<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Chine : vers un impôt foncier

19 juillet 2021

Temps de lecture : 5 minutes

Photo : LAISHUI, CHINA - APRIL 18, 2021 - A high-end villa in Laishui County, Hebei Province, China, April 18, 2021. (Photo by Fan Jiashan / Costfoto/Sipa USA)/33018821//2104181555

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Chine : vers un impôt foncier

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Avec la reprise économique, la Chine débute des réformes fiscales avec notamment la tentative de mise en place d’un impôt foncier. Si celui-ci avait suscité de nombreuses oppositions, celles-ci sont désormais beaucoup moins fortes.

Un article de Rosealea Yao pour Gavekal, 6 juillet 2021. Traduit par Alban Wilfert pour Conflits.

Profitant de la reprise économique rapide de la Chine consécutive à la pandémie, les responsables politiques chinois ont mis en place un ensemble de réformes réglementaires et structurelles qui avaient jusqu’alors été reportées, car susceptibles de nuire à la croissance. Dernier ajout à ce resserrement protéiforme : l’impôt foncier, qui a fait l’objet de discussions peu fructueuses depuis plusieurs années. Le ministère des Finances a mis un terme à deux ans de silence sur la question en publiant une déclaration publique peu commune, d’une ligne, au sujet d’un symposium qu’il avait organisé autour des essais d’impôts fonciers. Cela témoigne d’efforts inédits du gouvernement, décidé à étendre les essais locaux, en vue du lancement d’une taxe foncière. Cette fois, le contexte économique étant plus favorable et l’opposition moins organisée, l’impôt foncier a de bonnes chances de faire son chemin.

Si la Chine prélève bel et bien divers impôts sur les transactions immobilières, aucun ne porte sur la valeur des biens résidentiels. Cela fait longtemps que l’adoption d’un tel impôt est préconisée par les universitaires, qui y voient le moyen de donner aux gouvernements locaux une base de revenus plus fiable et de décourager la spéculation immobilière. Des programmes d’essai ont été lancés en 2011 à Shanghai et dans certains districts de Chongqing, où l’impôt est toujours perçu à l’heure actuelle. Toutefois, les essais n’ont jamais été étendus au-delà de ces deux villes. Le gouvernement central a en effet préféré travailler en premier lieu sur le cadre juridique et institutionnel d’un impôt. L’appel du plan de réforme du Troisième Plénum de 2013 à « accélérer la législation sur l’impôt foncier et à déployer la réforme au moment opportun » a formalisé cela.

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Les oppositions à cet impôt

Une telle stratégie visait à réduire deux sources d’opposition politique à cet impôt. D’une part, la loi chinoise n’autorise pas les gouvernements locaux à créer de nouveaux impôts, aussi les fonctionnaires qui le feraient sans autorisation légale spécifique pourraient être accusés d’outrepasser leurs fonctions. D’autre part, des registres systématiques de propriété immobilière seraient nécessaires au prélèvement précis de la taxe, ce qui pourrait révéler des vérités dérangeantes sur l’étendue de la corruption parmi les fonctionnaires locaux. Pour résoudre le premier problème, les responsables politiques ont travaillé pendant des années à l’élaboration d’un projet de législation fiscale, qui serait pratiquement achevé, mais qui n’a pas été rendu public. La résolution du second problème a nécessité une double approche : la campagne anti-corruption soutenue par le dirigeant Xi Jinping a accru la pression sur les fonctionnaires, les incitant à liquider tout bien immobilier illicite, tandis que la mise en œuvre progressive, entre 2015 et 2018, d’un système national d’enregistrement des biens immobiliers a laissé une marge de manœuvre de quelques années pour régulariser la propriété.

Retardé mais pas oublié

Une fois le registre national des propriétés achevé, l’impôt foncier a été officiellement remis à l’ordre du jour du gouvernement lors de la session législative de mars 2018. On s’attendait alors à ce que le projet de loi sur l’impôt soit rendu public d’ici à la fin de l’année, donnant lieu à un prélèvement effectif de l’impôt fin 2019 au plus tôt. Mais c’est en juin de cette année-là que les tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis ont dégénéré. Inquiets des conséquences de cette prise de bec sur la stabilité économique de la Chine, les responsables politiques n’ont pas souhaité prendre le risque de mettre en œuvre une réforme perturbatrice, potentiellement à même d’aggraver la situation.

