Du producteur au consommateur, l’énergie dessine des routes terrestres et maritimes qui façonnent les réseaux et les liens entre les États. Ce sont autant de zones et de lignes à sécuriser et à protéger pour assurer l’indépendance énergétique des pays.
Terrestres ou maritimes, les routes du pétrole utilisent aussi bien les pipelines que les bateaux. Les pétroliers géants atteignent des proportions démesurées. L’armateur grec Aristote Onassis fut le premier à lancer la course au gigantisme en faisant construire dans les années 1930 l’Ariston, qui atteignait 15 000 tonnes quand les navires de l’époque se limitaient à 10 000. Il fut ensuite dépassé par le Batillus (1976) appartenant à la Shell et construit par les chantiers de l’Atlantique puis par le Pierre Guillaumat (1977), propriété d’Elf, qui fut le plus grand navire jamais construit (550 000 tonnes). Cette course au gigantisme résultait de la fermeture du canal de Suez à la suite de la guerre des Six Jours (1967). Les pétroliers devant désormais contourner l’Afrique, il leur fallait rentabiliser la longueur du trajet en transportant davantage de pétrole. De plus, ne passant plus par le canal de Suez, ils n’étaient plus limités par le gabarit de celui-ci. La réouverture de Suez rendit inutiles des bateaux aussi gros, qui avaient en outre l’inconvénient de ne pas pouvoir entrer dans tous les ports. L’agrandissement effectué en 2015 a permis de réduire le temps de traversée du canal et d’accueillir des navires de 350 000 tonnes de port en lourd (Tpl).
Détroits et points de passage
Les principales routes utilisées passent par le golfe Persique, le golfe de Guinée, la mer du Nord, l’Alaska et les Caraïbes. Les points de transit concernent le canal de Suez, le détroit de Malacca et le cap de Bonne-Espérance. Le canal de Panama est assez peu utilisé par les pétroliers du fait de sa largeur limitée et de son faible tirant d’eau.
Le détroit d’Ormuz est l’un de ces lieux de passage essentiels et de ce fait un pôle majeur de la mondialisation économique. Reliant le golfe Persique et le golfe d’Oman, il est long de 63 km et large de 40 km, ce qui en fait un lieu assez étroit, et donc problématique pour le croisement des pétroliers. 30 % du commerce mondial du pétrole transitent par ce détroit, qui est le point de passage obligé pour sortir la production des pays arabes et des émirats. 2 400 pétroliers y transitent ainsi chaque année.
Le Pas-de-Calais est l’autre détroit majeur du transport maritime d’énergie, où se croisent pétroliers et méthaniers. Avec 400 navires qui y transitent chaque jour, il est le détroit le plus fréquenté au monde par la marine marchande. Il est en effet le point de passage pour rejoindre les grands ports de la mer du Nord, ainsi que le port de Londres et de Dunkerque. Il est la porte d’entrée de la ceinture maritime nord-européenne, et de ce fait, un haut lieu stratégique. Sa largeur minimale étant de 33 km et sa profondeur moyenne de 30 mètres, c’est un lieu à risque pour les bateaux qui le traversent, d’autant plus qu’il est soumis aux tempêtes, aux vents violents et aux creux, renforcés par le goulot d’étranglement qu’il représente. Cela nécessite une veille constante de la part des autorités maritimes afin d’éviter des accidents, qui ne sont finalement pas très nombreux.
Le canal de Suez est la principale voie de transit du trafic maritime mondial, 8 %, soit légèrement plus que le détroit de Malacca. Le canal de Panama voit passer, quant à lui, 5 % du commerce mondial. Suez est la porte de l’Asie et du golfe Persique et le point de passage nécessaire pour assurer le transit de l’énergie des Émirats arabes vers l’Europe. Malacca quant à lui est le détroit qui permet le passage des pétroliers qui se rendent vers la Chine et le Japon. Ce long couloir maritime longe la Malaisie, Sumatra et Singapour. Il borde de nombreuses îles, qui sont autant de lieux où peuvent se cacher les pirates de la mer.
