Fort Boyard : de l’échec militaire à la réussite télévisuelle

16 août 2022

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Fort Boyard (c) Pixabay

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Fort Boyard : de l’échec militaire à la réussite télévisuelle

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Construit au XIXe siècle, fort Boyard n’a, pour ainsi dire, jamais servi en tant que tel, et il est resté à l’abandon pendant la majeure partie de son histoire. Bien malin aurait été celui qui aurait prédit le succès qu’il connaît depuis plus de 30 ans grâce à l’émission de télé qui porte son nom.

L’origine de la construction du Fort Boyard se trouve dans la création de l’arsenal de Rochefort, au XVIIe siècle. En effet, la rade protégée par l’île d’Oléron et l’île d’Aix constituait une pièce majeure du dispositif : elle protégeait l’accès au port en lui-même, et servait à l’armement des navires, qui ne pouvait se faire au chantier, à cause du tirant d’eau limité dans la Charente. Mais il y avait un trou dans la raquette : une zone hors de portée de l’artillerie entre l’île d’Aix et l’île d’Oléron.

Une construction très longue à se réaliser

Dès la création de l’arsenal, la construction d’un fort sur la longe de Boyard, afin de combler cette lacune d’artillerie, est envisagée. Mais le roi Louis XIV y renonce en raison de la difficulté technique, résumé par Vauban dans ces termes : « Sire, il serait plus facile de saisir la Lune avec les dents que de tenter en cet endroit pareille besogne ».

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C’est Napoléon Bonaparte qui relance le projet en 1801. Les travaux commencent en 1804, mais sont abandonnés en 1809 après la déroute de la bataille de l’île d’Aix. Il faut attendre 1841, sous le règne de Louis-Philippe, pour que sa réalisation soit remise au goût du jour. Les travaux s’achèvent en 1857 et le fort est armé en 1859. L’éperon brise-lame et le havre d’abordage, indispensables pour le ravitaillement et la protection contre les tempêtes, sont achevés en 1866.

Inutile dès sa mise en service

Mais la lenteur de sa construction lui a été fatale, car dans les années 1860 il est devenu inutile à deux titres. Tout d’abord, les progrès de l’artillerie ont fait disparaître la fameuse lacune, qui est sa raison d’être militaire. Ensuite, sur le plan diplomatique, la France et le Royaume-Uni se sont largement rapprochées avec l’Entente cordiale, grâce à des efforts débutés sous Louis-Philippe et continués sous Napoléon III. Désormais, le danger ne vient plus de l’ouest mais de l’est.

D’ailleurs, à la suite de la guerre de 1870, il accueille des prisonniers de guerre allemands. Sa vocation par défaut de prison perdure avec l’accueil de communards. Puis, devant son inutilité flagrante, il est officiellement désaffecté en 1913. Du reste, l’arsenal de Rochefort, qu’il devait protéger, est lui-même sur le déclin au début du XXe siècle, la Charente étant trop étroite pour les navires de guerre dont la taille a fortement augmenté grâce à la propulsion mécanique et aux coques en métal. En 1927, il ferme à son tour.

La résurrection sur le petit écran

La période d’abandon du fort a duré plusieurs décennies, et son classement comme monument historique en 1950 ne change rien à sa situation. En 1961, l’État le cède à un particulier, qui n’a pas les ressources nécessaires pour l’entretenir, et encore moins pour le restaurer. En 1988, il finit par le vendre à la société de production de Jacques Antoine, qui le cède à son tour au conseil général de Charente-Maritime contre un euro symbolique, et surtout la restauration de l’édifice, ainsi que l’exclusivité de son exploitation.

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En effet, Jacques Antoine avait découvert son intérêt télévisuel un peu moins de dix ans auparavant, dans une autre de ses émissions, La Chasse au trésor. Mais cette fois-ci, l’enjeu n’est plus le même : le monument doit devenir le décor de l’émission tout entière, baptisée Les Clefs de Fort Boyard, nom raccourci à la fin de la première saison en Fort Boyard, attestant ainsi de la parfaite communion entre l’édifice et l’émission.

Un succès dans tous les domaines

Le succès est total, et depuis 32 ans, Fort Boyard est devenu une émission incontournable de la grille de programmes estivale, dont certains personnages emblématiques appartiennent à la culture populaire, à l’exemple du Père Fouras et de Passe-Partout. Mais la réussite n’est pas seulement télévisuelle. Le Fort Boyard est devenu une tête d’affiche pour promouvoir l’ensemble du département de Charente-Maritime, et il n’est pas excessif d’affirmer que le générique de fin de l’émission est le clip de promotion touristique le plus diffusé de l’histoire de la télévision en France.

Cette réussite est également un succès pour la culture française, puisqu’elle s’exporte largement à l’étranger. Elle a ainsi été diffusée dans 70 pays environ, y compris en Russie ou aux États-Unis. Mais dans ce domaine, la plus grande ironie du sort reste la suivante :  le premier pays étranger dans lequel l’émission a été exportée est le Royaume-Uni. Celui-là même que le Fort Boyard devait, à sa construction, servir à combattre.

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Photo : Fort Boyard (c) Pixabay

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À propos de l’auteur
Jean-Yves Bouffet

Jean-Yves Bouffet

Officier de la marine marchande.

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