<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> L’émergence silencieuse de Madrid

7 février 2020

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Le Palais de Cybèle, hôtel de ville de Madrid : quand la beauté architecturale rencontre la grandeur historique, (c) Pixabay.

Abonnement Conflits

L’émergence silencieuse de Madrid

par

Madrid la silencieuse est en train de prendre son envol et de détrôner Barcelone comme ville et région dynamique. Voilà de quoi réveiller la jalousie des indépendantistes catalans qui cultivent une haine froide à l’égard de la capitale de l’Espagne. Madrid sait tirer profit de ses atouts comme de l’incertitude catalane causée par les mouvements sécessionnistes.

Entre février 2001 et juillet 2003, le socialiste Pasqual Maragall, maire de Barcelone puis président régional catalan, publie dans El País deux tribunes dans lesquelles il déplore le désintérêt croissant de Madrid pour le reste de l’Espagne. La capitale espagnole veut désormais tutoyer Paris, Londres ou Miami, et l’agglomération barcelonaise se fait distancer par une métropole qui ne cesse d’évoluer depuis des décennies.

Alors que Madrid végète durant la dictature franquiste (1939-1975), c’est avec la démocratisation du pays et sa décentralisation toujours plus poussée qu’elle prend son envol. Une transformation silencieuse, car méconnue du grand public en dehors des frontières espagnoles, notamment en France.

A lire aussi: Une nation sans récit-L’Espagne empêtrée dans la (re)lecture de son histoire

Le grand pôle économique espagnol

Peuplée de 3,2 millions d’habitants (pour 5,5 millions dans son aire urbaine), Madrid est la troisième ville de l’Union européenne, derrière Londres et Berlin. Son statut de capitale a certes favorisé l’installation des institutions politiques, culturelles et diplomatiques d’Espagne, mais il ne peut tout expliquer. Aujourd’hui, la Bourse de Madrid abrite en effet le quatrième indice du continent (l’Ibex 35) et le deuxième indice latino-américain (le Latibex). Siège de la plupart des multinationales espagnoles, elle est la deuxième ville de l’UE pour l’organisation de congrès et de conventions en 2018, derrière Vienne.

Notons également que la Communauté de Madrid est la première région espagnole en termes de PIB par habitant : près de 35 000 euros en 2018, contre 30 700 pour la Catalogne. Il faut dire qu’outre la capitale elle-même, certaines communes de sa banlieue (Pozuelo de Alarcón, Boadilla del Monte, Las Rozas de Madrid) comptent parmi les plus aisées du pays. D’autres, comme Coslada, accueillent des pôles technologiques et logistiques majeurs. En Espagne, les investissements venus de l’étranger se concentrent d’ailleurs dans la capitale et son agglomération (plus de 85 % au premier semestre 2019). Si le phénomène n’est pas nouveau, il s’accélère à la faveur des troubles séparatistes en Catalogne.

Le duel Madrid-Barcelone au cœur des évolutions

Bien que la rivalité qu’entretiennent Madrid et Barcelone ait traditionnellement tourné en faveur de cette dernière, le déclin catalan s’accompagne, depuis une trentaine d’années, d’un réel essor de la Villa y Corte (siège de la monarchie espagnole). En 1980, la richesse totale de la Catalogne était supérieure d’environ 36 % à celle de la région de Madrid ; en 2018, les deux communautés autonomes sont quasiment à égalité. D’industrialisation tardive, la capitale fait le choix (par une fiscalité avantageuse et une main-d’œuvre très qualifiée) des activités à forte valeur ajoutée : aéronautique et astronautique (trois quarts des ventes espagnoles dans le domaine), transports, finance, technologies de l’information, immobilier de luxe, tourisme culturel.

A lire aussi: L’économie andalouse, mine d’or mal exploitée

La projection nationale et mondiale de Madrid

La richesse de l’agglomération madrilène irradie aujourd’hui la Castille environnante (provinces de Tolède, Guadalajara, Ségovie et Ávila). La Meseta centrale n’est cependant pas le seul espace géographique qui compte, car elle est aussi tournée vers l’Amérique latine. Tandis que la Catalogne joue la carte de la proximité avec la France et le reste de l’Europe, Madrid regarde outre-Atlantique. En 2019, l’aéroport Adolfo-Suárez (qui dessert la capitale) est un hub européen de tout premier ordre vers le monde hispanophone. De même, de plus en plus de jeunes Latino-Américains viennent poursuivre leurs études supérieures dans les universités et écoles de commerce madrilènes.

Pourtant, quelque chose fait encore défaut à la capitale : une projection médiatique et symbolique internationale, justement conférée à Barcelone par les Jeux olympiques de 1992. C’est ce qui explique les candidatures de Madrid pour les JO de 2012, 2016 et 2020 – qui ont été autant d’échecs.

La présence de sites culturels majeurs à proximité de la capitale peut contribuer à ce rayonnement – c’est le cas du Puy du Fou à Tolède, à 80 kilomètres au sud. Ouvert en 2019 avec un spectacle retraçant l’histoire de l’Espagne, il vient confirmer la vocation intégratrice de Madrid, qui donne une nouvelle impulsion au « roman national ».

 

Mots-clefs : ,

Temps de lecture : 3 minutes

Photo : Le Palais de Cybèle, hôtel de ville de Madrid : quand la beauté architecturale rencontre la grandeur historique, (c) Pixabay.

À propos de l’auteur
Nicolas Klein

Nicolas Klein

Nicolas Klein est agrégé d'espagnol et ancien élève de l'ENS Lyon. Il est professeur en classes préparatoires. Il est l'auteur de Rupture de ban - L'Espagne face à la crise (Perspectives libres, 2017) et de la traduction d'Al-Andalus: l'invention d'un mythe - La réalité historique de l'Espagne des trois cultures, de Serafín Fanjul (L'Artilleur, 2017).
La Lettre Conflits
3 fois par semaine

La newsletter de Conflits

Voir aussi

Pin It on Pinterest