La sécurité des routes commerciales est en effet un enjeu majeur. Le danger peut être climatique, comme pour le Pas-de-Calais et ses tempêtes, ou militaire, comme pour le détroit d’Ormuz et les tensions avec l’Iran, pour Panama et la rivalité avec les États-Unis, ou encore criminel. C’est le cas de Malacca, où sévissent de nombreux pirates, mais aussi du golfe d’Aden et du détroit de Bab-el-Mandeb. D’où l’importance d’une présence militaire, comme à Djibouti pour l’armée française. En 2017, la Chine s’est elle aussi installée à Djibouti, témoignant de sa volonté de contrôler cette voie maritime stratégique. La Corne de l’Afrique a fait l’objet de nombreuses attaques de piraterie entre 2005 et 2012, pénalisant d’autant le trafic maritime mondial. Attaquant les navires avec des roquettes et des kalachnikovs, les pirates ont mené leurs opérations jusqu’aux rivages indiens. Il a fallu l’intervention des marines françaises et russes pour mettre un terme à ces rackets et assurer la pacification de la zone.
Le cap de Bonne-Espérance est l’autre grand passage commercial du monde. Il assure la jonction entre l’océan Atlantique et l’océan Indien et la remontée par le canal du Mozambique. L’ouverture du canal de Suez a rendu moins nécessaire le trafic par le Cap, même si c’est encore l’une des grandes routes mondiales.
Pour le futur, l’inconnu demeure la route du Nord. Beaucoup de choses sont dites sur cette route de l’Arctique, sur ses promesses et sur ses défis. La fonte des glaces d’une part, l’amélioration des bateaux brise-glace qui permettent d’y passer d’autre part, pourraient donner à cette route une importance stratégique majeure. Elle permettrait de diviser par deux le temps de trajet Europe-Asie aujourd’hui nécessaire en passant par Suez ou Panama. Elle rendrait beaucoup moins utile le canal de Panama, qui connaît pourtant des travaux d’agrandissement, et moins nécessaire le canal de Suez. La route du Nord aurait cette particularité de resserrer le trafic mondial autour des grands pôles de la mondialisation que sont les États-Unis, la Russie et l’Europe. Alors qu’aujourd’hui le trafic maritime inclut des zones périphériques dans la mondialisation, si la route du Nord venait à être ouverte, l’Afrique, le golfe d’Aden, le détroit de Malacca perdraient de leur importance au profit des rivages américains, russes et européens de l’Arctique. L’ouverture de cette route fermerait donc le monde à ses périphéries pour le recentrer vers ses pôles actifs.
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La Méditerranée, la grande route de l’énergie
La Méditerranée pourrait être le grand carrefour énergétique des prochaines décennies. La découverte par ENI de gisements de gaz au large de l’Égypte est complétée par la prospection gazière au large de Chypre. Celle-ci est menée par Total, associé à ENI, avec le soutien logistique de l’armée française. Les forces de la Royale présentes au Liban appuient les opérations de prospection conduites en Méditerranée orientale. Le ministre des Armées de la France s’est même rendu sur place en juillet 2017 pour inspecter les troupes et s’assurer de la bonne coopération entre Total et les forces militaires.
C’est que la zone est d’une extrême importance. Les gisements de gaz sont très riches, ce qui permettrait de compenser la diminution des gisements de la mer du Nord. On verrait ainsi un basculement stratégique vers le sud de l’Europe. La zone est d’autant plus délicate que la Turquie contrôle le nord de Chypre et espère donc prendre sa part du butin gazier. Le Liban et la Syrie pourraient aussi tirer profit de ces champs énergétiques, ce qui pourrait être une aubaine pour ces pays en reconstruction.
Le passage des champs gaziers est donc un enjeu majeur de la Méditerranée pour la prochaine décennie, d’autant que de nombreuses routes énergétiques passent déjà par cette mer. Greenstream est ainsi le plus long gazoduc de la Méditerranée. Il relie l’ouest de la Libye à la Sicile et à l’Italie continentale. Long de 540 kilomètres, il a été inauguré en 2004. Son diamètre est de 810 mm et sa capacité est de 11 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an. Il comprend aussi la station de compression de Mellitah et le terminal de réception de Gela.
