la aujourd’hui à un panel de nos concitoyens en leur demandant de la situer dans le spectre politique ; combien, s’ils n’en connaissent pas l’auteur, l’associeront à la droite, voire à Marine Le Pen ? Pourtant, John F. Kennedy, sans être un représentant de la gauche du Parti démocrate, était bien un progressiste, décidé à refonder le contrat social américain en s’attaquant à la ségrégation raciale, que la Cour suprême avait rendue inconstitutionnelle en 1954, et à la précarité d’une part importante de la population. Son mandat, tragiquement interrompu par son assassinat le 22 novembre 1963, s’avéra pauvre en avancées notables parce qu’il ne sut pas manœuvrer le Congrès, où les États ségrégationnistes votaient alors démocrate dans la tradition sécessionniste[2]. Mais son successeur, le vice-président Lyndon Johnson, réussit à partir de 1965 à faire voter les lois sur le droit de vote des minorités, sur les aides sociales Medicare et Medicaid, sur la protection de l’environnement, à mettre en œuvre l’affirmative action, etc. Bref, le bilan le plus convaincant après F.D. Roosevelt en matière d’action de l’État fédéral sur l’économie et la société, qui n’est occulté aujourd’hui qu’en raison de la responsabilité de Johnson dans la guerre du Vietnam.

Nous sommes donc aux antipodes de la posture du républicain Ronald Reagan dans les mêmes circonstances, vingt ans presque jour pour jour après Kennedy : « Le gouvernement n’est pas la solution à nos problèmes ; le gouvernement est le problème[3]. » C’était alors l’amorce de la « révolution libérale » aux États-Unis. Quarante ans plus tard, les idées libertariennes, si elles ne font guère recette au niveau électoral, ont infusé dans les principaux partis, et surtout dans le parti républicain, et trouvent de puissants appuis dans les milliardaires de la Silicon Valley – c’est ainsi le cas de Peter Thiel, fondateur de PayPal et soutien de nombreuses initiatives libertariennes ou transhumanistes. Paradoxalement, ce rejet du pouvoir fédéral n’a pas entamé le patriotisme, au contraire, sans doute parce que la liberté individuelle est au cœur de la fondation des États-Unis, antérieurement au gouvernement – on retrouve là la préférence pour la liberté identifiée par Tocqueville.

À l’inverse, en France, l’État reste le deus ex machina omniprésent, qu’il s’agisse de dénoncer son impéritie ou de lui réclamer des subsides. Cette tradition, probable vestige de la monarchie absolue dont notre Ve République reprend la conception verticale et personnelle du pouvoir, s’est accentuée après un demi-siècle d’État-providence, comme on l’a vu dans les attentes, écrasantes et contradictoires, suscitées par la crise sanitaire actuelle, les populations semblant incapables d’évaluer par elles-mêmes les situations à risque et les comportements adéquats.

Un message lu cet été sur les autoroutes de France donne la mesure du degré d’infantilisation auquel est parvenue notre société, dominée par le principe de précaution et la crainte de jugements accordant plus de poids à la lettre qu’à l’esprit des lois : « Fortes chaleurs – pensez à vous hydrater ». L’étape ultime du « progrès » vers une « société-cocoon » sera sans doute un rappel régulier qu’il faut respirer ?

[1] Si le vote populaire a lieu en novembre, le président des États-Unis n’est formellement élu qu’après la réunion en décembre à Washington du collège des 438 Grands Électeurs désignés un mois plus tôt.

[2] Rappelons que le Parti républicain a été fondé en 1854 par les abolitionnistes ; c’est l’élection à la présidence de son candidat, Abraham Lincoln, en 1860 qui a conduit à la Sécession de 7 puis 11 États du sud et de l’ouest.

[3] Discours inaugural du 21 janvier 1981.

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Photo : John Fitzgerald Kennedy pendant sa campagne électorale (c) Sipa 00363757_000009

À propos de l’auteur
Pierre Royer

Pierre Royer

Agrégé d’histoire et diplômé de Sciences-Po Paris, Pierre Royer, 53 ans, enseigne au lycée Claude Monet et en classes préparatoires privées dans le groupe Ipesup-Prepasup à Paris. Ses centres d’intérêt sont l’histoire des conflits, en particulier au xxe siècle, et la géopolitique des océans. Dernier ouvrage paru : Dicoatlas de la Grande Guerre, Belin, 2013.
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