En reconduisant Mohamed El Ghazouani, donné gagnant de l’élection présidentielle avec 56,12 % des suffrages, le peuple de ce pays du Sahel, situé à la charnière du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest, a opté pour la continuité et le développement. Pour la République islamique de Mauritanie, rare pôle de stabilité dans une Afrique de l’Ouest marquée par les attentats djihadistes et les coups d’État prétoriens, l’ère Ghazouani marque aussi la continuité d’une politique sécuritaire qui a fait ses preuves.
Dans une région où les coups d’État militaires se sont multipliés du Mali au Gabon et du Burkina Faso à la Guinée au cours de ces quatre dernières années, la reconduction de l’ancien général Mohamed El Ghazouani fait exception. Bien qu’ayant participé à deux des six coups d’État qui ont secoué la Mauritanie depuis son indépendance en 1960, son élection en 2019 à la magistrature suprême avait déjà représenté la première transition pacifique du pouvoir dans ce vaste pays désertique de quelque 4,9 millions d’habitants, s’étendant sur un million de km². Issu de l’influente tribu maraboutique des Ideiboussat, le chef de l’État est parvenu à contrôler le système politique maure (la communauté dominante), le plus riche et le plus puissant de ce pays multiethnique où les combinaisons politiques résultent de subtiles alliances entre tribus. Mohamed El Ghazouani a su tendre la main à l’opposition, a étendu les avantages sociaux et s’est émancipé de son prédécesseur Mohamed Ould Abdel Aziz, condamné en décembre 2023 à cinq années d’emprisonnement pour « enrichissement illicite » et « blanchiment ».
Diplômé de l’Académie royale militaire de Meknès, au Maroc, ayant gravi les échelons en tant que responsable du renseignement, chef d’état-major, puis ministre de la Défense, le président Ghazouani a une bonne connaissance des arcanes de la défense nationale. Depuis longtemps, l’armée est au centre des préoccupations, les soldes ont été revalorisées, des formations à l’étranger ont été proposées aux officiers. Il a joué un rôle décisif dans l’éloignement de la filiale d’al-Qaïda du pays en lui portant une série de coups fatals entre 2005 et 2011. Une combinaison de pourparlers, d’efforts, de médiation avec les islamistes, de mobilisation des communautés religieuses et ethniques composant ce pays, avancé de la Ligue arabe sur le continent africain.
La Mauritanie : exception sécuritaire dans le paysage sahélien
Mohamed Ould Ghazouani, nouveau président en exercice de l’Union africaine
Membre du G5 Sahel qui a su garder une neutralité lors des différents changements antidémocratiques qui ont secoué la région, Nouakchott a refusé de trancher entre soutien aux putschistes et alignement sur la position de la Cedeao. Après le coup d’État au Niger, la Mauritanie a d’abord dénoncé le coup de force du général Abdourahamane Tiani, ancien chef de la garde présidentielle, alors qu’ elle n’a jamais officiellement pris position sur le sort du Malien Ibrahim Boubacar Keïta, renversé en 2020, du Guinéen Alpha Condé, en 2021 ou du Burkinabé Roch Marc Christian Kaboré, en 2022.
Il n’est donc pas étonnant que cet homme de consensus soit apparu comme le candidat idéal pour relancer les discussions avec les régimes putschistes au Mali, pays avec lequel il partage 2 236 km de frontières, au Burkina Faso et au Niger. Poussé par ses voisins d’Afrique du Nord, qui devaient désigner l’un des leurs pour assurer la présidence tournante de l’UA en 2024, Nouakchott a fini par céder pour éviter le blocage de l’institution. Dans une région où les voisins algérien et marocain se regardent en chiens de faïence, Mohamed El Ghazouani s’est imposé comme homme de consensus, apprécié de ses pairs et des partenaires internationaux.
Nouakchott s’est rapproché de Bruxelles, qui collabore avec les services de sécurité mauritaniens pour gérer les flux migratoires. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé début février un soutien financier de 210 millions d’euros pour aider la Mauritanie à sécuriser sa frontière avec le Mali et surveiller ses côtes, longées par les embarcations de migrants qui tentent la traversée vers les îles Canaries, où 18 000 migrants irréguliers sont arrivés cette année, une hausse de 375% par rapport à 2023, 80% d’entre eux étant passés par la Mauritanie.
Le scrutin du 29 juin : un taux de participation de 55,39 %
1,9 million d’électeurs étaient appelés à choisir entre sept candidats. Mohamed El Ghazouani, 68 ans a été donné gagnant de l’élection présidentielle avec 56,12 % par la Commission électorale nationale indépendante, la CENI, devançant son principal challenger, le militant anti-esclavagiste, crédité de 22,10 %. La proclamation des résultats devant être validés par le Conseil constitutionnel a été suivie d’échauffourées entre les forces de l’ordre et des partisans du principal candidat de l’opposition.
Plus sérieux challenger du président, le député « antisystème » Biram Ould Abeid est arrivé deuxième avec 22,10 % des voix. Selon les résultats de la CENI, le candidat islamiste de Tawassoul, premier parti d’opposition à l’Assemblée nationale, Hamadi Ould Sidi El Mokhtar, se classe troisième avec 12,76 % des suffrages.
M. Ghazouani a fait de l’aide aux plus démunis et à la jeunesse l’une de ses priorités. En Mauritanie, les moins de 35 ans, plus de 70 % de la population, sont de plus en plus nombreux à partir vers l’Europe ou les États-Unis Le président réélu compte réformer davantage au cours d’un second mandat de cinq ans grâce à des perspectives économiques favorables. Le lancement de la production de gaz au second semestre 2024 du gisement Grand Tortue Ahmeyim, situé sur la frontière maritime avec le Sénégal. Un second gisement, Bir Allah, situé à 60 km plus au nord, présenterait les quatrièmes plus grandes réserves du continent. Leur production pourrait, selon le Fonds monétaire international (FMI), faire tripler le PIB mauritanien dès 2025.
Cette stabilité politique est un facteur essentiel pour le développement économique de la Mauritanie. Cela rassure les investisseurs et leur offre un pays où ils peuvent investir et mener des projets de développement sur le long terme. Le fait que les élections se passent sans heurts majeurs, à l'inverse d'autres pays, et que le climat politique soit stable, contrairement à de nombreux États du Sahel, fait de la Mauritanie une porte d'entrée pour de nombreux investissements.