Greestream est une portion d’un système de gazoduc beaucoup plus large qui relie l’Europe à l’Afrique. Il se greffe en effet sur le Transméditerranéen, qui part de Hassi R’Mel en Algérie et qui rejoint l’Italie via la Tunisie. Hassi R’Mel est le plus grand gisement de gaz naturel du continent africain et le carrefour des gazoducs du continent. C’est de cette ville que part Medgaz, qui rallie l’Espagne à l’Algérie. C’est de là aussi que doit partir le Transsaharien, un vaste projet de gazoduc, d’une longueur de plus de 4 000 km, qui devrait être opérationnel en 2020. Il doit rallier Warri, au Nigeria, à Hassi R’Mel, assurant ainsi la jonction entre le golfe de Guinée et l’Europe. Il n’est pour l’instant pas opérationnel et les troubles militaires qui parcourent le nord du Nigeria comme le Niger et le sud du Sahara algérien rendent son inauguration improbable. Pour des pirates, l’attaque de bateau est une chose complexe, alors que l’attaque de gazoduc est beaucoup plus simple. Il est très difficile de sécuriser une route aussi longue, d’autant qu’elle doit traverser des zones du monde qui sont particulièrement dangereuses. Outre les éléments techniques, qui concernent les ingénieurs, les routes de l’énergie recèlent des éléments sécuritaires qui sont de l’ordre des États et des entreprises gestionnaires via les sociétés de protection privées.
Entre l’Oural et l’Atlantique
L’interdépendance énergétique de l’Europe passe aussi par l’Est et par la Turquie. À l’Est, ce sont les routes du gaz et du pétrole qui proviennent de la Russie. Ce sont notamment les routes North Stream et Yamal. Côté mer Noire, c’est la route Blue Stream et les projets Yanap et White Stream. North Stream relie la Russie à l’Allemagne via la Baltique. Il était question de doubler la route pour accroître les échanges d’énergie, mais ce projet n’a pas vu encore le jour du fait de l’opposition de certains pays européens, comme la Pologne, et des États-Unis ; il est pour l’instant gelé. North Stream est construit par Gazprom, qui détient la majorité du capital de la société gestionnaire. Yamal est l’autre grande route du gaz. Le gazoduc relie la péninsule de Yamal à la Pologne sur plus de 4 000 km. Il comprend quatorze stations de compression. Ces deux gazoducs sont ensuite reliés à des routes mineures qui permettent d’alimenter le reste du continent. Cela témoigne de l’interdépendance entre l’Europe et la Russie. Celui qui achète est tout aussi dépendant que celui qui vend.
Au sud de l’Europe, les tubes passent par la Turquie et la mer Noire, zones géopolitiques beaucoup plus troubles et délicates. Le gazoduc transanatolien, dit Tanap, relie Bakou à l’Europe en passant par la Turquie. Il a été inauguré en juin 2018 et il doit entrer au fur et à mesure en phase de plein débit. Il est prévu qu’il puisse fournir 23 milliards de mètres cubes de gaz par année et 60 milliards de mètres cubes au sommet de son activité. Blue Stream est un autre gazoduc conduit par Gazprom, qui relie le Caucase russe à la Turquie.
L’approvisionnement en gaz de l’Europe vient principalement de trois pays : Russie (plus de 40 %), Norvège (plus de 20 %), Algérie (plus de 10 %). Elle dépend donc fortement des importations de Russie et cherche à trouver des sources différentes ; le gaz de schiste américain, qui devrait alimenter le terminal de Swinoujscie en Pologne, pourrait y contribuer. L’Union a aussi fait échouer le projet South Stream qui aurait accru sa dépendance envers la Russie et, conjointement avec les États-Unis, elle tente de bloquer le projet d’extension de North Stream (North Stream II).
S’il n’y a pas de guerre du gaz, il y a en revanche des rivalités dans le passage des tubes, notamment entre South Stream et Nabucco.
South Stream devait acheminer le gaz du sud de la Russie en Europe, en passant par la mer Noire et le sud de l’Europe (Bulgarie, Roumanie) ce qui aurait permis de contourner l’Ukraine. Le projet était conduit par Gazprom, avec l’accord de la Turquie. South Stream permettait l’évacuation du gaz de la Caspienne et du Kazakhstan, concurrençant directement le projet Nabucco, soutenu lui par les États-Unis et l’Union européenne. La rivalité États-Unis/Russie se manifeste donc aussi dans le choix des routes du gaz. EDF et ENI devaient néanmoins participer au projet South Stream. Celui-ci fut finalement abandonné en décembre 2014. Un autre projet a vu le jour à sa place, passant toujours par le sud de la Russie et la Turquie, Turkish Stream.
