État de droit et fonds européens, le bonneteau favori de Bruxelles 

30 mars 2024

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Commission européenne. (C) Wikipedia.

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État de droit et fonds européens, le bonneteau favori de Bruxelles 

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Le ton monte entre la Slovaquie et Bruxelles. Les politiques conduites par le Premier ministre Robert Fico ne plaisent pas aux instances européennes, qui pourraient décider de geler les avoirs promis. Les fonds européens deviennent ainsi un objet de pression politique. 

Le bulletin paroissial de la bulle bruxelloise Politico était fier d’annoncer en grande pompe le 20 mars que la Slovaquie deviendrait fort probablement le prochain État membre à faire l’objet d’un chantage aux fonds européens sur d’obscurs critères liés à l’État de droit. C’était prévisible, le Premier ministre Robert Fico, de retour au pouvoir à l’automne dernier, étant depuis des années dans le collimateur de Bruxelles. 

Le « problème Fico »

Selon Politico, la Slovaquie de Fico serait sur le point de passer dans le camp du Mal, celui des dirigeants que les adorateurs de l’UE qualifient de corrompus, d’adversaires de l’État de droit et des valeurs européennes. Et dans le cas de Fico comme dans celui de son acolyte « illibéral » Orbán, la Russie n’est jamais loin, les deux hommes étant contre l’envoi d’armes à Kiev. Le terme « pro-russe » fuse à n’en plus finir. C’est tout vu : Fico est un « problème », un casse-tête pour l’UE. Tout cela, sans même évoquer les positions polémiques de Robert Fico en matière de « politique sanitaire ». 

Robert Fico serait sur les traces de Viktor Orbán. Aux mêmes maux les mêmes remèdes. D’après les informations de Politico, l’UE envisage de mettre en place le même arsenal de chantage financier pour faire plier Fico, le ramener à la raison. « Fico ne peut pas s’en tirer comme ça » déclare à Politico Martin Hojsík, eurodéputé slovaque, membre du groupe Renew et vice-président du Parlement européen, autrement dit un adversaire politique du Premier ministre slovaque. Il ajoute :

« La Commission est bien plus encline à ne pas répéter les erreurs commises en Hongrie à propos d’une situation qui a été tolérée pendant bien trop longtemps et qu’Orbán a été autorisé à envenimer. »

Un discours bien rodé 

Les éléments de langage utilisés contre Fico sont bien connus : État mafieux, corruption, attaques contre la liberté de la presse, etc. Ce sont les mêmes que ceux utilisés par le passé contre les conservateurs polonais, jusqu’à ce que ces derniers ne perdent le pouvoir en octobre 2023 au profit de Donald Tusk. Le nouveau chef de gouvernement polonais se soucie d’ailleurs peu de l’État de droit pour assoir son pouvoir. Il a pris le contrôle de la télévision publique en déployant des forces de police sur place, prévoit la dissolution de l’agence de lutte contre la corruption, le limogeage du président de la banque centrale (une mesure que même Christine Lagarde a dénoncé), remanie la magistrature à sa guise, fait arrêter des dirigeants politiques conservateurs et réprime de manière musclée des manifestations. Dans le silence de Bruxelles, bien que France Télévisions reconnaisse qu’il s’agit là d’une « méthode biélorusse ». Mais employée pour la bonne cause, donc avec l’aval de Bruxelles. 

Donald Tusk a d’ailleurs réussi à obtenir fin février le feu vert de la Commission pour le versement des 137 milliards d’euros dus à la Pologne, retenu en raison d’atteinte à l’État de droit et aux valeurs de l’UE. Par cette décision, l’UE lève le voile : le gel de fonds européens est en réalité purement politique. Être du bon côté du manche permet de les obtenir séance tenante, même si l’on fait des violations de l’État de droit un véritable sport, comme c’est le cas de Tusk depuis qu’il est de retour aux affaires. Feu sur Fico, donc, et encouragements à Tusk. 

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Élection présidentielle en Slovaquie

Bien que le rôle du président en Slovaquie soit largement protocolaire, il est élu au suffrage universel direct et a dans la cadre de cette nouvelle ère Fico une importante toute particulière. Le deuxième tour de cette élection se tiendra le 6 avril et verra s’opposer un candidat pro-UE Ivan Korčok, opposant à Fico, et Peter Pellegrini, soutenu par Fico, plaidant pour des négociations de paix en Ukraine, décrit comme étant « pro-Moscou », ayant respectivement obtenu 42,5% et 37% des suffrages au premier tour du 23 mars. 

Bruxelles soutient évidemment Ivan Korčok, qui serait un président dans les pas de Zuzana Čaputová. Son élection ne remettrait pas a priori en cause la politique menée par le Premier ministre, mais déboucherait sur une situation institutionnelle intéressante. À l’inverse, l’élection de Pellegrini favoriserait Fico, quoiqu’augmenterait probablement la volonté de Bruxelles de faire pression sur le gouvernement slovaque en conditionnant le versement des fonds européens à des critères officiellement liés au respect de l’État de droit, mais en réalité politique. En tout état de cause, les derniers mois en Slovaquie et en Pologne auront mis à jour l’évidence du caractère politique du versement des fonds européens. Bruxelles est bien décidé à faire chanter quiconque passera dans le mauvais camp. À bon entendeur. 

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Commission européenne. (C) Wikipedia.

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À propos de l’auteur
Yann Caspar

Yann Caspar

Yann Caspar est journaliste et chercheur au Centre d'études européennes du Mathias Corvinus Collegium à Budapest.
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