L’élimination d’Abdelmalek Droukdel et de quatre de ses lieutenants, le 3 juin aux confins du Mali et de l’Algérie, est une bonne nouvelle pour la France et ses alliés africains.
Le Kabyle Droukdel était le chef d’Al-Qaïda pour l’Afrique du Nord et le Sahel. Une cible de haute valeur. Ce groupe avait été détecté grâce à des sources électroniques américaines, sans doute sur un renseignement initial transmis par l’Algérie. Pour Alger, Droukdel était aussi une cible à abattre. Lui et ses hommes ont été tués par des commandos français, au terme d’un assaut audacieux. « Nous sommes sur la bonne voie, mais il est encore trop tôt pour crier victoire », confiait Florence Parly, le 18 juin au Sénat, en présentant les trois axes de la stratégie de la France : attrition déterminée des groupes armés (une centaine d’ennemis sont tués chaque mois) ; sahélisation des forces (en mobilisant les armées africaines) ; internationalisation du dispositif (en faisant appel à l’Union européenne). Le renforcement de Barkhane (5 100 hommes) et un judicieux changement de tactique ont permis de regagner en réactivité. En renouant avec la tradition de la nomadisation de longue durée, les forces ont repris l’initiative.
La réponse du G-5 Sahel
Lors d’un bref sommet réunissant les pays du G-5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina, Niger, Tchad), le 30 juin à Nouakchott, Emmanuel Macron s’est félicité de ces « succès de bon augure ». Ils sont indéniables. Sont-ils suffisants ? « Nous n’avons pas vocation à rester éternellement », assurait Florence Parly, le 18 juin. Peut-on alors parler de retrait ? Pas vraiment : « Nous n’avons pas vocation non plus à quitter tout de suite le Sahel, car notre présence reste indispensable pour les Sahéliens. » La France connaît quelques déceptions sur ce terrain mouvant. Les renforts européens n’arrivent qu’au compte-gouttes. Des matériels, pas assez de combattants. Cet appui est utile, mais bien en deçà de ce que Paris espérait. Si les coups portés à l’ennemi sont réels, ils sont aussi d’une portée limitée.
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Les groupes armés changent de secteurs. Ils s’imbriquent dans les trafics traditionnels de la zone sahélo-saharienne, difficiles à contrôler. Ils profitent de la solidarité que permettent leurs liens familiaux pour recruter des jeunes combattants au sein des populations abandonnées par les États centraux, travaillées par des rivalités ethniques ancestrales. L’islam radical lie et légitime ces révoltes aux contours fluctuants. Dans cet immense chaudron de conflits immémoriaux, les soldats français sont d’un poids relatif. L’appui des « amis africains » n’est pas à la hauteur. À l’exception du Tchad, doté d’une solide armée, les partenaires de la France n’assurent pas leurs responsabilités. Au Mali, le dialogue ouvert le 10 février par le président Ibrahim Boubacar Keïta avec deux chefs djihadistes, le Touareg Iyad Ag-Ghali et le Peul Amadou Koufa, tourne à vide, sous l’œil vigilant de l’Algérie. Son jeu, opaque, mine ce rapprochement. « Chaque pas réalisé vers un peu plus de stabilité est à prendre en considération », se réjouit Emmanuel Macron. Il parle de « progrès indéniables » depuis le sommet de Pau (le 13 janvier 2020). Si les discours officiels sont truffés de « points positifs », la plupart des observateurs sérieux peinent à les repérer.
Les limites de l’option militaire
L’opération Barkhane permet en effet de stabiliser la région, mais l’option militaire montre ses limites. Elle devait permettre aux responsables civils d’ouvrir un agenda politique. On en est loin. Malgré les efforts de la France et de l’UE pour former et responsabiliser les élites politiques et militaires locales, le résultat est décevant. Le clanisme et la corruption, ajoutés à un exercice caricatural de la démocratie, ruinent les espoirs d’une plus saine gouvernance.
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« Les forces locales progressent, mais elles restent fragiles et sujettes à des revers significatifs », reconnaît prudemment Paris. En clair, elles sont incapables d’assurer le relais de Barkhane. Les massacres de garnisons et des embuscades meurtrières font des centaines de victimes. Les représailles brutales braquent les populations. À Bamako, Niamey et Ouagadougou, la peur et l’impatience alimentent un sentiment antifrançais croissant. Sur les arrières des soldats français.