Le projet Nabucco part de l’Iran, passe au sud du Caucase et en Turquie pour rejoindre le sud de l’Europe. L’objectif de ce tube est de diversifier les sources d’approvisionnement et de ne pas dépendre uniquement du gaz russe, notamment pour les pays d’Europe centrale très dépendants à l’égard de Moscou. Il est aujourd’hui remis en question.
Si l’Europe, en dehors de la mer du Nord, n’a pas de gaz, elle a la chance d’être entourée de gisements de gaz très prometteurs : Méditerranée, Maghreb, Russie, mer Caspienne, Iran, ce qui lui permet de jouer sur la pluralité des sources d’approvisionnement, d’une part pour bénéficier de bons prix, d’autre part pour conserver son indépendance énergétique.
Au chapitre « rêves et désirs », les routes du Nord figurent en bonne place. D’une part pour le transport des marchandises et le passage des bateaux, la route du Nord offrant une économie de temps très importante, d’autre part pour les gisements énergétiques qu’elle promet de mettre à jour. L’océan Arctique borde l’Alaska et ses gisements de gaz et de pétrole ; il borde également le Canada et le détroit de Melville, avec ses gisements de pétrole, ainsi que la Russie et la mer de Barents, débouché des gisements pétroliers et gaziers. Enfin, l’Arctique est une voie de passage pour les gisements de gaz de la mer du Nord et donc un haut lieu stratégique pour la Norvège. À cela s’ajoutent de nombreuses zones d’exploration, notamment au Spitzberg. Et il y a bien sûr tout ce qui n’a pas encore été découvert, ce qui rend cette zone d’autant plus attirante. La soif de la promesse aiguise les appétits.
Dans ces espaces en reconfiguration, qui sont d’autant plus mouvants qu’ils sont de nouvelles frontières, les délimitations étatiques et les zones économiques exclusives (ZEE) restent à définir. Cela promet de belles batailles juridiques et des tensions internationales massives, ainsi que de nouvelles frictions entre les États-Unis et la Russie, plus voisines que jamais dans cette zone.
Le Pacifique est certes une zone mineure de la production énergétique, mais pour les pays concernés ses ressources sont essentielles. Indonésie, Malaisie, Brunei, Thaïlande, Vietnam, Australie produisent à la fois du pétrole et du gaz. Les problématiques sont les mêmes que dans les autres zones : allier préservation de l’environnement et exploitation industrielle, trouver des capitaux et des financements, assurer les débouchés des matières produites. Sur ce puzzle émietté plane l’ombre d’un grand : la Chine, qui n’a à redouter ici ni la Russie ni les États-Unis. Pékin peut faire du Pacifique son arrière-cour, comme autrefois le Japon, sans que les autres pays n’aient de réels moyens de s’y opposer. La Chine contrôle les détroits et les voies de passage et se dote d’une marine qu’elle espère capable de faire la police au milieu de ces îlots épars et dispersés. Pendant que les deux grands se disputent le Moyen-Orient, l’Asie centrale et le Grand Nord, la Chine espère pouvoir faire main basse sur le Pacifique sans que cela ne suscite trop d’atermoiements. L’Australie toutefois se réveille et commence à s’inquiéter de la présence chinoise.
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Les routes de l’électricité
Les autres grandes routes de l’énergie concernent l’électricité. Ces routes ont leurs spécificités : l’électricité ne pouvant pas être stockée, il faut la consommer au fur et à mesure de sa production. Le transport est complexe, nécessitant des lignes à haute tension et des transformateurs, avec les pertes de puissance qui l’accompagnent. Les principales routes de l’électricité se trouvent en France, grâce notamment à la puissance de ses nombreux réacteurs nucléaires et à sa situation de centre géographique du continent. L’Europe centrale a aussi une part importante, avec l’Allemagne, la République tchèque et l’Autriche. Puis viennent les Pays-Bas et la Belgique.
Si l’Europe, en particulier la France, veut remplacer ses voitures thermiques par des voitures électriques alors il lui faudra revoir et consolider son réseau afin d’être capable de soutenir la demande et les besoins en énergie électrique. Cela pose des contraintes logistiques qui, pour l’instant, ne sont pas résolues par les ingénieurs d’Enedis.
