France – Royaume-Uni : « La coopération franco-britannique dans le domaine de la Défense me paraît prioritaire » estime Lord Peter Ricketts

26 décembre 2023

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Photo : Emmanuel Macron et Rishi Sunak au sommet du G7. Credit:Jacques Witt/SIPA/2305200844

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France – Royaume-Uni : « La coopération franco-britannique dans le domaine de la Défense me paraît prioritaire » estime Lord Peter Ricketts

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Les relations entre la France et le Royaume-Uni sont bien difficiles à suivre depuis le Brexit. Lord Peter Ricketts, diplomate britannique, ambassadeur du Royaume-Uni en France entre janvier 2012 et février 2016, nous propose une mise au point.

Propos recueillis par Maximilien Nagy.

Sept ans après le Brexit, qui fut annoncé comme une catastrophe par nombre de commentateurs, la valeur des échanges commerciaux entre la Grande-Bretagne et plusieurs de ses partenaires européens, dont la France, a crû en moyenne de 30% en 2022, d’après les dernières données du gouvernement britannique. L’économie de votre pays se porte-t-elle donc aussi mal qu’on ne l’a prédit ?

Les chiffres gouvernementaux sur ce point sont contestés, parce qu’ils omettent de prendre en compte l’ensemble des motifs pour lesquels la valeur des échanges commerciaux entre la Grande-Bretagne et la France, ou encore l’Allemagne, ont effectivement crû l’an passé. La première raison de cette croissance est à mon sens l’inflation, qui a provoqué une augmentation importante de la valeur des échanges commerciaux. Toutefois, cela ne signifie pas que les échanges aient augmenté dans les faits entre nos deux pays. Je soulignerais d’ailleurs une conséquence majeure et non-négligeable du Brexit : la fragilisation des petites entreprises britanniques, dont l’activité était facilitée, pour plusieurs d’entre elles, par le marché commun, où les tarifs douaniers étaient nuls. Leur réinstauration en janvier 2022 a provoqué la fermeture de plusieurs petites structures qui ne pouvaient plus payer les frais de douane.

Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022, la Grande-Bretagne s’est particulièrement distinguée par son dynamisme pour apporter son soutien à l’armée ukrainienne. Diriez-vous que le Brexit a permis à la Grande-Bretagne de prendre son indépendance en matière de diplomatie ?

À mon sens, la Grande-Bretagne aurait contribué tout autant à aider l’Ukraine si elle était restée membre de l’Union européenne. Dès 2015, les Britanniques, aux côtés des Français et des Allemands, assuraient l’entraînement des troupes ukrainiennes et leur fournissaient déjà de l’armement pour faire face à une éventuelle invasion de la Russie. Un aspect positif de la guerre en Ukraine est que le conflit a permis de rapprocher sensiblement la Grande-Bretagne de la France, mais aussi de ses autres partenaires européens, pour faire face à l’envahisseur russe.

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Le leader du parti travailliste (Labour), Sir Keir Starmer, paraît bien positionné pour gagner les prochaines élections législatives. Supposons qu’il les remportait, apporterait-il des changements dans la politique étrangère du gouvernement britannique ?

Je ne connais pas personnellement Sir Keir Starmer et je peux donc difficilement deviner ses intentions. Toutefois, ses déclarations en matière de politique étrangère ne divergent pas avec la ligne du gouvernement conservateur de Rishi Sunak. Il faut rappeler que dans notre pays, les questions internationales font l’objet d’une certaine unanimité d’un parti à l’autre, à quelques nuances près. Sir Keir Starmer a pris des positions très claires à propos du soutien de la Grande-Bretagne à l’Ukraine, tout comme au sujet du conflit Israël-Hamas, en appelant à des trêves humanitaires dans la bande de Gaza, tout en condamnant clairement le Hamas. Cette dernière position lui a valu beaucoup de critiques de la part de la frange pro-palestinienne du Labour, représentée notamment par son prédécesseur, Jeremy Corbyn. Il est donc peu probable que la politique étrangère de la Grande-Bretagne ne change si une majorité travailliste arrivait aux Communes aux prochaines élections, qui se tiendront au plus tard en janvier 2025. S’agissant enfin du rapprochement de la Grande-Bretagne avec l’Union européenne, il est certain que Keir Starmer y est plus favorable que le gouvernement actuel. Pour autant, un retour dans l’UE me semble aujourd’hui bien écarté.

