Interrogés par les sondeurs d’opinion, la plupart des Allemands déclarent que la campagne précédant les élections fédérales du 26 septembre est terne. Pourtant, ces mêmes sondages indiquent aujourd’hui que la course électorale est la plus ouverte de l’histoire récente.
Article de Cédric Gemelh pour Gavekal. Traduction de Conflits
Au cours des dernières semaines, le SPD, parti social-démocrate de centre-gauche, a vu sa popularité augmenter, alors que celle du parti conservateur de centre-droit CDU/CSU s’est effondrée et que les Verts ont perdu du terrain. En conséquence, il est de plus en plus probable que le prochain gouvernement allemand sera une coalition de trois partis, très probablement dirigée par le SPD. Si tel est le cas, il pourrait y avoir des conséquences sur la politique allemande.
Au cours des deux dernières semaines, le SPD a dépassé les Verts dans les sondages d’opinion, réduisant presque à néant l’avance dont jouissait la CDU/CSU au cours des quatre derniers mois. Un sondage de l’INSA publié le 23 août a même montré que le SPD était à égalité avec la CDU/CSU pour la première fois en dix ans, avec 22 % pour chaque parti. Les Verts se classent en troisième position avec 17 %.
Ces tendances semblent refléter le sort du candidat de chaque parti pour succéder à Angela Merkel en tant que chancelière. Le candidat de la CDU/CSU, Armin Laschet, a manqué de popularité dès le départ et a fait une série de faux pas ; récemment, il a été filmé en train de rire lors d’un événement de solidarité avec les victimes des inondations en Allemagne. La candidate des Verts, Annalena Baerbock, a connu un début de campagne prometteur en tant que nouveau visage politique. Mais sa période de lune de miel avec le public a été de courte durée, car des allégations de plagiat, un curriculum vitae enjolivé et une série de gaffes dans les médias ont rapidement miné le sentiment (voir le tableau au verso).
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Ces échecs ont laissé le candidat du SPD, Olaf Scholz, ministre des finances du gouvernement actuel, apparaître comme la paire de mains la plus sûre. Lorsqu’on leur a demandé qui ils choisiraient dans un vote hypothétique pour la chancelière, 41% des Allemands interrogés le 20 août par Infratest dimap ont nommé Scholz, contre 16% pour Laschet et 12% pour Baerbock. Les marchés de prédiction donnent maintenant à Scholz une probabilité de 38% de devenir le prochain chancelier, contre 4% il y a un mois.
La chute de popularité de Laschet et de la CDU/CSU signifie qu’une coalition bipartite est de moins en moins probable. En particulier, une coalition noire-verte composée de la CDU/CSU et des Verts, qui semblait être l’issue la plus probable il y a un mois à peine, semble désormais de plus en plus improbable.
Une coalition de trois partis est plus probable. Les récents sondages d’opinion suggèrent de justesse qu’elle sera probablement menée par la CDU/CSU (jusqu’à présent, un seul sondage a placé le SPD à égalité avec la CDU/CSU). Le SPD étant réticent à entrer dans un nouveau gouvernement de coalition en tant que parti junior, la CDU/CSU cherchera très probablement à former une coalition jamaïcaine avec le FDP et les Verts, partisans de l’économie de marché. Toutefois, si le SPD parvient à maintenir son élan actuel, il y a de fortes chances qu’il se retrouve aux commandes. Dans ce cas, il cherchera probablement à former une coalition de type « feux de signalisation » avec le FDP et les Verts.
Une coalition dirigée par le SPD pourrait entraîner des changements dans les paramètres politiques de l’Allemagne. Les récents développements internationaux – Brexit, politiques commerciales américaines plus combatives, concurrence croissante de la Chine – ont conduit les décideurs politiques à se demander si la position économique de l’Allemagne est aussi sûre qu’ils l’ont longtemps supposé. En conséquence, les politiciens centristes ont conclu qu’il était dans l’intérêt économique de l’Allemagne de faire davantage pour promouvoir la demande intérieure et consolider son arrière-pays européen. Ce point de vue est désormais si largement accepté qu’il est susceptible de constituer l’épine dorsale du programme politique proposé par la prochaine coalition, quelles que soient ses couleurs précises.
Le changement de politique ne sera pas révolutionnaire. Les grands changements, comme la suppression du frein à l’endettement ou la pérennisation du fonds de relance européen, nécessiteraient une majorité des deux tiers dans les deux chambres du Parlement allemand. Aucun gouvernement n’est susceptible d’obtenir un tel soutien. Toutefois, les règles actuelles laissent une certaine marge de manœuvre dans leur interprétation. Et un gouvernement dirigé par le SPD est plus susceptible qu’une autre coalition dirigée par la CDU de tirer parti de cette marge de manœuvre pour accroître les dépenses budgétaires en Allemagne et renforcer la coopération économique au niveau de l’Union européenne. En bref, la probabilité d’un gouvernement plus proactif sur le plan fiscal et plus intégrationniste à Berlin augmente.