Par la suite, la pandémie de Covid-19 n’a fait que retarder encore la moindre avancée, et il n’a guère été mention des impôts fonciers jusqu’à ces derniers mois. Maintenant que la pandémie est maîtrisée et que l’économie reprend vivement, les dirigeants tentent de rattraper le temps perdu en mettant en œuvre de multiples initiatives retardées par la pandémie, notamment des initiatives environnementales, de réglementation financière et de supervision de la dette publique. Lors d’une réunion du Politburo en avril, il a été demandé de « profiter de la fenêtre d’opportunité lorsque la pression pour stabiliser la croissance est relativement faible… pour concentrer les efforts sur l’approfondissement de la réforme structurelle du côté de l’offre ».

Les avancements sur l’impôt foncier devraient constituer l’une de ces réformes. Le plan quinquennal pour 2021-2025 a, comme le précédent, appelé à « faire avancer la législation sur l’impôt foncier ». Dans une conférence de presse en avril dernier, Wang Jianfang, directeur de la fiscalité au ministère des Finances, a réitéré son soutien aux impôts directs tels que l’impôt sur le revenu et l’impôt foncier, mettant en avant leur utilité dans l’augmentation des recettes, la réduction des inégalités de revenus et la stabilisation de l’économie. Le symposium de mai annoncé par le ministère des Finances a réuni des participants venus du ministère du Logement et du Développement urbain et rural, du comité permanent du Congrès national du peuple et des gouvernements locaux : visiblement, l’effort a été coordonné. Des universitaires cités par les médias nationaux s’attendent à ce que d’autres essais locaux d’impôts fonciers soient lancés d’ici à la fin de l’année.

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Une expérience foncière et fiscale

La multiplication de ces essais à échelle locale permettra à davantage de citoyens et de collectivités locales d’acquérir de l’expérience en matière d’impôt foncier. Les essais pilotes en cours représenteraient respectivement 3,4% et 5% des recettes fiscales de Shanghai et de Chongqing en 2020, la plupart des recettes venant de dirigeants d’entreprises plutôt que de foyers individuels. La portée des nouveaux essais devrait être plus large et avoir un impact plus direct sur les ménages. Un impôt foncier ayant notamment pour but de limiter la spéculation et les inégalités, les nouveaux essais pilotes devraient se faire dans les grandes villes, aux prises avec un immobilier onéreux. Shenzhen et Hainan figureraient parmi les nouveaux lieux où la mesure sera ainsi testée, avancent des médias nationaux. Les essais devraient permettre de faciliter l’adoption d’une législation nationale sur l’impôt foncier, pour laquelle il n’existe toujours pas de calendrier officiel : la loi figure dans le plan quinquennal de la législature pour 2018-2023, mais pas dans le plan législatif de l’année en cours.

À coup sûr, les impôts fonciers auront un effet négatif sur les prix des biens dans les villes qui lancent les essais, puisque posséder un bien dans ces villes rendra les propriétaires redevables des taxes futures. Le processus expérimental des essais consistera probablement, entre autres choses, à trouver un taux d’imposition approprié, en mesure de répondre aux objectifs du gouvernement tout en minimisant les perturbations du marché. Par exemple, la propriété résidentielle durant normalement 70 ans, un impôt foncier annuel de 0,5% coûterait probablement aux propriétaires 15 à 20% de la valeur de leur propriété. Le peu de transparence autour de la mise en œuvre des essais fiscaux pourrait exacerber les tendances volatiles du marché : les propriétaires pourraient être tentés de vendre des biens avant le lancement d’un essai dans une ville donnée, ou d’acheter davantage de biens dans les villes où il n’y aurait pas de tel essai.

Cette réforme structurelle aura probablement pour impact cyclique de refroidir la croissance de la demande de logement, en adéquation avec les priorités actuelles du gouvernement. L’orientation de la politique du logement est restée très restrictive ces derniers mois, sans que la croissance des ventes immobilières en pâtisse pour autant. Les ménages à hauts revenus disposant d’un surplus d’épargne réalisée pendant la pandémie, ils ont beaucoup d’argent à déployer dans divers actifs. Depuis mai 2020, les prix de l’immobilier n’ont eu de cesse d’augmenter, et les importantes ventes de logements ont soutenu l’activité de construction, épuisant les stocks et accroissant la pression sur les prix déjà élevés de l’acier et des matériaux de construction. Le long boom du logement en Chine a constamment défié les attentes selon lesquelles il allait simplement mourir de vieillesse, car la demande fondamentale est restée assez élevée. Dans un tel contexte, le gouvernement pourrait bien avoir besoin d’un nouvel outil politique pour l’aider à gérer la prochaine étape.

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