Les chemins de l’électricité sont aussi fragiles lors des intempéries, comme le démontrent les tempêtes ou les chutes de neige. Les câbles peuvent casser sous le poids de la neige ou les pylônes se renverser sous l’effet du vent ou de la chute des arbres, comme la tempête de 1999 l’a montré. Contrairement aux tubes de gaz et de pétrole, le réseau électrique est donc beaucoup plus fragile, ce qui suppose du personnel capable d’agir rapidement pour remettre le réseau en état de fonctionnement et raccorder les zones isolées par la rupture de celui-ci. Même si l’accès au gaz et au pétrole concerne tout le monde, le réseau électrique bénéficie d’une proximité avec la population que les deux autres n’ont pas. Ce qui suppose aussi de le protéger, notamment contre des attaques terroristes. D’où la surveillance accrue des centrales nucléaires ainsi que des transformateurs électriques et des postes de rupture de charge. La sécurité est un enjeu continu dans le transport de l’énergie.
Les enjeux de la mer de Chine
La mer de Chine est l’autre zone géopolitique à fort enjeu énergétique. Outre les zones de passage, dont le détroit de Malacca, l’enjeu concerne la délimitation des frontières maritimes afin de posséder les fonds sous-marins que l’on suppose riches en hydrocarbures. C’est le cas autour des îles Paracels et au large de la Malaisie. À cela s’ajoutent les îles Spratleys, revendiquées par de nombreux États de la région, dont la Chine, le Vietnam, les Philippines et Brunei. Contrôler les îles, c’est contrôler des ports et des axes de passage, donc les pétroliers et les méthaniers qui croisent au large. Il est ensuite possible d’y installer une base militaire pour s’assurer de la mainmise sur la zone, voire d’interdire l’accès à des États ennemis. C’est ce que démontrent les frictions en mer d’Azov entre la Russie et l’Ukraine, la première empêchant les bateaux de Kiev de rejoindre le port de Marioupol.
Le contrôle des îles entre dans la stratégie chinoise du collier de perles qui doit implanter la présence de Pékin jusque dans l’océan Indien et au-delà, puisque la Chine a installé une base militaire à Djibouti. Le grand jeu maritime chinois s’enroule donc autour de la sécurisation des routes d’approvisionnement énergétique. Raisons aussi pour lesquelles la Chine avait investi dans le canal du Nicaragua, en espérant concurrencer et dépasser Panama, même si le projet semble arrêté alors que le canal devait être inauguré en 2020. Ce déploiement géostratégique pourrait être contrarié par l’ouverture de la route du Nord, qui rendrait alors inutile pour un certain nombre de bateaux le passage par Aden et Malacca. Le Japon, jusqu’à présent un peu excentré, pourrait alors se retrouver à proximité de cette nouvelle route, beaucoup plus que la Chine. De quoi reconfigurer la géopolitique des routes énergétiques et rendre obsolète, peut-être, le plan de déploiement de la Chine.
Atlantique : le renouveau d’un centre
Le Pacifique et la route du Nord ne sont pas les seules routes importantes des flux énergétiques. L’Atlantique est aussi une zone majeure, notamment pour le transport entre le continent américain, l’Europe et l’Afrique. Après 2001, les États-Unis ont diversifié leurs sources d’approvisionnement en pétrole, en réduisant la part achetée dans le golfe Persique pour accroître celle achetée dans le golfe de Guinée. Cela a profité aux pays africains possesseurs de champs pétrolifères et a accru le commerce transatlantique entre les deux rives. Mais l’accroissement du pétrole et du gaz de schiste aux États-Unis a fait baisser la part d’hydrocarbures achetés dans le golfe de Guinée, et donc le commerce entre les deux rives, déstabilisant les pays d’Afrique qui avaient misé sur cette rente commerciale.
Les États-Unis produisent le pétrole et le gaz qu’ils consomment ou bien en achètent à leurs voisins proches : Mexique, Canada, Venezuela, Caraïbes (Trinidad et Tobago). Cette relative autonomie est l’un des facteurs de leur puissance. D’autant que pour édifier les routes et les tubes de l’énergie, il faut disposer d’importants capitaux pour assurer les investissements et les retards qui surgissent lors de chacun de ces projets. Cela nécessite d’être financé par des États, des banques ou des entreprises qui ont de solides capitaux à investir, ce qui exclut les petits États. En matière énergétique, l’avenir appartient aux acteurs qui sont déjà présents. D’autant que la forte variation des cours, notamment du pétrole, peut faire subir de lourdes pertes aux entreprises qui ont investi, voire les acculer à la faillite. Le transport de l’énergie demeure donc un secteur économique difficile et soumis aux aléas mondiaux.