Dans quels domaines souhaiteriez-vous voir la France et la Grande-Bretagne coopérer plus intensément dans les années à venir ?

La coopération franco-britannique dans le domaine de la Défense me paraît prioritaire. Nos deux pays ont des armées puissantes en comparaison avec leurs voisins européens et sont les seuls à pouvoir mener des projets d’ampleur. La France et la Grande-Bretagne sont par exemple à la tête de deux projets de construction d’avions de chasse nouvelle génération : le projet Tempest, conduit par mon pays, en partenariat avec le Japon et l’Italie et le Scaf, conduit par la France, l’Allemagne – qui hésite à s’en retirer – et bientôt l’Espagne. Il serait souhaitable que nous fusionnions ces deux projets.

Ensuite, nos deux pays doivent continuer à approfondir leur coopération en matière d’immigration, et je pense que nous sommes en bonne voie de parvenir à de bons résultats. Le traité signé à l’issue du sommet franco-britannique de l’Élysée, le 11 mars de cette année, a déjà contribué largement à faire baisser l’immigration illégale sur le sol britannique. Par ailleurs, la coopération de nos deux ministères de l’Intérieur a permis de lutter plus efficacement contre les gangs criminels, qui organisent les trafics de migrants.

Une autre avancée importante serait la reprise des échanges entre les écoles françaises et britanniques, qui se sont interrompus en janvier 2020. Grâce à un intense travail de lobbying auquel j’ai participé, le gouvernement vient d’ailleurs d’introduire une nouvelle législation, qui sera en vigueur à partir du 28 décembre. Celle-ci autorisera les écoliers des deux côtes de la Manche, qui voyagent dans le cadre d’un échange scolaire, d’être dispensés de visa ou de passeport.

Qu’est-ce qui a permis selon vous d’améliorer les relations franco-britanniques ces derniers mois ? Le départ de Boris Johnson peut-être ?

Il est certain que Boris Johnson et Emmanuel Macron ne s’entendaient pas bien. Toutefois, leurs rapports parfois conflictuels ne furent pas la seule raison du refroidissement des rapports entre nos deux pays entre 2020 et 2022. La signature du traité de défense AUKUS, entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis est un autre facteur important. Mais je me réjouis que trois évènements majeurs intervenus cette année aient permis de renouer nos relations bilatérales : d’abord, la signature du Windsor Framework (Cadre de Windsor), en février, qui a permis de régler la question du protocole en Irlande du Nord ; ensuite, le chaleureux sommet franco-britannique de l’Élysée du mois de mars et enfin, la visite de Charles III, au mois de septembre, qui fut un succès.

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Que pensez-vous de la visite de Charles III en France ? Quel rôle a-t-elle eu pour le réchauffement des relations franco-britanniques, bien qu’une visite d’un souverain britannique n’ait pas en principe de conséquences politiques ?

Vous l’avez bien souligné, une visite d’État d’un souverain britannique est apolitique par nature. Lorsqu’Emmanuel Macron a reçu Charles III, les thèmes abordés n’étaient pas les mêmes que lors du sommet du mois de mars. Il s’agissait plutôt de discuter des thèmes de prédilection du roi : le patrimoine, ou encore l’environnement.

Le grand succès de cette visite fut le banquet de Versailles, auquel j’ai eu l’honneur d’assister et qui fut très enrichissant. Il a permis de réunir 150 personnalités de tous horizons : acteurs, footballers, journalistes, hommes politiques, et d’échanger sur tous les sujets. Des telles occasions sont toujours précieuses en diplomatie et contribuent à rapprocher nos deux pays. Le soft power considérable qu’exerce le souverain doit d’ailleurs être souligné. Par ailleurs, Charles III n’a pas manqué de rappeler durant sa visite les liens historiques profonds entre la France et la Grande-Bretagne, ainsi que l’affection que sa mère, Elisabeth II, portait au peuple français et qu’il lui porte aussi.

En résumé, il me semble que les relations franco-britanniques ont encore un bel avenir devant elles.

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