Guerre d’Algérie – Les derniers feux. Pierre Pellissier

20 avril 2022

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Guerre d’Algérie – Les derniers feux. Pierre Pellissier

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Souvent, les fins de guerre sont bâclées. Bâclées sur le terrain où le dégagement ne se passe généralement pas selon le plan, bâclée comme le sera l’histoire du conflit achevé qu’il va falloir écrire. Le camp des vainqueurs met en scène la liesse de sa victoire, sans dire mot de ses débordements. N’ayant plus qu’à se taire, le vaincu tourne la page s’il ne remâche pas de revanche. Cette année de commémoration offre l’occasion d’évoquer la fin de la guerre d’Algérie sans rabaisser, cette fois, la vision les vaincus.

Pierre Pellissier, Les Derniers feux de la guerre d’Algérie, Paris, Perrin, 2022, 298 p.

 

Pierre Pellissier consacre son ouvrage à la dernière année de la guerre, sujet mieux connu depuis quelques années grâce aux recherches d’un nombre croissant d’auteurs[1] à contre-courant de la vulgate qui, depuis soixante ans, décrit la guerre d’Algérie comme une décolonisation victorieuse et une libération. Ainsi racontée, l’histoire n’a pas eu à se soucier du sort des vaincus. Oubliés, les disparus, leur nombre minimisé, les exilés crédités d’une intégration facile servie par le dynamisme des « trente glorieuses ». Et la férocité des derniers mois s’est expliquée en faisant peser sur l’OAS la responsabilité du regain de violence. Il a fallu plusieurs décennies pour que des historiens comme Philippe Ariès, qui n’appartenait certes pas à une association de rapatriés, se risquent à dire que la défense de la terre natale n’était pas forcément pendable[2].

Un tour d’horizon des drames de l’année 1962

Pierre Pellissier passe en revue les événements marquants de cette courte période : le siège de Bab-el-Oued et la fusillade de la rue d’Isly en mars, les maquis de l’OAS qui n’ont pas connu deux mois d’existence, les enlèvements pratiqués par le FLN durant la période qui va de mars à juin, les massacres et les disparitions qui se sont produits à Oran, le 5 juillet, le dégagement de l’armée et le sort des harkis, enfin. Son ouvrage s’achève sur un bilan des pertes et des disparus militaires et civils.

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Certains épisodes ont déjà donné lieu à de solides études ; deux épisodes moins connus font l’objet d’une synthèse nécessaire. Un chapitre, qui s’appuie principalement sur les mémoires de Pierre Montagnon, traite des maquis créés par l’OAS, rapidement disparus — l’épisode éclaire cependant la diversité des tendances présentes au sein de l’organisation. Un autre décrit la courte expérience de la Force locale, une entité franco-algérienne, créée en mars 1962 qui devait se substituer à l’ALN pour maintenir l’ordre pendant la période intermédiaire entre le cessez-le-feu et le référendum. Cela se réduisit à un arsenal dans lequel le FLN a largement puisé, un lieu de règlements de comptes et de disparitions jamais élucidées. Quant au maintien de l’ordre…

S’il comprend un index et des notices biographiques succinctes, l’ouvrage n’offre pas d’introduction ni de véritable conclusion. Il ne s’y trouve aucune note, mais quelques erreurs de détail[3] et la bibliographie est trop réduite pour tenir compte d’ouvrages récents qui auraient pourtant apporté de l’eau à son moulin. En dépit de faiblesses qui agacent un universitaire, l’ouvrage permet de lire avec facilité une autre version de l’histoire. Voici plus de vingt ans, Pierre Pellissier était bien seul à dire que la bataille d’Alger avait été gagnée avec des effectifs si réduits qu’ils feraient honte à « Sentinelle ».

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[1] Pour ne citer que quelques noms : Jean Monneret (2003), Robert Davezac (2008), Roger Le Doussal (2011 et 2020), Jean-Jacques Jordi (2011), Guillaume Zeller (2012), Guy Pervillé (2014 et 2019), Roger Vétillard (2020).

[2] « Je regrette de n’avoir pas conservé un billet ancien où M. Escarpit, à propos de la solidarité morale de l’OAS et des Français d’Algérie, s’en prenait à un sens trop viscéral de la terre natale, de la petite patrie, et y dénonçait les vestiges d’une mentalité primitive et les germes des cancers fascistes. » (Le Présent quotidien (1955-1966), Paris, Le Seuil, 1997).

[3] Roger Degueldre n’était pas capitaine mais lieutenant, Constantin Melnik n’a pas dirigé le service Action (même s’il s’en est vanté), la Légion étrangère n’a pas quitté Sidi-bel-Abbès en emportant tous ses trophées : le drapeau des Pavillons Noirs que le capitaine de Borelli avait ramené de Tuyen Quang a été brûlé avant son départ.

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À propos de l’auteur
Marie-Danielle Demélas

Marie-Danielle Demélas

Docteur d’État en histoire et professeur honoraire de l'université de Paris III.

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