Dresde, qui fut avant sa destruction la plus belle ville d’Allemagne, occupe une place importante dans l’histoire allemande et celle des relations franco-allemandes dont l’auteur est un des spécialistes. C’est au lendemain de la conférence de Yalta que le 13 février 1945, 243 bombardiers britanniques jetèrent sur la capitale saxonne 507 tonnes de bombes explosives et 374 tonnes de bombes incendiaires, alors que la ville ne recelait aucune installation militaire majeure. Le nombre total des victimes, la plupart brûlées, est estimé entre 25 000 et 30 000 et non à 80 000 comme on l’a lu sous de nombreuses plumes. En particulier la cathédrale Frauenkirche, joyau du baroque européen, haute de 92 mètres, a été quasi anéantie, ainsi que le château d’Auguste Le Fort, futur roi de Pologne, père du maréchal de Saxe. Le centre de Dresde fut réduit à une immense ruine par ces bombardements alliés. Le Britannique aux commandes de l’opération, Arthur Harris s’en expliqua. Les Britanniques ont cherché, par cette action massive, à intimider les armées nazies qui s’en allaient non loin de là à la rencontre des armées soviétiques pour qu’elles communiquent aux Russes leur vision du bombardement. Les Anglais craignaient les Russes et ils pensaient pouvoir les inquiéter en leur montrant une image de leur potentiel de destruction. Arthur Harris a qualifié cette manœuvre comme une attaque de cible « légitime », mais dont l’expliquant était alors « indicible ».
Dresde, la « Florence de l’Elbe », n’a cessé d’attirer au long des siècles de nombreux artistes, peintres, compositeurs, écrivains ou architectes. Le musée de Dresde renferme des toiles vénitiennes, florentines et allemandes, de Canaletto à Emil Nolde. Jean-Sébastien Bach, Chopin, Weber, Liszt y ont écrit des œuvres admirables, Wagner y a découvert l’inspiration. La Madone Sixtine de Raphaël fut aussi un talisman pour des auteurs comme Friedrich Nietzsche ou Fiodor Dostoïevski. Le royaume de Saxe fut, avec celui de Bavière, l’allié de Napoléon, jusqu’à la bataille de Leipzig, la « bataille des nations », du 16 au 18 octobre 1813, opposants un demi-million d’hommes dans chaque camp, une des batailles les plus sanglantes de l’histoire ayant provoqué 92 000 victimes. Déjà Napoléon y avait reçu au palais Marcolini, le chancelier autrichien Metternich qui, à l’issue de son entretien, lâcha « jusqu’à présent, j’étais persuadé que l’Empereur des Français était perdu, maintenant j’en suis convaincu ». Durant l’époque de la RDA, Dresde fut l’unique ville du pays à ne pouvoir capter les télévisions ouest-allemandes. Le dernier secrétaire du parti communiste est-allemand fut Hans Modrow, dont Dresde était le bastion. Mentionnons un fait dont Philippe Meyer ne parle pas. C’est à Dresde qu’entre 1985 et 1990, opéra l’agent du KGB, Vladimir Poutine. Ayant eu à affronter les manifestants pro démocratiques, prêts à investir les locaux de la Stasi et ceux du KGB qui partageaient les mêmes lieux, il demanda des consignes à Moscou sur la façon d’agir, mais ne reçut aucune réponse. Ce mini incident, qui révélait la quasi-disparition d’un État, marqua visiblement sa vision politique et explique ses efforts visant à instaurer la « verticale du pouvoir ». Depuis, avec l’usine micro-processeurs de Siemens, ainsi que d’autres investissements, Dresde est en passe de devenir la Silicon saxonne.